L’avis collégial des médecins sur l’état de santé de l’étranger malade n’a pas à indiquer le nom du médecin ayant rédigé le rapport médical

Précisant la procédure suivant laquelle s’apprécie l’état de santé de l’étranger malade qui sollicite une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale », prévue par le 11° de l’article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le Conseil d’Etat, par un arrêt du 7 décembre 2018, n° 419226, vient de rejeter le formalisme excessif qu’aurait impliqué l’exigence que l’avis collégial des médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration indique le nom du médecin auteur du rapport médical au vu duquel ils se sont ensuite prononcés.

La question avait divisé les cours administratives d’appel, ainsi que le relevait le rapporteur public du Conseil d’Etat, Madame Sophie Roussel, dans ses conclusions, disponibles sur le site ArianeWeb, sur l’affaire jugée le 7 décembre 2018 (CAA Bordeaux 26 janvier 2018, n° 17BX03206 ; Lyon 10 juillet 2018, n° 18LY01522 ; Nantes 5 octobre 2018, n° 18NT00858).

Elle résultait de l’application d’une nouvelle procédure d’appréciation de l’état de santé de l’étranger malade, confiée aux médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration, issue de l’article 8 du décret n° 2016-1456 du 28 octobre 2016 pris pour l'application de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 et portant diverses dispositions relatives à l'entrée, au séjour et au travail des étrangers en France.

Ce nouveau dispositif était entré en vigueur le 1er janvier 2017 (article 31 du décret n° 2016-1456 précité).

On sait que le titre prévu par l’article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est délivré est de plein droit, dès lors que les conditions de son obtention sont réunies et sous réserve que la présence de l’étranger en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public.

Suivant le 11° de cet article, les conditions à satisfaire pour en bénéficier sont les suivantes :

  • l’étranger doit résider habituellement en France ;
  • son état de santé doit nécessiter une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;
  • eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié.

L’octroi de la carte de séjour est décidé par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'office français de l'immigration et de l'intégration (article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile).

L’avis ainsi prévu est émis :

  • par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;
  • au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (idem).

Les conditions de cette procédure consultative ont été fixées par les ministres chargés de l'immigration et de la santé en un arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Le préfet du lieu où l'étranger a sa résidence habituelle lui remet un dossier comprenant une notice explicative l'informant de la procédure à suivre et un certificat médical vierge relatif à son état de santé, à faire remplir par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier (article 1er de l’arrêté du 27 décembre 2016).

Le certificat médical, dûment renseigné et accompagné de tous les documents utiles, est transmis sans délai, par le demandeur, par tout moyen permettant d'assurer la confidentialité de son contenu, au service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (article 2 de l’arrêté du 27 décembre 2016).

Au vu du certificat médical et des pièces qui l'accompagnent ainsi que des éléments qu'il a recueillis au cours de son examen éventuel, le médecin de l'office établit un rapport médical (article 3 de l’arrêté du 27 décembre 2016).

Le collège de médecins à compétence nationale de l'office comprend trois médecins instructeurs des demandes des étrangers malades, à l'exclusion de celui qui a établi le rapport (article 5 de l’arrêté du 27 décembre 2016).

Au vu du rapport médical précité, le collège de médecins désigné pour chaque dossier émet son avis en précisant :

  • si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ;
  • si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ;
  • si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ;
  • la durée prévisible du traitement (article 6 de l’arrêté du 27 décembre 2016).

Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays (idem).

Emis à l'issue de la délibération du collège, qui peut avoir lieu par conférence téléphonique ou audiovisuelle, l'avis est signé par chacun des trois médecins membres du collège (idem).

Par décision du 17 janvier 2017 relative à la composition et au fonctionnement du collège de médecins à compétence nationale de l’office français de l’immigration et de l’intégration (NOR : INTV170356S), publiée au bulletin officiel du ministère de l’intérieur du 15 avril 2017 (n° 2017-4, pages 288 et 289), le directeur général de cet établissement public a prévu que l’avis du collège est rendu à la majorité (article 3).

Cet avis mentionne les « éléments de procédure » (article 6 de l’arrêté du 27 décembre 2016).

Par arrêt du 26 janvier 2018, n° 17BX03206, la cour administrative d’appel de Bordeaux avait jugé que, parmi les éléments à viser, l’avis collégial devait notamment mentionner le nom du médecin de l'office français de l'immigration et de l'intégration ayant établi le rapport médical de façon à permettre à l'autorité administrative de s'assurer, préalablement à sa décision, que ce médecin ne siège pas au sein du collège qui rend l'avis, et, par suite, de la composition régulière de ce collège.

C’est cette appréciation que le Conseil d’Etat vient de censurer pour erreur de droit par son arrêt n° 419226 du 7 décembre 2018.

Pour lui, il ne résulte d'aucune des dispositions législatives et règlementaires du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, non plus que d'aucun principe, que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration devrait porter mention du nom du médecin qui a établi le rapport médical, prévu par l'article R. 313-22, qui est transmis au collège de médecins de l'Office.

Si l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 indique que l'avis mentionne « les éléments de procédure », cette mention renvoie, ainsi qu'il résulte du modèle d'avis figurant à l'annexe C de l'arrêté, rendu obligatoire par cet article 6, à l'indication que l'étranger a été, ou non, convoqué par le médecin ou par le collège, à celle que des examens complémentaires ont été, ou non, demandés et à celle que l'étranger a été conduit, ou non, à justifier de son identité.

Par suite, réglant l’affaire au fond, le Conseil d’Etat a écarté le moyen de la requérante tiré de ce que le refus de lui renouveler son titre de séjour pour raisons médicales aurait été pris au terme d'une procédure irrégulière, faute que soient établis l'existence du rapport médical, sa transmission au collège de médecins et la date de cette transmission, la désignation régulière des médecins membres du collège et le fait que le médecin auteur du rapport médical n'ait pas siégé au sein du collège.

Le respect de la règle selon laquelle le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège lui a paru résulter en l’espèce de la production par le préfet défendeur, dans la procédure contentieuse devant la juridiction administrative, d’un courrier électronique adressé à cette autorité par les services de l'office français de l'immigration et de l'intégration et indiquant le nom de médecin qui a établi le rapport médical ensuite transmis au collège composé de trois autres médecins.

A cet égard, le rapporteur public avait d’ailleurs indiqué devant le Conseil d’Etat que le préfet ne pouvait pas produire autre chose, notamment pas le rapport médical médecin instructeur, détenu par le seul l'office français de l'immigration et de l'intégration et couvert par le secret médical.

A tout le moins, il devrait incomber à l’Administration, qui a la charge d’établir la régularité de la procédure menée par elle, en cas de contestation par le requérant, d’apporter la preuve que le médecin auteur du rapport médical n’a pas ensuite siégé au sein du collège appelé à mettre un avis (CAA Nancy 11 décembre 2018, n° 18NC01562),

Il a été jugé que cette preuve peut prendre la forme d’une attestation établie par l’office français de l'immigration et de l'intégration (CAA Nantes 5 octobre 2018, n° 18NT00858).

Par ailleurs, l’intéressé devrait avoir le droit, sur le fondement de l’article L. 311-6 du code des relations entre le public et l'administration, d’obtenir copie du rapport médical le concernant auprès de cet office (cf. avis de la commission d’accès aux documents administratifs n° 20163450 du 22 septembre 2016), qui doit le conserver pendant cinq ans (article 12 de l’arrêté du 27 décembre 2016).

A cet égard, le droit d’accès à son dossier médical paraît également garanti par l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH 28 avril 2009, K. H. c. Slovaquie, n° 32881/04).


Rémy SCHMITT

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