La réponse est OUI ! Je vous explique pourquoi et comment en QUATRE POINTS.
1. La rupture conventionnelle n’empêche pas la saisine du conseil des prud’hommes
La rupture conventionnelle du contrat de travail a pour seul et unique objet de trouver un accord pour mettre fin au contrat de travail entre l’employeur et le salarié (Article L. 1237-11 du Code du Travail).
La rupture conventionnelle du contrat de travail n’est donc qu’un mode de rupture du contrat parmi d’autres comme le licenciement, la démission ou la prise d’acte.
Dès lors, elle ne peut empêcher le salarié de saisir le conseil des prud’hommes concernant soit des demandes relatives au contrat de travail, soit à la remise en cause de la rupture conventionnelle elle-même.
Seule la signature d’une transaction (aussi appelée accord transactionnel) - qui ne peut qu’être postérieure à la rupture du contrat de travail - a pour objet des concessions réciproques qui consistent en général pour l’employeur à verser une somme convenue au salarié et pour le salarié de renoncer, contre versement de cette somme, à toute saisine du conseil des prud’hommes (article 2044 du Code civil).
Seule la signature d’une telle transaction fait donc obstacle à la saisine du conseil des Prud’hommes.
2. Les demandes postérieures à la rupture conventionnelle peuvent porter sur l’exécution du contrat de travail
Toute demande formée devant le conseil des prud’hommes concernant l’exécution du contrat de travail sera recevable.
Voici notamment trois exemples de demandes classiques du salarié après la rupture de son contrat de travail.
- Prime non versée
Une prime sur objectif devait vous être versée chaque année mais ne l’a jamais été ? Elles peuvent être demandées devant le conseil des prud’hommes dans la limite de trois ans.
Les primes sont dues notamment lorsque l’employeur qui devait fixer des objectifs chaque année à son salarié ne l’a pas fait (Cour de Cassation, 11 Juillet 2012, n°11-14167).
- Heures supplémentaires non payées
Les heures supplémentaires non payées peuvent également être réclamées par le salarié à condition d’apporter au Conseil des prud’hommes a minima un calendrier précis des heures supplémentaires effectuées (Cour de Cassation, 31 Janvier 2018, n°16-12185).
- Clause de non concurrence non levée
Il arrive également que l’employeur, lors de la rupture conventionnelle, oublie de lever la clause de non concurrence par courrier recommandé dans les quinze jours suivant la rupture du contrat de travail.
La Cour de Cassation a confirmé que la clause de non concurrence devait s’appliquer lorsque le contrat avait été rompu par rupture conventionnelle, quand bien même la rédaction de la clause au sein du contrat de travail ne prévoyait s’appliquer qu’en cas de licenciement ou de démission (Cour de Cassation, 18 Janvier 2018, n°15-24002).
Il a également été précisé que le délai pour lever la clause de non concurrence courrait à compter de la date prévue par la rupture conventionnelle comme date de rupture du contrat de travail et non à compter de la signature de la rupture conventionnelle (Cour de Cassation, 29 Janvier 2014, n°12-22116).
3. La remise en cause de la rupture conventionnelle en elle-même
La rupture conventionnelle peut également être elle-même remise en cause pour obtenir la requalification de la rupture du contrat de travail en licenciement abusif susceptible d’être indemnisé, ce dans un délai de 12 mois à compter de l’homologation de la rupture par la DIRECCTE.
L’annulation d’une rupture conventionnelle n’est pas facile à obtenir, il convient de réunir des éléments probants solides pour voir cette demande prospérer.
Plusieurs éléments peuvent être mis en avant pour obtenir l’annulation d’une rupture conventionnelle notamment :
- Le vice du consentement
Ainsi l’employeur qui menace son salarié de le licencier pour faute grave et de ternir sa réputation et lui propose comme alternative la signature d’une rupture conventionnelle vicie le consentement de ce dernier. Le salarié peut donc demander la nullité de la rupture conventionnelle (Cour de Cassation, 23 mai 2013 n°12-13865, PB).
La nullité de la convention peut également être prononcée s’il est démontré que lors de la signature de la rupture conventionnelle le salarié n’était pas en état de comprendre la portée de cet acte.
- Non-respect des délais de la rupture conventionnelle
La rupture conventionnelle suit des délais stricts. Ainsi, le salarié doit bénéficier d’un délai de rétractation de 15 jours. C’est seulement à l’issue de ces 15 jours que la partie la plus diligente envoie la rupture pour homologation à la DIRECCTE.
La DIRECCTE est réputée avoir homologuée la rupture si elle ne répond pas dans un délai de 15 jours à réception du formulaire de rupture conventionnelle.
Est donc nulle la rupture conventionnelle envoyée à la DIRECCTE pour homologation avant l’expiration du délai de rétractation de 15 jours (Cass. soc. 6 décembre 2017, n°16-16851).
De même une rupture conventionnelle antidatée qui prive le salarié de son délai de rétractation de 15 jours est nulle ( Cour de Cassation, 19 octobre 2017, n° 15-27708 ).
4. La prise en compte des sommes versées lors de la rupture conventionnelle par le Conseil des Prud’hommes
- en cas de nullité de la rupture conventionnelle
La Cour de Cassation a confirmé récemment la possibilité pour les juges de déduire de l’indemnité accordée pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse, la somme touchée par le salarié dans le cadre de la rupture conventionnelle (Cass. soc. 30 mai 2018 n° 16-15273).
Dans cette décision la rupture conventionnelle avait été déclarée nulle par les juges.
Ils ont donc conclu que d’une part les sommes perçues par le salarié dans le cadre de la rupture conventionnelle devaient être restituées à l’employeur.
D’autre part, la rupture conventionnelle produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle ni sérieuse, l’employeur devait indemniser son salarié.
La Cour de Cassation confirme qu’il est alors possible de compenser ces deux sommes.
- lorsque la rupture conventionnelle n’est pas remise en cause
En cas de demande relative aux rappels de salaires, de primes ou à la clause de non concurrence, l’employeur peut être tenté d’indiquer que ces demandes ont été compensées par l’octroi au salarié d’une indemnité supra légale lors de la rupture conventionnelle.
Cependant, ces sommes ne pourront pas être compensées puisqu’il s’agit d’une part de salaires et d’autre part d’une indemnité de fin de contrat qui ne portent pas le même régime fiscal et social.
Pièce Jointe : CERFA de rupture conventionnelle