Par un arrêt n° 424759 du 26 décembre 2018, le Conseil d’Etat a jugé que la publication d’une circulaire de l’Administration des douanes au Bulletin officiel des douanes déclenche le délai de recours contentieux envers elle.

Une société d’importation, d’entreposage et de fourniture de tabac avait formé devant lui un recours pour excès de pouvoir contre la circulaire n° CPAD1810968C du 17 avril 2018 du ministre de l'action et des comptes publics présentant la fiscalité applicable aux tabacs manufacturés commercialisés en France ainsi qu'aux tabacs importés par les voyageurs, de même qu’à l’encontre du refus de l’Administration de la retirer ou de l’abroger.

On sait que l'interprétation, notamment par voie de circulaires ou d'instructions, que l'autorité administrative donne des lois et règlements qu'elle a pour mission de mettre en œuvre, n'est pas susceptible d'être déférée au juge de l'excès de pouvoir lorsque, étant dénuée de caractère impératif, elle ne saurait, quel qu'en soit le bien-fondé, faire grief.

En revanche, les dispositions impératives à caractère général d'une circulaire ou d'une instruction doivent être regardées comme faisant grief, alors même qu'elles se borneraient à réitérer une règle déjà contenue dans une norme juridique supérieure, le cas échéant en en reprenant les termes exacts (CE Sect. 18 décembre 2002, n° 233618).

Dans le cadre ainsi tracé, il s’agissait d’abord de savoir si le recours dirigé directement contre la circulaire n’était pas tardif.

En effet, dans ses parties contestées, la circulaire attaquée ne faisait que reprendre les dispositions d’une circulaire du 6 avril 2017 publiée depuis plus de deux mois au Bulletin officiel des douanes.

Or une telle reproduction ne rouvre pas le délai de recours contentieux (CE 9 juillet 2007, n° 297711).

Il fallait dès lors apprécier si la publication dans ce bulletin avait suffi à déclencher le cours de ce délai.

Le Conseil d’Etat a ici appliqué les principes de son arrêt de Section du 27 juillet 2005, n° 259004.

La publication d'une décision administrative dans un recueil autre que le journal officiel fait courir le délai du recours contentieux à l'égard de tous les tiers si l'obligation de publier cette décision dans ce recueil résulte d'un texte législatif ou réglementaire lui-même publié au Journal officiel de la République française.

En l'absence d'une telle obligation, cet effet n'est attaché à la publication que si le recueil peut, eu égard à l'ampleur et aux modalités de sa diffusion, être regardé comme aisément consultable par toutes les personnes susceptibles d'avoir un intérêt leur donnant qualité pour contester la décision.

Par ailleurs, dans sa rédaction en vigueur à la publication de la circulaire attaquée, l'article L. 312-2 du code des relations entre le public et l'administration prévoyait :

« Font l'objet d'une publication les instructions, les circulaires ainsi que les notes et réponses ministérielles qui comportent une interprétation du droit positif ou une description des procédures administratives. »

Le décret en Conseil d'Etat devant en préciser les modalités d'application a disposé :

« Les documents administratifs mentionnés au premier alinéa de l'article L. 312-2 émanant des administrations centrales de l'Etat sont, sous réserve des dispositions des articles L. 311-5 et L. 311-6, publiés dans des bulletins ayant une périodicité au moins trimestrielle et comportant dans leur titre la mention " Bulletin officiel ".

Des arrêtés ministériels déterminent, pour chaque administration, le titre exact du ou des bulletins la concernant, la matière couverte par ce ou ces bulletins ainsi que le lieu où le site internet où le public peut les consulter ou s'en procurer copie du présent article » (article R. 312-3 du même code, devenu R. 312-3-1).

Or, les modalités de publication et de consultation des documents administratifs pour le ministère de l'économie et le ministère du budget ont fait l’objet d’un arrêté du 16 octobre 1980, publié au Journal officiel du 9 décembre 1980.

Il prévoit que les documents administratifs émanant de la direction générale des douanes et droits indirects sont publiés au Bulletin officiel des douanes, lui-même publié suivant une périodicité au moins trimestrielle, et que ce bulletin peut être consulté au centre de documentation économie et finances sis 12, place du Bataillon du Pacifique à Paris (12ème).

Par suite, ce bulletin officiel, également accessible sur le site Internet "www.douane.gouv.fr/informations/bulletins-officiels-des-douane", devait être regardé comme le recueil des instructions, circulaires et autres documents comportant une interprétation du droit positif pris par l'administration des douanes, au sens et pour l'application des dispositions de l'article R. 312-3 précité du code des relations entre le public et l'administration.

En conséquence, la publication d'une circulaire au Bulletin officiel des douanes fait courir le délai du recours contentieux à l'égard de tous les tiers à compter de la date cette publication.

Le recours de la société était donc tardif en ce qu’il tendait directement à l’annulation de la circulaire du 17 avril 2018.

En revanche, il ne l’était pas contre le refus de l’Administration d’abroger certaines de ses dispositions, qui a été annulé, et il lui a été enjoint de les abroger, dès lors qu’elles étaient entachées d’incompétence pour avoir édicté des règles nouvelles s’écartant des dispositions de l’article 575 B du code général des impôts.

Dans un tel contentieux, il paraît ainsi prudent et judicieux de contester une circulaire à la fois directement et par le biais du refus de l’abroger ou de la modifier, à susciter préalablement par une demande en ce sens à l’Administration.

On remarquera enfin que les instructions ou circulaires qui n'ont pas été publiées sur l'un des supports prévus par les dispositions de la section 2 du chapitre II du titre Ier du livre III du code des relations entre le public et l'administration, dont celles de l’article R. 312-3-1 (anciennement R. 312-3), sont réputées abrogées à défaut de publication sur l'un de ces supports dans un délai de quatre mois à compter de leur signature, conformément à l’article R. 312-7 du même code, dans sa rédaction issue du décret n° 2018-1047 du 28 novembre 2018 relatif aux conditions de publication des instructions et circulaires, et entrée en vigueur le 1er janvier 2019.

Pareillement, les circulaires et instructions signées avant le 1er janvier 2019 seront réputées abrogées, au 1er mai 2019, si elles n'ont pas, à cette dernière date, été publiées sur les supports prévus par les dispositions de la section 2 du chapitre II du titre Ier du livre III du code des relations entre le public et l'administration (article 7 du décret n° 2018-1047 du 28 novembre 2018).

 


Rémy SCHMITT

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