Pour permettre une meilleure indemnisation des victimes d'accidents de la route, il a été nécessaire de s’écarter du droit commun de la responsabilité civile. La Loi n°85-677 du 5 juillet 1985 - dite Loi Badinter - a instauré un régime spécial qui vise à améliorer la situation des victimes et à accélérer les procédures d’indemnisation.

Il s’agit aux termes de cet article de préciser le champ d’application de cette Loi et les principes essentiels du droit à indemnisation des victimes.

Le champ d’application de la Loi Badinter

Cette Loi s’applique dès lors que plusieurs conditions cumulatives sont réunies.

Un véhicule terrestre à moteur est impliqué dans l’accident de la circulation

La Loi s’applique si un véhicule terrestre à moteur est impliqué. Si on pense immédiatement à une voiture, un scooter ou un camion, la jurisprudence est plus extensive. Est qualifié de véhicule terrestre à moteur tout engin à moteur qui sert au transport des personnes ou des choses ainsi que ses remorques.

L’article L110-1 du code de la route donne une définition du véhicule terrestre à moteur : « tout véhicule terrestre pourvu d'un moteur de propulsion, y compris les trolleybus, et circulant sur route par ses moyens propres, à l'exception des véhicules qui se déplacent sur rails ». Les trottinettes électriques sont aussi qualifiées de véhicules terrestres à moteur. La Loi Badinter est donc applicable au conducteur d’une trottinette électrique.

En revanche, la Loi n’est pas applicable dans le cadre d’une collision entre un vélo et un piéton. On revient alors au droit commun de la responsabilité.

Un accident doit s’être produit

Sur ce point, la jurisprudence est extensive. Ainsi, si l’accident peut consister en un choc, un heurt ou une collision, il peut aussi s’agir d’un incendie ou d’une explosion causée par le véhicule.

Dans un arrêt du 13 septembre 2012, la 2ème chambre civile de la Cour de cassation a retenu l’implication d’un véhicule au sens de la Loi Badinter concernant un camion frigorique dans lequel s’était déclaré un incendie s’étant propagé, même si au moment du sinistre le moteur était coupé (source : 2ème civile 13 septembre 2012 n°11-13.139). En revanche, la Loi n’est pas applicable en cas de faits volontaires.

La notion de circulation est aussi prévue par la Loi

Là encore, la jurisprudence est extensive. La Loi Badinter s’applique que l’accident se soit produit sur une voie publique ou privée. Ainsi, la Cour de cassation a retenu que la Loi Badinter venait à s’appliquer à un accident s’étant produit dans un atelier de réparation qu’elle a estimé ne pas être un lieu impropre au stationnement (Cass. Civ. 2ème 25 octobre 2007 n°05-21807) .En revanche, la Loi exclut de son champ d’application les véhicules circulant sur leur voie propre, notamment les Tramways et trains.

 

Votre avocat spécialisé en droit du dommage corporel vérifiera avant d’agir si vous entrez dans le champ d’application de la Loi Badinter afin de diriger l’action indemnitaire sur le fondement juridique approprié, préalable indispensable à votre indemnisation.

Les principes essentiels de l’indemnisation des victimes d’accidents de la route

La Loi Badinter prévoit deux régimes d’indemnisation selon que la victime d’un dommage corporel est conducteur ou non conducteur.

La victime est conducteur d’un véhicule terrestre à moteur

  • Si aucun véhicule tiers n’est impliqué

Si le véhicule du conducteur est le seul impliqué dans l’accident, la Loi Badinter n’a pas vocation à s’appliquer à l’indemnisation du conducteur (elle sera en revanche appliquée pour voir reconnaître le droit à indemnisation du passager ou du piéton percuté). Elle ne s’applique qu’en cas de véhicule tiers impliqué dans l’accident.

A défaut, seule la « garantie conducteur », qui n’est pas une assurance obligatoire, s’applique. Il est donc essentiel, lorsque l’on assure son véhicule, de vérifier le montant du plafond de cette garantie conducteur. Vérifiez vos contrats et modifiez, le cas échéant vos garanties, pour être le mieux indemnisé en cas d’accident sans tiers responsable.

 

  • Si un véhicule tiers est impliqué

Concernant l’indemnisation du conducteur en cas de tiers impliqué, l’article 4 de la Loi prévoit : « La faute commise par le conducteur du véhicule terrestre à moteur a pour effet de limiter ou d'exclure l'indemnisation des dommages qu'il a subis »

Ainsi, si le conducteur a commis une faute de conduite en lien avec son accident, son droit à indemnisation pourra n’être que partiel ou être exclu. C’est la gravité de la faute du conducteur qui doit être prise en compte pour déterminer dans quelle mesure le droit à indemnisation du conducteur doit être limité ou exclu.

La faute doit avoir un lien de causalité avec l’accident pour être prise en compte. Ainsi, un conducteur qui conduirait sous l’empire d’un état alcoolique ne se verra pas nécessairement exclure son droit à indemnisation, s’il est jugé que cet état n’a pas joué de rôle causal dans l’accident  (Cass. Ass. Plen. 6 avril 2007 n°05-81350).

En revanche, les juges peuvent exclure tout droit à indemnisation sans avoir à rechercher si cette faute était la cause exclusive de l’accident (Cass. Civ 2ème 18 mars 2004 n°02-12679).

Aussi, si les circonstances de l’accident sont indéterminées et que la faute du conducteur n’est pas démontrée, il est intégralement indemnisé de son préjudice (Cass. Civ. 2ème 9 décembre 1992 n°91-11409)

 

La victime n’est pas conductrice d’un véhicule terrestre à moteur

L’article 3 de la Loi Badinter prévoit que ces victimes sont indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne sans que puisse leur être opposée leur propre faute, à l’exception de toute faute inexcusable si elle a été la cause exclusive de l’accident.

 

Ce régime juridique s’applique aux piétons, cyclistes et conducteurs de trottinette non électrique victime d’un accident impliquant un véhicule terrestre à moteur

La jurisprudence se montre très restrictive quant à la possibilité d’opposer à la victime non conductrice sa faute.

Elle définit la faute inexcusable au sens de l’article 3 comme « la faute volontaire d’une exceptionnelle gravité, exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience » (Cass. Ass. Plen. 10 novembre 1995 n° 94-113912)

Ce n’est que dans des cas extrêmes que la faute inexcusable du piéton a été retenue, notamment en cas de traversée brusque d’une autoroute ou d’une voie de circulation en franchissant des glissières de sécurité ou un terre-plein planté de haies.

Ainsi, il convient de retenir que, par principe, les victimes non conductrices (passager, piéton, cycliste) ont droit à l’indemnisation intégrale de leur préjudice. Reste cependant à évaluer le dommage. L’intervention d’un avocat spécialisé en droit du dommage corporel demeure donc fondamentale même dans cette hypothèse.

En conclusion :

La Loi Badinter a mis en place un régime spécial d’indemnisation des victimes d’accidents de la route qui leur est favorable. Cela est d’autant plus vrai pour les victimes dites non-conductrices. Le conducteur se trouve dans une situation plus difficile puisque sa faute peut lui être opposée et qu’il est soumis aux conditions de son contrat en l’absence de tiers responsable.

L'expertise d'un avocat spécialisé en droit du dommage corporel est essentielle pour permettre la reconnaissance de votre droit à indemnisation et la réparation de votre préjudice.