En raison de la pandémie du coronavirus / Covid-19 - le Président de la République, Monsieur Emmanuel Macron, avait annoncé le 13 mars dernier une prolongation exceptionnelle de la période de la trêve hivernale de deux mois, soit jusqu’au 31 mai 2020.
Cette prolongation avait été réclamée par les associations de lutte contre la pauvreté notamment la Fondation Abbé Pierre et les Restos du Cœur.
Par un amendement, l’Assemblée Nationale prolonge la trêve hivernale jusqu’au 10 juillet 2020.Même s’il est facile de comprendre les motivations du gouvernement en cette période de crise, on peut tout de même s’interroger sur les conséquences d’une telle prolongation.
• Une « trêve hivernale » de neuf mois sur douze
La « trêve hivernale » 2019-2020 a commencé le 1er novembre 2019 et se terminera le 10 juillet 2020 en plein été.
Depuis son instauration par la loi du 3 décembre 1956, suite au combat de l’Abbé Pierre, la trêve hivernale prévue initialement du 1er novembre au 15 mars de l’année suivante, avait déjà été prolongée au 31 mars par la loi ALUR du 24 mars 2014.
Concrètement, les expulsions manu-militari ne pourront donc pas être mises en œuvre par les bailleurs avant le 10 juillet prochain.
• Une concentration des expulsions entre le 11 juillet et le 31 octobre 2020
Les expulsions locatives ne pourront donc être exécutées que pendant un court délai de trois mois et trois semaines, entre le 11 juillet et le 31 octobre 2020.
La trêve n’est plus une période d’exception mais devient la règle.
Cette prolongation est évidemment un soulagement pour les locataires qui n’ont pas réussi à se reloger notamment en raison du confinement mais c’est une véritable catastrophe pour de nombreux propriétaires bailleurs individuels qui ne peuvent plus faire face notamment pour rembourser leur prêt bancaire.
Cette prolongation risque également d’avoir un effet pervers en concentrant toutes les expulsions locatives en seulement trois mois.
Les huissiers de justice en charge des expulsions ne vont pas pouvoir prendre de vacances en août tant ils risquent d’être débordés.
• Une indemnisation pour les bailleurs individuels ?
L’Etat, en prolongeant à l’extrême cette trêve hivernale, empêche que de nombreuses décisions de justice soient exécutées et il serait juste que les propriétaires bailleurs soient indemnisés par l’Etat comme cela se fait quand le Préfet refuse d’accorder le concours de la force publique.
Il faudra attendre l’ordonnance du Gouvernement afin de savoir si les pouvoirs publics envisagent une telle mesure d’indemnisation des propriétaires bailleurs lésés par cette prolongation.
• Le lancement de la procédure d’expulsion reste possible
Sur ce point, il convient de rappeler qu’il reste possible pendant la trêve hivernale d’initier la procédure judiciaire d’expulsion, c’est-à-dire de délivrer un commandement de payer au locataire mauvais payeur et de l’assigner en expulsion devant le Juge du contentieux de la Protection.
De nombreux bailleurs croient à tort, qu’ils doivent attendre la fin de la trêve hivernale pour lancer la procédure et obtenir une décision du juge, c’est-à-dire un titre exécutoire d’expulsion.
• Les squatteurs ne bénéficient pas de la prolongation de la trêve hivernale
Enfin, cette prolongation exceptionnelle de la trêve hivernale décidée par le Gouvernement ne devrait heureusement pas bénéficier aux squatteurs.
Depuis la loi ELAN du 23 novembre 2018, la trêve hivernale ne peut plus bénéficier aux squatteurs, c’est-à-dire selon la loi « les personnes entrées sans droit ni titre dans le domicile d’autrui, à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte ».
Seuls les locataires « en titre » restent protégés par la trêve.
Ainsi, les locataires ayant vu leur bail résilié par acquisition de clause résolutoire ou qui se maintiennent abusivement dans les lieux à la suite d’un congé de leur bailleur ne sont donc pas concernés et continueront à être protégés par la trêve hivernale.
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