Parmi les mesures venant renforcer l'attractivité des carrières médicales hospitalières concernant les médecins, dentistes et pharmaciens exerçant à temps partiel à l’hôpital public ,  l’article L6152-5-1 II du code de la santé publique a été instauré.


Que prévoit cette disposition ?

"Les praticiens mentionnés au 1° de l'article L. 6152-1 exerçant à temps partiel ne peuvent user de leurs fonctions hospitalières pour entrer en concurrence directe avec l'établissement public de santé dans lequel ils exercent à titre principal dans le cadre d'une activité rémunérée dans un établissement de santé privé à but lucratif, un cabinet libéral, un laboratoire de biologie médicale privé ou une officine de pharmacie.
La décision d'exercice à temps partiel du praticien peut comprendre une interdiction d'exercer une activité rémunérée dans un rayon maximal de dix kilomètres autour de l'établissement public de santé dans lequel il exerce à titre principal.
Dès que le non-respect de cette interdiction a été dûment constaté, dans le respect du contradictoire, il est mis fin à l'autorisation d'exercer à temps partiel."

 

Que faut il retenir ?

L’hôpital public bénéficie d’une forme d’exclusivité à l’égard des praticiens hospitaliers à temps partiel qui y exercent.
S’il n’est pas interdit à ces professionnels d’avoir un autre exercice professionnel, celui ci est strictement encadré et doit répondre à des critères précis :

  • quant à l’usage de leur fonction hospitalière : usage qui doit permettre l’activité exercée hors de l’hôpital public,
  • quant à la nature de cette activité : une activité rémunérée et concurrentielle directement avec l’activité de l’hôpital public dans laquelle il exerce principalement,
  • quant au lieu d’exercice : au sein d’un établissement privé à but non lucratif, un cabinet libéral, un laboratoire de biologie médicale ou une officine de pharmacie situé dans les 10 km autour de l’hôpital public.

A défaut, l’exercice à temps partiel des praticiens hospitaliers cesse au profit d’un exercice à temps plein.


Au final quelles possibilités d’exercice complémentaire reste il à ces praticiens hospitaliers à temps partiel ?

  • Un exercice au sein d’un établissement privé à but non lucratif,
  • Une activité bénévole,
  • Un exercice au - delà de 10 km autour de l’hôpital public.

 

Il convient de s’interroger sur deux points :

  1. la notion d’établissement public dans lequel le praticien exerce à titre principal. Le texte sous entend un partage d’exercice entre plusieurs établissements publics. Cette possibilité est à rapprocher du management des ressources humaines au niveau du GHT. Or, il n’est pas rare que des praticiens soient à temps (partiel et) partagé sur plusieurs sites dépendants d’un même hôpital public. Que faut il considérer ?  Le site principal de l’établissement public ou le site d’exercice effectif du praticien ? Et quid de la situation du praticien qui aurait un partage de temps équitable entre plusieurs sites ?
  2. l’usage de la fonction hospitalière pour entrer en concurrence directe avec l’hôpital public. Une activité concurrentielle s’apprécie à quelle échelle ? Celle de la profession, de la spécialité, de la sous spécialité ou de la technique spécifique ? Qu’est ce que l’usage de la fonction hospitalière ? La mention sur la plaque professionnelle ou en en tête de courrier de « praticien hospitalier à temps partiel au CH… » est elle un usage de la fonction hospitalière à but concurrentiel ?

Le Conseil de l’Ordre des médecins a introduit une QPC en soulevant notamment que ce article ne permet pas de « déterminer les cas et les conditions dans lesquels cette interdiction peut être mise en œuvre ». Ce à quoi le Conseil Constitutionnel a décidé que « les cas où les praticiens concernés sont susceptibles d'entrer en concurrence directe avec l'établissement public de santé, en raison de leur profession ou de leur spécialité et, le cas échéant, de la situation de cet établissement. Ces conditions ne sont ni imprécises ni équivoques. »

 

Conclusion

En ces temps de pénurie de ressources médicales et décloisonnement des prises en charge, entraver l’exercice public - privé des médecins, chirurgiens et pharmaciens surprend.
Reste à voir si ces dispositions seront mises en oeuvre par les établissements et entraineront des révocations de temps partiel.
Il est certain que dans ces situations, il y aura de la place pour de la discussion et de la négociation sur l’interprétation de ces dispositions.

 

 

Décision n° 2022-1027/1028 QPC du 9 décembre 2022