Par avis du 6 mars 2024 (n° 23-70017) en réponse à une question du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Quimper (« Le délai de sept jours fixé par l'article L. 3222-5-1, II, du code de la santé publique, imparti au juge pour statuer après deux décisions de maintien en isolement, expire-t-il à la vingt-quatrième heure du septième jour suivant la précédente décision du juge des libertés et de la détention, à l'heure à laquelle la précédente décision a été rendue sept jours auparavant, ou à la minute à laquelle la précédente décision a été rendue sept jours auparavant ? »), la Première chambre civile de la Cour de cassation a répondu que ce délai expire sept fois vingt-quatre heures, soit 168 heures, après la précédente décision de maintien de la mesure par le juge des libertés et de la détention, à l'heure exacte en heures et en minutes.

Cette interprétation est d’abord justifiée par les limites que le législateur a entendu fixer à la  « pratique de dernier recours » (paragraphe I de l'article L. 3222-5-1 du code de la santé publique) que doit constituer l’isolement, qui ne peut concerner que des patients en hospitalisation complète sans consentement.

« Il ne peut y être procédé que pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui, sur décision motivée d'un psychiatre et uniquement de manière adaptée, nécessaire et proportionnée au risque après évaluation du patient. Leur mise en œuvre doit faire l'objet d'une surveillance stricte, somatique et psychiatrique, confiée par l'établissement à des professionnels de santé désignés à cette fin et tracée dans le dossier médical.

La mesure d'isolement est prise pour une durée maximale de douze heures. Si l'état de santé du patient le nécessite, elle peut être renouvelée, dans les conditions et selon les modalités prévues au premier alinéa du présent I, dans la limite d'une durée totale de quarante-huit heures, et fait l'objet de deux évaluations par vingt-quatre heures » (idem).

« A titre exceptionnel, le médecin peut renouveler, au-delà des durées totales prévues au I, les mesures d'isolement et de contention, dans le respect des conditions prévues au même I. Le directeur de l'établissement informe sans délai le juge des libertés et de la détention du renouvellement de ces mesures. Le juge des libertés et de la détention peut se saisir d'office pour y mettre fin. Le médecin informe du renouvellement de ces mesures au moins un membre de la famille du patient, en priorité son conjoint, le partenaire lié à lui par un pacte civil de solidarité ou son concubin, ou une personne susceptible d'agir dans son intérêt dès lors qu'une telle personne est identifiée, dans le respect de la volonté du patient et du secret médical.

Le directeur de l'établissement saisit le juge des libertés et de la détention avant l'expiration de la soixante-douzième heure d'isolement ou de la quarante-huitième heure de contention, si l'état de santé du patient rend nécessaire le renouvellement de la mesure au-delà de ces durées.

Le juge des libertés et de la détention statue dans un délai de vingt-quatre heures à compter du terme des durées prévues au deuxième alinéa du présent II » (paragraphe II de l'article L. 3222-5-1 du code de la santé publique).

« Si les conditions prévues au même I sont toujours réunies, le juge des libertés et de la détention autorise le maintien de la mesure d'isolement ou de contention. Dans ce cas, le médecin peut la renouveler dans les conditions prévues audit I et aux deux premiers alinéas du présent II. Toutefois, si le renouvellement d'une mesure d'isolement est encore nécessaire après deux décisions de maintien prises par le juge des libertés et de la détention, celui-ci est saisi au moins vingt-quatre heures avant l'expiration d'un délai de sept jours à compter de sa précédente décision et le médecin informe du renouvellement de ces mesures au moins un membre de la famille du patient, en priorité son conjoint, le partenaire lié à lui par un pacte civil de solidarité ou son concubin, ou une personne susceptible d'agir dans son intérêt dès lors qu'une telle personne est identifiée, dans le respect de la volonté du patient et du secret médical. Le juge des libertés et de la détention statue avant l'expiration de ce délai de sept jours. Le cas échéant, il est à nouveau saisi au moins vingt-quatre heures avant l'expiration de chaque nouveau délai de sept jours et statue dans les mêmes conditions » (idem).

La circulaire du Garde des Sceaux du 25 mars 2022 (n° NOR : JUSC 2209863C) présentant les dispositions issues de l’article 17 de la loi n° 2022-46 du 22 janvier 2022 renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique et du décret n° 2022-419 du 23 mars 2022 modifiant la procédure applicable devant le juge des libertés et de la détention en matière d'isolement et de contention mis en œuvre dans le cadre de soins psychiatriques sans consentement, indiquait que la saisine du juge des libertés et de la détention après une seconde décision de maintien, et pour les renouvellements ultérieurs, devrait avoir lieu « au moins 24 heures avant l’expiration d’un délai de 7 jours d’isolement suivant le dernier cycle au cours duquel la décision du JLD est intervenue. Le juge doit statuer avant l’expiration du délai de 7 jours » (page 8), sans préciser exactement la computation de celui-ci (voir, toutefois, le schéma en page 5).

A cet égard, l’avis du 6 mars 2024 relève que :

  • « les délais applicables sont ainsi exprimés en heures, à la différence du délai de sept jours introduit par la loi du 22 janvier 2022 » ;
  • « ce dernier délai inclut une saisine du juge des libertés et de la détention vingt-quatre heures avant son expiration » ;
  • « les délais exprimés en heures se calculent d'heure à heure (1re Civ., 26 octobre 2022, pourvoi n° 20-22.827, publié) »
  • le second alinéa de l'article R. 3211-32 du code de la santé publique a exclu l’application de l’article 642 code de procédure civile (« Tout délai expire le dernier jour à vingt-quatre heures. / Le délai qui expirerait normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant ») à la procédure judiciaire relative aux mesures d'isolement et de contention prises en application de l'article L. 3222-5-1 du code de la santé publique ;
  • « les mesures d’isolement et de contention sont des mesures privatives de liberté et la liberté individuelle ne peut être tenue pour sauvegardée que si le juge intervient dans le plus court délai possible (décision n° 2020-844 QPC du 19 juin 2020) ».

La Première chambre civile en a donc déduit qu’il « ne peut être retenu que le délai de sept jours dans lequel le juge doit statuer expire sept jours après sa précédente décision à vingt-quatre heures », mais que ce délai expire « 168 heures, après la précédente décision de maintien de la mesure par le juge des libertés et de la détention, à l'heure exacte en heures et en minutes ».

Par suite, la mesure d’isolement devrait être levée si le directeur de l'établissement n'avait pas saisi le juge des libertés et de la détention avant l'expiration d’une durée de 144 heures à compter de sa précédente décision de maintien, ou si le juge ne statuait pas dans le délai de 168 heures à compter de cette même décision (article R. 3211-39 du code de la santé publique).