Vous avez déposé plainte pour des faits d’abandon de famille, de harcèlement, de violences morales, sexuelles ou physiques, pour escroquerie ou vol… Vos plaintes restent lettre morte, vous n’avez pas de nouvelles depuis des semaines, des mois.
Vos plaintes sont classées sans suite.
Si vous n’avez reçu aucune réponse pour donner suite à votre plainte dans les 3 mois suivants le dépôt, on peut présumer qu’elle a été classée sans suite ou si bien sûr, vous avez reçu un courrier vous notifiant le classement sans suite du Procureur.
Cela vous ouvre le droit de saisir directement le Tribunal ou le Doyen des juges d’instruction pour « forcer » les poursuites.
Si vous êtes victime d’un crime, la seule voie qui vous sera ouverte sera la plainte avec constitution civile auprès du Doyen des Juges d’Instruction.
Si vous êtes victime d’un délit, les deux possibilités vous sont ouvertes : citation ou plainte auprès du juge d’instruction.
Dans le cadre d’une citation directe, il n’y aura aucune enquête complémentaire, le dossier sera jugé « tel qu’il est » par le Tribunal.
Dans le cadre d’une plainte auprès du juge d’instruction, une enquête sera menée par lui, et il décidera à la fin de l’enquête s’il y suffisamment d’éléments pour renvoyer le dossier devant un tribunal correctionnel ou une Cour d’assises.
Mais avant d’entamer une de ces deux procédures, il faudra déjà regarder les motifs du classement.
A/ Analyser les raisons du classement sans suite :
Un dossier de plainte peut être classé sans suite pour plusieurs raisons.
1/ Le Procureur de la République a pu considérer que les éléments qui constituent l’infraction ne sont pas réunis. Ou que la plainte ne relève pas du domaine pénal.
Si vous déposez plainte contre votre propriétaire par exemple, car il n’aurait pas rempli ses obligations, ou si vous êtes en litige avec un commerçant, cela ne relève pas forcément du droit pénal, mais du droit civil ou commercial.
Quand on dépose plainte, l’objectif est que l’auteur des faits soit condamné à une sanction pénale (amende, prison, travail d’intérêt général etc.) Cela relève du droit pénal qui est limité aux infractions prévues par le code pénal. Les affaires pénales sont jugées par le Tribunal Correctionnel (délit) ou par les Cour d’Assises (crime)
Si vous n’êtes pas victime d’un délit ou d’un crime, cela ne relève pas du droit pénal.
Ces faits dont vous pouvez être victime relèvent du terrain civil. Cela ne veut pas dire qu’aucune action n’est possible, si par exemple vous êtes en litige avec votre propriétaire, ou votre employeur, mais cela ne relève pas du pénal. Il faudra saisir les juridictions civiles ou prud’homales directement.
2/ Votre plainte a pu aussi être classée car bien qu’elle relève du droit pénal, elle n’est pas suffisamment caractérisée.
Cela signifie que l’infraction « existe » mais qu’elle n’est pas pour autant « prouvée ». Cela peut être le cas par exemple, pour une agression dont vous auriez été victime. Vous déposez plainte, mais vous n’avez fourni aucun élément de preuve, hormis vos propres déclarations (pas de certificats médicaux, de témoins, de photographies, de sms …)
Vous déposez plainte par exemple, car votre voisin vous aurait mis une gifle dans le hall de votre immeuble et vous aurez insulté.
Vous déposez plainte, mais aucun témoin ne peut corroborer vos propos, il n’y a pas de caméras de vidéosurveillance dans le hall, le mis en cause nie en bloc, vous êtes confrontés, et chacun reste sur sa position, vous n’avez aucune trace de cette agression (photo, enregistrement, certificat médical). Cette plainte pourrait être classée sans suite faute d’élément probant.
3/ Votre plainte a aussi pu être classée sans suite car les faits sont prescrits.
Cela signifie qu’ils sont désormais trop anciens pour être poursuivis. Le délai de prescription est de 1 an pour les contraventions, 6 ans pour les délits et 20 ans pour les crimes.
Si vous êtes victime d’une infraction pénale et que les faits ne sont pas prescrits, vous pouvez utiliser deux moyens pour que des poursuites soient mis en ½uvre contre le ou les auteurs de l’infraction, malgré le classement sans suite qui vous a été notifié ou face à l’inertie du commissariat en charge de votre dossier.
B/ La plainte avec constitution de partie civile.
Conformément à l’article 85 du Code de procédure pénale, « Toute personne qui se prétend lésée par un crime ou un délit peut en portant plainte se constituer partie civile devant le juge d’instruction compétent ».
Lorsque le procureur de la République décide de classer une plainte sans suite, il doit informer le plaignant de la possibilité de se constituer partie civile devant le juge d’instruction.
Tous les délits et les crimes sont concernés, sauf les délits de presse.
Pour que la constitution de partie soit recevable, il faut donc avoir été victime d’un crime ou d’un délit, avoir déposé plainte auprès d’un commissariat, ne pas avoir reçu de réponse depuis 3 mois ou avoir reçu directement du Procureur un courrier vous notifiant le classement sans suite.
La plainte peut être déposée contre une personne déterminée, mais également lorsqu’on ne connait pas le ou les auteurs des faits (plainte contre X pour vol par exemple, ou pour agression sexuelle)
La plainte avec constitution de partie civile doit être adressée au doyen des juges d’instruction. Cette plainte prend la forme d’un courrier recommandé reprenant l’ensemble des faits, et auquel sera joint obligatoirement un récépissé de la plainte précédemment déposée (pour constater que le délai de 3 mois est écoulé), ou bien l’avis de classement sans suite.
Il est fortement conseillé de joindre immédiatement toutes les pièces utiles à la constitution de votre dossier et de les lister (mains courantes, plaintes antérieures, attestations de témoins, photographies, sms, mail, courrier, relevés téléphoniques, enregistrements etc.) et de relater les faits avec précision et de manière chronologique.
Après le dépôt d'une plainte avec constitution de partie civile, le doyen des juges d'instruction demande au plaignant de verser une somme d'argent que l’on appelle consignation.
La consignation est fixée en fonction des revenus du plaignant. Cette consignation garantie le paiement d’une amende si la plainte que vous avez déposée se révélait abusive. Si les faits ont été inventés, sont mensongers ou clairement proférés dans le but uniquement de nuire à quelqu’un.
A la fin de l’instruction, que le dossier aboutisse à un procès ou non, cette consignation sera rendue au plaignant (si le juge estime que votre plainte n’était pas abusive, mais que l’enquête n’a pas pu mettre en lumière suffisamment de preuves contre le mis en cause, on vous rendra donc votre consignation. Idem, si l’enquête aboutit à un procès, elle vous sera évidemment également rendue)
Si la consignation n’est pas payée au début de la procédure, le juge d’instruction peut déclarer irrecevable votre plainte avec constitution de partie civile.
Après réception de la plainte, le juge d’instruction ordonne également sa communication au procureur de la République, afin que celui-ci prenne ses réquisitions.
Le Procureur peut tout d’abord saisir le juge d’instruction de réquisitions de non informer, ce qui signifie qu’il estime que l’ouverture d’une information (d’une enquête) n’est pas nécessaire.
Cela peut être le cas si les faits ne peuvent légalement être considérée comme une infraction pénale.
Le procureur de la République peut également prendre des réquisitions de non-lieu dans le cas où il est établi de façon claire, que les faits dénoncés par la partie civile n’ont pas été commis.
En tout état de cause, le juge d’instruction saisie d’une plainte avec constitution de partie civile n’a pas à suivre les réquisitions du procureur de la République. Elle a le devoir d’instruire, quelles que soient les réquisitions du Ministère public. Cette obligation de mener une « enquête » ne cesse que si les faits dénoncés ne relèvent pas du droit pénal ou si les faits sont prescrits.
Par exemple, si vous avez déposé plainte pour escroquerie 8 ans après les faits et même si vous avez tous les éléments de preuve, le juge d’instruction ne pourra plus rien faire et ne pourra pas poursuivre son information (le délai de prescription étant de 6 ans). Idem, si vous avez déposé plainte car vous vous considérez victime d’un vol car vous avez prêté de l’argent à un proche qui ne vous a jamais remboursé, cela ne constitue pas un vol au sens pénal, et le juge d’instruction n’ira donc pas plus loin.
Le juge d’instruction après avoir reçu votre courrier et après avoir lu les réquisitions du Procureur de la République va donc décider de soit :
- Rendre une ordonnance de refus d’informer et la procédure s’arrête là.
- Ouvrir une information judiciaire
S’il ouvre une information judiciaire, il va mener le « travail » des enquêteurs de police, il vous convoquera pour être entendu, il convoquera la personne mis en cause, il mènera différentes investigations (analyse de la téléphonie, audition de témoins, expertises, perquisitions etc.)
A la fin de l’information, il pourra décider de rendre une ordonnance de non-lieu (si finalement l’enquête n’a pas permis d’établir qu’il y a des indices suffisants contre l’auteur présumé de l’infraction pour les soumettre à l’examen d’un tribunal) ou demander que le dossier soit jugé par un tribunal correctionnel ou une cour d’assises.
Un Tribunal ou une Cour sera donc chargé de juger le mis en cause et vous pourrez lors du procès vous faire « entendre » en tant que victime et demander des dommages et intérêts pour le ou les préjudices subis.
C/ La citation directe :
Lorsqu’une plainte a été classée sans suite, la citation directe permet à un plaignant de citer directement l’auteur présumé des faits devant un tribunal correctionnel ou un tribunal de police. Il peut donc saisir un tribunal de lui-même et passer outre le classement sans suite du Parquet.
La citation directe est possible pour tous délits, mais pas pour les crimes (par exemple pour un viol)
Aucun juge d’instruction ne sera saisi et l’affaire et il n’y aura pas d’enquête plus approfondie de la Police, l’affaire sera jugée en l’état.
Il est fortement conseillé de prendre un avocat afin de rédiger la citation directe et de joindre toutes les pièces probantes afin de démontrer que l’infraction est bien constituée et demander la condamnation de l’auteur de l’infraction.
La rédaction et la procédure de citation directe peut être assez « complexe » et en cas d’erreur ou d’omission dans la citation, cette dernière sera irrecevable et aucun procès n’aura lieu.
La citation directe sera délivrée par un huissier de justice à la partie adverse.
La victime doit obtenir la date de l'audience auprès du Tribunal avant de citer, car le lieu, l'heure et la date de l'audience doivent être indiqués clairement sur la citation. Le tribunal compétent est celui du lieu de l'infraction ou celui du domicile du mis en cause.
La citation directe a pour conséquence de citer l’auteur supposé des faits afin qu’il soit jugé. C’est durant les débats devant le Tribunal que tous les éléments seront examinés, vous serez évidemment entendu et la défense également (auteur présumé des faits).
La personne mise en cause peut demander une copie du dossier au tribunal ou le consulter sur place, il peut évidemment prendre un avocat pour se défendre et l’assister.
Il peut être demandé avant et pendant l’audience par la défense (mis en cause) ou la partie civile (victime) tout acte qu'elles estiment nécessaire à la manifestation de la vérité (Une expertise, une audition de témoin etc.) mais le tribunal n’est pas tenu d’y faire droit, les parties peuvent solliciter des actes, mais cela peut être refusé par le juge. Le dossier sera alors examiné sur la base exclusivement de votre citation, des pièces que vous aurez communiquées et des pièces évidemment de la défense.
A la fin de l’audience, le tribunal rend sa décision :
- Il condamne l’auteur qui est reconnu coupable des faits qui lui sont reprochés. Il est sanctionné par une amende, une peine de prison ferme ou avec sursis, à une injonction de soins etc) et la partie civile est indemnisée du préjudice subi et le prévenu est alors condamné à vous verser des dommages et intérêts.
- Le prévenu est relaxé, il est « innocent », et la victime peut être condamnée à une amende pouvant atteindre 15 000 euros s’il s’avère que la citation était abusive. Il est possible évidemment même en cas de relaxe que la partie civile ne soit pas pour autant condamnée à une amende pour plainte abusive, la relaxe pouvant intervenir, tout simplement parce qu’il n’y avait pas assez d’éléments probants à l’encontre du mis en cause, il peut être relaxé au bénéfice du doute, ou pour des raisons purement procédurales.
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