Dans un arrêt récemment rendu par la 1ère Chambre civile de la Cour de cassation du 16 février 2022, la Haute juridiction rappelle précisément que les motifs du refus d'audition doivent être mentionnés dans la décision.
Suite à une séparation, la mère avait déménagé et le père avait saisi le juge aux affaires familiales d'une demande de transfert de la résidence de l'enfant. Cet enfant avait formé une demande d'audition au cours de l'instance opposant ses deux parents sur la fixation de sa résidence, à laquelle le Juge avait répondu défavorablement, par voie de courriel, sans que les motifs de ce refus aient été repris dans la décision.
La Cour d'appel avait ensuite fixé la résidence habituelle de l'enfant au domicile du père.
La mère forme un pourvoi en cassation qui casse et annule l'arrêt de la Cour d'appel estimant que le Juge aux affaires familiales doit obligatoirement, dans ses décisions, motiver (expliquer) le refus d'auditionner l'enfant.
Voir arrêt Cass. 1ère Civ., 16 février 2022, n°21-23087
Il faut rappeler en effet qu'en matière d'audition de l'enfant :
- Le mineur capable de discernement peut être entendu par le Juge dans toute procédure le concernant et cette audition est de droit lorsque l'enfant en fait la demande (c'est à dire que le Juge devra obligatoirement l'entendre - ou une association par délégation - une personne qui ne doit entretenir de liens ni avec le mineur ni avec une partie et qui doit exercer ou avoir exercé une activité dans le domaine social, psychologique ou médico-psychologique, art. 338-9 C.civ.) ;
Voir l'article 388-1 du Code civil qui dispose que :
"Dans toute procédure le concernant, le mineur capable de discernement peut, sans préjudice des dispositions prévoyant son intervention ou son consentement, être entendu par le juge ou, lorsque son intérêt le commande, par la personne désignée par le juge à cet effet.
Cette audition est de droit lorsque le mineur en fait la demande. Lorsque le mineur refuse d'être entendu, le juge apprécie le bien-fondé de ce refus. Il peut être entendu seul, avec un avocat ou une personne de son choix. Si ce choix n'apparaît pas conforme à l'intérêt du mineur, le juge peut procéder à la désignation d'une autre personne.
L'audition du mineur ne lui confère pas la qualité de partie à la procédure.
Le juge s'assure que le mineur a été informé de son droit à être entendu et à être assisté par un avocat".
- Le refus d'audition ne peut être justifié que par son absence de discernement ou sur le fait que la procédure ne le concerne pas. Dans ce cas, le mineur et les parties devraient être avisés du refus par tout moyen, et les motifs doivent être indiqués dans la décision. La décision statuant sur la demande d'audition formée par le mineur n'est susceptible d'aucun recours (art.338-5 du Code civil)
Voir l'article 338-4 du Code civil qui dispose que:
"Lorsque la demande est formée par le mineur, le refus d'audition ne peut être fondé que sur son absence de discernement ou sur le fait que la procédure ne le concerne pas.
Lorsque la demande est formée par les parties, l'audition peut également être refusée si le juge ne l'estime pas nécessaire à la solution du litige ou si elle lui paraît contraire à l'intérêt de l'enfant mineur.
Le mineur et les parties sont avisés du refus par tout moyen. Dans tous les cas, les motifs du refus sont mentionnés dans la décision au fond."
- Comment le Juge apprécie le discernement ?
Contrairement à ce que l'on pense, il n'existe pas d'âge légal pour que l'enfant soit entendu (l'idée selon laquelle il faut attendre 10 ou 13 ans est fausse). L'article 388-1 du code civil ne fixe aucune limite d'âge.
Dans le cadre d'une procédure le concernant, il ne faut pas que les parents "poussent" leur enfant à solliciter une audition devant le juge.
Le juge doit apprécier concrètement le discernement du mineur et ne peut statuer par voie de considérations générales et abstraites en se bornant à se référer à son âge.
Généralement, les Juges entendent les enfants à partir de 8 ou 9 ans, en fonction de leur degré de maturité et du litige entre les parents.
- Comment faire pour que l'enfant soit entendu s'il le souhaite ?
Il doit écrire à la main, sur papier libre, avec ses mots son intention d'être entendu par le Juge, de vouloir lui parler, etc. Cette lettre passe ensuite par le biais par le parent qui va saisir le Juge aux affaires familiales ou elle peut être envoyer directement au Juge.
Ensuite,le greffe ou, le cas échéant, la personne désignée par le juge pour entendre le mineur adresse à celui-ci, par lettre simple, une convocation en vue de son audition (art. 388-6 C.Civ.). La convocation l'informe de son droit à être entendu seul, avec un avocat ou une personne de son choix. Le même jour, les défenseurs des parties et, à défaut, les parties elles-mêmes sont avisés des modalités de l'audition.
Le Greffe désigne un avocat (gratuit) pour l'enfant qui le recevra (accompagné du/des parent(s) avant l'audition en principe pour parler avec lui et le connaître. Cet avocat l'accompagnera ensuite lors de l'audition, sans que le/le(s) parent(s) ne soi(en)t présent(s) le jour où l'enfant est entendu.
Puis un rapport est écrit, disponible à la lecture pour les parties et leurs avocats de manière contradictoire.
L'instance se poursuit alors pour que le Juge aux affaires familiales puisse prendre en compte l'avis de l'enfant, dans son intérêt, au vu des demandes qui lui sont présentées.
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