Dans deux arrêts du 25 mai 2022, la Cour de Cassation rappelle encore une fois aux Cours d’Appel le régime probatoire en matière de harcèlement moral.
Décisions commentées :
Cass. soc., 25 mai 2022, n°21-13129
Cass. soc., 25 mai 2022, n°20-19596
On rappellera que la charge de la preuve du harcèlement moral est aménagée pour le salarié. Et pour cause, tout salarié ayant été victime d’un harcèlement moral sait à quel point il est difficile d’en apporter la preuve.
Sous l’impulsion de la jurisprudence, le législateur a donc aménagé la charge de la preuve en prévoyant un raisonnement en deux étapes :
- Le salarié doit apporter la preuve de faits laissant supposer l’existence d’un harcèlement moral ;
- L’employeur doit ensuite démontrer, s’il le peut, que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un harcèlement moral et qu’ils reposent sur des faits objectifs étrangers à tout harcèlement ;
Texte : Article L. 1154-1 du Code du Travail
- Plusieurs sanctions imputées au salarié peuvent constituer des faits laissant supposer l’existence d’un harcèlement moral
Dans la première décision, Cour de Cassation, chambre sociale, 25 mai 2022, n°21-13129, la Cour censure une Cour d’Appel qui n’avait pas analysé les sanctions imputées au salarié comme des faits laissant supposer l’existence d’un harcèlement moral.
La Cour d’Appel n’avait pas retenu ses sanctions comme des faits laissant supposer de l’existence d’un harcèlement moral pour deux motifs :
- D’une part, car les sanctions n’avaient pas été contestées par le salarié avant la procédure prud’homale ;
- D’autre part, car les sanctions n’étaient pas justifiées du seul fait de l’absence de preuve produites par l’employeur pour justifier lesdites sanctions, le salarié n’apportant pas la preuve contraire ;
La Cour de Cassation censure ce raisonnement. Cela signifie que, quand bien même le salarié n’aurait pas contesté les sanctions reçues lors de leur réception : elles peuvent être considérées comme des faits laissant supposer l’existence d’un harcèlement moral.
De même le seul fait que l’employeur n’apporte pas la preuve du fondement desdites sanctions sans que le salarié n’apporte la preuve contraire, suffit également à caractériser lesdites sanctions comme des faits laissant supposer l’existence d’un harcèlement moral.
- Les éléments apportés par le salarié doivent impérativement être analysés dans leur ensemble
Dans le deuxième cas d’espèce, Cour de Cassation, 25 mai 2022, n°20-19596, la Cour censure également la Cour d’Appel au motif que cette dernière n’a pas analysé dans leur ensemble les éléments soumis par le salarié.
En l’espèce, le salarié apportait notamment des mails du directeur général, des attestations et des certificats médicaux.
La Cour d’Appel écartait chacun des faits séparément en indiquant qu’ils n’étaient pas constitutifs des faits laissant supposer l’existence d’un harcelement moral. La Cour d’appel notait notamment que les certificats médicaux produits ne mentionnaient pas le lien entre la dégradation des conditions de travail et l’état de santé du salarié.
Elle notait également que le salarié avait été considéré « apte » à la reprise par le médecin du travail.
La Cour de Cassation censure de nouveau la Cour d’appel car elle a analysé les éléments soumis un par un en les écartant au lieu d’analyser les éléments dans leur ensemble.
Cela laisse à supposer que la prise en compte des éléments dans leur ensemble, notamment les mails agressifs du directeur général, les attestations et les certificats médicaux étaient lorsque pris dans leur ensemble des faits laissant supposer l’existence d’un harcelement moral.
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En espérant que ces rappels de la jurisprudence applicable seront suivis par les Cours d’Appel.
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