Face au risque sanitaire lié au COVID-19, de nombreux parents séparés s’inquiètent des conséquences de la décision de confinement annoncée par les pouvoirs publics pour lutter contre l'épidémie sur l’exercice du droit de visite et d’hébergement et l’organisation de la résidence alternée des enfants.

Plusieurs questions peuvent se poser :

Ai-je le droit de me déplacer pour récupérer ou déposer mon enfant chez l’autre parent ?

Selon le Décret du 16 mars 2020 portant réglementation des déplacements dans le cadre de la lutte contre la propagation du virus covid-19 paru au Journal officiel le 17 mars 2020, les « déplacements pour motif familial impérieux, pour l’assistance aux personnes vulnérables ou pour la garde d’enfants » sont autorisés (voir article 1, 4°).

Les parents séparés ou divorcés peuvent donc se déplacer pour récupérer ou déposer leurs enfants au domicile de l’autre parent.

Marlène Schiappa, Secrétaire d'État chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, l’a d’ailleurs rappelé le mardi 17 mars 2020, en indiquant que “les parents séparés peuvent aller chercher, déposer ou amener leurs enfants chez l’autre parent.”

Ils devront cependant se munir de l’attestation de déplacement dérogatoire, téléchargeable ou à écrire sur papier libre et cocher la case n°4 pour justifier leur déplacement entre les deux domiciles.

Par mesure de précaution, il est aussi conseillé aux parents de se munir de leur jugement ou de la convention de divorce, qui précise les modalités de garde de leurs enfants.

Si aucune mesure n’a encore été mise en place entre les parents, un simple échange de mails fixant l’accord des parents pourrait suffire.

 

Ai-je le droit de refuser de remettre mon enfant à l’autre parent ?

Tout d’abord, il faut rappeler les termes de l’article 371-1 du Code civil qui dispose que « L'autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l'intérêt de l'enfant.

Elle appartient aux parents jusqu'à la majorité ou l'émancipation de l'enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne

L'autorité parentale s'exerce sans violences physiques ou psychologiques.

Les parents associent l'enfant aux décisions qui le concernent, selon son âge et son degré de maturité. »

 

Evidemment ainsi, si l’enfant est malade ou fragile, il sera de l’intérêt supérieur de ce dernier qu’il reste au domicile d’un des parents à long terme.

Les mesures de confinement actuelles peuvent être néanmoins, pour certains, une « bonne excuse » pour tenter de priver l’autre de l’exercice de son autorité parentale. Attention donc à ce que cette situation ne tourne pas en abus !

On peut raisonner en termes de rapprochement géographique.

Lorsque les parents habitent à proximité, les modalités d’hébergement habituelles de leurs enfants doivent être respectées. Un parent pourrait alors difficilement refuser de remettre son enfant à son ex-conjoint.

C’est généralement le cas pour la mise en place de la garde alternée, accordée généralement lorsque les domiciles des parents séparés sont proches.

Ainsi, l’organisation de la résidence alternée des enfants (mais aussi l’exercice du droit de visite et d’hébergement si les domiciles sont à proximité) devrait se dérouler normalement, malgré les mesures de confinement.

 

Lorsque les domiciles sont éloignés, notamment lorsqu’ils n’habitent pas dans la même région, l’application stricte des modalités d’hébergement habituelles des enfants paraît plus délicate.

Dans ce cas, les parents sont invités à faire preuve de bon sens.

Il paraît alors sans doute préférable qu’un parent garde le ou les enfants plus longtemps, afin de limiter les déplacements et d’éviter la propagation du virus. Il pourrait alors être organisé entre les parents de « rattraper » le temps qui n’a pas été passé avec le parent qui a été privé de l’enfant pendant son temps de garde.

L’autre parent, quant à lui, est prié compte tenu du contexte très particulier, à ne pas porter plainte pour non-présentation d’enfant. Les services de police invitent d’ailleurs actuellement les parents en ce sens.

Toutefois, il reste bien entendu possible de déposer une plainte pour non-présentation d’enfant mais si des poursuites sont enclenchées, il parait tout à fait probable qu’une condamnation ne soit pas prononcée au regard de cette situation particulière de confinement total et de l’intérêt supérieur de l’enfant.

En toute hypothèse, les parents sont appelés à communiquer le plus possible et à fonctionner dans la bonne entente, afin que la garde alternée ou le droit de visite et d’hébergement habituel se déroule au mieux.

 

Et si je souhaite voir mon enfant en dehors de mon droit de visite et d’hébergement ou de la garde altérnée avec l’accord de l’autre parent ?

Evidemment le confinement doit être respecté strictement, ce qui veut dire qu’il ne paraît pas possible de permettre de voir son enfant en dehors de son domicile (et donc de son droit de visite et d’hébergement ou de la période de garde alternée), surtout si l’idée vient au parent de vouloir se rendre avec l’enfant chez des amis ou des membres de sa famille.

Il faudrait trouver un moyen de rendre la visite possible si elle répond à un « motif impérieux », pour aider par exemple l’autre parent.

 

En résumé, le confinement n’impacte pas les modalités d’hébergement habituelles et n’empêche pas de changer l’hébergement d’un parent à l’autre. Il faut toutefois faire l’équilibre entre les intérêts de l’enfant qui priment évidemment sur celui du parent.

En cas de situation urgente comme un comportement à risque de l’autre parent ou une situation de danger de l’enfant dont l’un des parents aurait eu connaissance, il reste toujours possible de saisir le Juge aux affaires familiales en urgence pour statuer sur une modification des modalités d’exercice de l’autorité parentale et préconiser des mesures particulières. Les Tribunaux fonctionnent actuellement avec des permanences assurées régulièrement.

Il n’en reste pas moins qu’il est fondamental que ce type de démarche soit absolument sérieuse (des preuves doivent être apportées, échanges de mails, etc.) afin que cela n’ait pas, pour celui qui ne souhaite plus faire fonctionner les mesures habituelles, des conséquences fâcheuses pour la suite.

L’exercice de l’autorité parentale doit continuer à s’exercer, et chaque parent doit respecter le droit de l’autre. La situation de confinement n’échappe pas à cela.

Si vous souhaitez plus d'informations à ce sujet ?

Vous pouvez contacter Me Sophia BINET via la plateforme de consultation sur ce site internet ou via son formulaire de contact en ligne (https://www.binet-avocats.com) ou encore à l'adresse suivante : contact@binet-avocats.com.

Cabinet Me Sophia BINET, Avocat au Barreau de PARIS, 19, Boulevard de Sébastopol, 75001 PARIS  - Tél :  +33 (0) 1.85.09.90.15 - Fax : +33 (0) 1.85.09.90.16.

Article publié sur le Site du Village de la Justice