En cette période particulière, beaucoup de locataires se posent des questions sur leur loyer, le risque d'expulsion ou encore le déménagement. Décryptage de notre expert Romain Rossi-Landi, avocat au barreau de Paris.
1. J’ai signé un nouveau bail et je n’ai pas pu emménager, dois-je payer mon loyer?
Dans cette hypothèse, se pose la question du report de la date de prise d’effet du contrat de location, et par conséquent, du paiement du loyer. Du fait de l'épidémie Covid-19 mais surtout du confinement, les locataires ne peuvent pas entrer dans les lieux.
Selon l’article 1218 du Code civil, "Il y a force majeure, en matière contractuelle, lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur".
Il faut donc que "l’événement échappant au contrôle du débiteur" soit inconnu lors de la conclusion du contrat de location. Le confinement est entré en vigueur le 17 mars 2020 et l’état d’urgence sanitaire a été déclaré pour une durée de deux mois à compter du 24 mars 2020.
Pour les contrats signés avant le 16 mars :
Il y a force majeure pour les contrats de location signés avant le 16 mars et devant prendre effet après cette date. Le confinement constitue indéniablement un cas de force majeure pour le locataire entrant qui s’est vu interdit de se déplacer et donc de déménager.
Certains déménagements ont malgré tout pu avoir lieu au début de l’épidémie mais ils sont interdits depuis le 1er avril 2020, sauf en raison "d’urgences sanitaires, sociales ou de péril, de déménagements indispensables d’entreprises et de déménagements qui pourraient être rendues nécessaires dans le cadre de l’organisation des soins face à l’épidémie".
Dans la mesure où les clés n'ont pas été remises au locataire et que ce dernier est dans l'impossibilité d'entrer dans le logement, l'exécution du contrat de location se trouve donc suspendue jusqu'à la fin du confinement.
Se pose alors la question du paiement des loyers entre la prise d'effet prévue au bail et l'entrée effective du locataire dans les lieux. La suspension du contrat de location exonère le locataire de ses obligations contractuelles, notamment du paiement du loyer dès lors que les clefs ne lui ont pas été remises.
Votre bailleur ne pourra pas vous réclamer de loyer ni mettre fin à votre bail, et il suffira de lui demander de reporter la prise d'effet du contrat de location à la fin du confinement.
Pour les contrats signés après le 16 mars:
Il n’y a pas force majeure pour les contrats de location signés après le 16 mars 2020. En effet, si vous avez signé votre contrat de location après le 16 mars, vous ne pouvez logiquement plus invoquer la force majeure puisque vous étiez informé de l’impossibilité de déménager compte tenu du confinement. Vous êtes donc redevable des loyers et des charges à compter de la date de prise d'effet du bail et ce même si vous n’avez finalement pas pu emménager.
2. Mon bail se termine bientôt, dois-je quitter mon logement?
Votre bail arrive à échéance prochainement, vous avez donné congé à votre bailleur, et vous n’êtes finalement pas en mesure de libérer les lieux à l’échéance contractuelle. Disposez-vous d’un délai supplémentaire compte tenu de l’épidémie?
Là encore, si vous ne pouvez pas effectuer l’état des lieux de sortie et restituer les clefs à votre bailleur en raison des mesures de confinement, vous pouvez invoquer la force majeure en raison de l’impossibilité de déménager et prolonger, sans pénalités de retard, votre occupation. Il est recommandé, dans cette hypothèse, de signer une convention d’occupation précaire avec votre bailleur afin que vous puissiez bénéficier d’un titre d’occupation qui prendra fin lors du déconfinement.
Mais attention, cette occupation prolongée ne vous dispense pas de régler une indemnité d’occupation équivalente au loyer contractuel jusqu’à la fin du confinement et la restitution des clefs.
3. Puis-je suspendre le paiement de mon loyer en raison de l’état d’urgence sanitaire ?
Certains locataires, après avoir entendu le discours du président de la République du 13 mars 2020 s’imaginaient pouvoir bénéficier d’une exonération de leur loyer pendant l’épidémie. Il n’en est rien, le gouvernement a été très ferme, les loyers ne sont pas suspendus pour les baux d’habitation et les particuliers.
L’ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 s’applique uniquement aux personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité économique "particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation du covid-19 et des mesures prises pour en limiter la propagation".
Le ministre de la Ville Julien Denormandie s’est expliqué: "Suspendre les loyers aurait mis en difficulté certains propriétaires. Contrairement à une idée reçue, beaucoup de propriétaires sont modestes. Ce sont par exemple, des retraités qui, avec ces loyers, se constituent un complément de revenus".
Vous devez donc continuer à payer votre loyer pendant l’état d’urgence sanitaire.
4. Puis-je me faire expulser si je ne paye pas mon loyer pendant la crise sanitaire ?
Dans le cadre de l’Etat d’urgence sanitaire, le Gouvernement a pris une ordonnance n° 2020-331 du 25 mars 2020 qui a prolongé la trêve hivernale de deux mois jusqu’au 31 mai 2020. Aucun locataire ne peut donc être expulsé jusqu’au 31 mai 2020 inclus.
En revanche, votre bailleur peut toujours lancer la procédure d’expulsion pendant la trêve hivernale et vous faire délivrer un commandement de payer visant la clause résolutoire du bail. Votre expulsion pourra ensuite être menée à bien à la fin de la trêve hivernale.
Si vous rencontrez des difficultés, il est conseillé de se rapprocher de votre bailleur afin de convenir avec lui d’un échelonnement de votre dette locative.
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