La crise liée au Covid-19 m’autorise-t-elle à mettre fin à mes obligations contractuelles vis-à-vis de mes partenaires commerciaux ?
Oui, mais à certaines conditions strictes et notamment si les conditions de la force majeure sont remplies.
L’article 1218 du Code civil prévoit qu’il y a force majeure en matière contractuelle, « lorsqu’un évènement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur ».
Cet article prévoit également que l’empêchement peut être définitif, conduisant alors à une résolution automatique du contrat, ou temporaire, conduisant à une suspension d’exécution de l’obligation, à moins que le retard dans l’exécution ait des conséquences suffisamment graves pour justifier la résolution du contrat.
Appliquer cet article à votre propre situation implique de vous soustraire à vos obligations, ce qui n’est pas anodin et peut avoir de lourdes conséquences. Il vous est donc conseillé en priorité et avant d’envisager cette inexécution, de faire preuve de prudence et d’effectuer un examen approfondi de votre situation contractuelle :
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Tout d’abord, votre contrat peut contenir une clause d’exclusion de la force majeure au même titre que des pénalités de retard en cas d’inexécution en présence d’un cas de force majeure. Le premier réflexe est donc de soumettre systématiquement l’examen de votre contrat à un professionnel du droit ;
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Une fois cette éventualité écartée, il vous faudra vérifier si les éléments constitutifs de la force majeure sont réunis :
- Un évènement échappant à votre contrôle : en l’espèce, les mesures prises par le gouvernement sont d’une ampleur telle qu’elles suffiront à justifier l’absence de tout contrôle possible ;
- Un évènement imprévisible : cet élément d’imprévisibilité va dépendre de la date à laquelle le contrat a été conclu et de la date à laquelle l’ampleur de la gravité de la situation a été connue. Cette dernière s’établirait aux alentours du début du mois de mars 2020. Ce qui signifie que, pour les contrats conclus après cette date, la preuve de l’imprévisibilité pourra aisément être renversée. Cette condition d’imprévisibilité est évidemment remplie pour les contrats conclus avant cette date ;
- Une absence de moyens pour contrer les effets de cet évènement : cet élément de la force majeure suppose que vous ne disposiez d’aucun moyen possible pour contourner les effets de cette crise sur l’exécution de vos obligations. Dans le cas du coronavirus, ce moyen serait par exemple une conférence téléphonique en lieu et place d’une rencontre physique.
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Une fois ces éléments réunis, il vous faudra prouver le lien de causalité entre cette crise sanitaire et l’impossibilité d’honorer vos engagements. Autrement dit, aucun élément extérieur autre que le confinement généralisé (difficultés financières par exemple), ne doit pouvoir expliquer cette inexécution. Cette preuve du lien de causalité entre le fait générateur et l’exception d’inexécution, qui pèse uniquement sur la personne empêchée, sera apportée par tout moyen.
Après avoir analysé votre situation et qu’il est avéré que le cas de force majeure trouve à s’appliquer, il est important de vous intéresser aux effets de cette applicabilité.
En l’espèce, la crise sanitaire du Covid-19 est, fort heureusement, une situation temporaire. Les mesures de confinement ont vocation à être levées.
A ce titre, le confinement en France est un empêchement temporaire : l’article 1218 admet alors une suspension du contrat pendant la période d’impossibilité. Autrement dit, toutes les obligations qui ne peuvent être actuellement honorées doivent être reportées et devront être réalisées dès que la situation le permettra.
En revanche, l’article 1218 prévoit également que la gravité du retard dans l’exécution, résultant de la suspension, justifie que l’autre partie puisse rompre définitivement le contrat (l’on pense par exemple à des conséquences financières trop lourdes pour votre cocontractant). Cette éventualité ne doit pas être laissée de côté si vous choisissez d’invoquer la force majeure. Il est nécessaire de comprendre que la suspension de sa propre exécution peut avoir des conséquences très lourdes !
Le cas de l'imprévision :
Outre la force majeure, une autre possibilité s’offre à vous, prévue par l’article 1195 du Code civil qui dispose que « Si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l'exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n'avait pas accepté d'en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Elle continue à exécuter ses obligations durant la renégociation. ».
Cette disposition légale vous permet de renégocier les termes de votre contrat, afin d’adapter ce dernier à une situation qui n’était prévue par aucune des parties. L’idée ici est de ne pas risquer que votre cocontractant obtienne la résolution du contrat par faute d’exécution de votre part.
Cette possibilité est particulièrement adaptée pour les baux commerciaux par exemple. Tenter une renégociation des termes du contrat vous permettrait de conserver vos locaux même si votre activité est temporairement suspendue du fait de la crise sanitaire du Covid-19.
Conclusion :
Vous l’aurez compris : à situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles, mais non sans réflexion préalable approfondie. Le mot d’ordre avant d’invoquer la force majeure pour suspendre votre obligation est « prudence ». Chaque situation est unique et mérite d’être analysée en profondeur.
Le cabinet W.M Avocats vous assiste dans cette étude et vous accompagne dans toutes les mesures juridiques à prendre en conséquence.
Wissam Mghazli / Maylis Rebours
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