Par un arrêt de Section du 21 décembre 2018, n° 409678, le Conseil d’Etat a restreint la liberté du juge administratif de fonder l’annulation pour excès de pouvoir d’une décision administrative sur le moyen de son choix, invoqué par le requérant ou relevé d’office.

Il avait été saisi d’un pourvoi en cassation contre l’arrêt n° 15MA03745 du 9 février 2017 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille avait rejeté l’appel de la requérante tendant à ce qu’il soit enjoint au préfet du Var de lui délivrer un agrément pour la formation à la conduite des navires de plaisance à moteur, conformément à ses conclusions présentées à titre principal en première instance.

Il avait été simplement enjoint au préfet du Var de réexaminer la demande d’agrément, par le tribunal administratif de Toulon, dont le jugement du 9 juillet 2015 avait annulé le refus du 10 avril 2013 de délivrer un tel agrément à la requérante, en raison du vice de motivation qui l’entachait.

Dans ce contexte, le Conseil d’Etat a précisé les conditions dans lesquelles le juge de l’excès de pouvoir peut être amené à devoir fonder son annulation de la décision attaquée sur le moyen qui permettrait de faire également droit aux conclusions d’injonction dont il est saisi, sans s’en tenir au moyen de son choix qui le dispenserait d’avoir à tirer de telles conséquences de l’annulation prononcée.

Certes, « le motif par lequel le juge de l'excès de pouvoir juge fondé l'un quelconque des moyens de légalité soulevés devant lui ou des moyens d'ordre public qu'il relève d'office suffit à justifier l'annulation de la décision administrative contestée. »

En effet, « le juge de l'excès de pouvoir n'est en principe pas tenu, pour faire droit aux conclusions à fin d'annulation dont il est saisi, de se prononcer sur d'autres moyens que celui qu'il retient explicitement comme étant fondé. »

Mais cette règle générale connaît des exceptions.

Telle peut d’abord être la volonté du législateur.

Ainsi de l’article L. 600-4-1 du code de l’urbanisme, imposant à la juridiction administrative qui annule pour excès de pouvoir un acte d'urbanisme, de se prononcer sur l'ensemble des moyens de la requête qu'elle estime susceptibles, en l'état du dossier, de fonder l'annulation.

Indépendamment des possibles exceptions législatives, le Conseil d’Etat règle la manière dont le juge de l’excès de pouvoir peut ou doit fonder son annulation, et, le cas échéant, en tirer les conséquences.

Lorsque ce juge annule une décision administrative et que plusieurs moyens sont de nature à justifier l'annulation, « il lui revient, en principe, de choisir de fonder l'annulation sur le moyen qui lui paraît le mieux à même de régler le litige, au vu de l'ensemble des circonstances de l'affaire ».

Il en va autrement lorsque le requérant conclut, outre à l’annulation de la décision attaquée, à ce qu’il soit enjoint à l’Administration de prendre une décision dans un sens déterminé, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative.

Dans ce cas, « il incombe au juge de l'excès de pouvoir d'examiner prioritairement les moyens qui seraient de nature, étant fondés, à justifier le prononcé de l'injonction demandée ».

Il doit procéder de la même manière en cas de conclusions d’injonction à titre principal sur le fondement de cet article et à titre subsidiaire sur celui de l’article L. 911-2 du même code tendant à ce que l’Administration reprenne une nouvelle décision dans un délai déterminé au terme d’une nouvelle instruction.

Par ailleurs, le Conseil d’Etat permet aussi au requérant de hiérarchiser ses prétentions, « en fonction de la cause juridique sur laquelle reposent, à titre principal, ses conclusions à fin d'annulation ».

Celui-ci doit alors le faire avant l’expiration du délai de recours.

Ainsi saisi et lié par les conclusions de la requête, le juge doit respecter cette hiérarchisation, « en examinant prioritairement les moyens qui se rattachent à la cause juridique correspondant à la demande principale du requérant. »

Le Conseil d’Etat limite cependant l’obligation de motivation du juge, si aucun moyen de la demande principale ne paraît fondé à celui-ci.

S’il ne retient qu’un moyen de la demande subsidiaire pour annuler la décision attaquée, les moyens de la demande principale seront regardés comme implicitement et nécessairement rejetés par son jugement.

Si le jugement est susceptible d'appel et qu’il n’a pas fait droit à sa demande principale, le requérant est recevable à en relever appel.

Statuant dans le cadre de l'effet dévolutif, le juge d'appel doit alors se prononcer sur les moyens, soulevés devant lui, susceptibles de conduire à faire droit à la demande principale.

Ces différents principes renforcent l’efficacité du recours pour excès de pouvoir en tenant mieux compte des intentions du requérant, sans que l’office du juge en soit trop alourdi.

Dûment saisi des conclusions et moyens adéquats par son requérant, le juge de l’excès de pouvoir ne pourrait plus s’en tenir à l’annulation pour illégalité externe d’une décision de l’Administration qui serait également entachée d’une illégalité interne telle qu’il devrait faire droit aux conclusions d’injonction tendant à ce que, sous réserve d'un changement des circonstances, une décision doive être prise par l’autorité administrative dans un sens déterminé.

Dans l’affaire du 21 décembre 2018, le Conseil d’Etat a jugé que la cour administrative d’appel de Marseille avait eu raison de rejeter l’appel de la requérante, dès lors que le refus du préfet du Var n’était pas entaché d’illégalité au fond.


Rémy SCHMITT

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