Par un arrêt du 31 janvier 2024 (n° 22-23242, publié au Bulletin), la Première chambre civile de la Cour de cassation a rappelé qu’un majeur protégé avait capacité à faire appel seul, sans l’assistance, en l’espèce, de son curateur, de l’ordonnance du juge des libertés et de la détention statuant sur une mesure de soins sans consentement le concernant.
Dans cette affaire, le patient avait été admis en soins psychiatriques sans consentement sous la forme d'une hospitalisation complète par décision du préfet de police de Paris.
Il avait ensuite fait l’objet d’un programme de soins avant d’être, le 21 août 2022, réadmis en hospitalisation complète.
La poursuite des soins avait été autorisée par une ordonnance du juge des libertés et de la détention du 1er septembre 2022, saisi par le préfet de police de Paris, et dont l’avocat du patient avait fait appel le 12 septembre 2022.
Son appel avait été déclaré irrecevable par ordonnance du premier président de la cour d’appel du 16 septembre 2022, au motif que le patient, majeur sous curatelle en vertu d'un jugement du 30 novembre 2018, ne pouvait agir ou se défendre en justice sans l'assistance de son curateur.
L’ordonnance du 16 septembre 2022 a fait l’objet d’un pourvoi en cassation du patient et la Première chambre civile, dans le fil de sa jurisprudence du 5 juillet 2023 (arrêt n° 23-10096, publié au Bulletin), a cassé sans renvoi la décision attaquée pour violation des articles 415, 459 du code civil et L. 3211-12 du code de la santé publique, disposant respectivement :
- « Les personnes majeures reçoivent la protection de leur personne et de leurs biens que leur état ou leur situation rend nécessaire selon les modalités prévues au présent titre. / Cette protection est instaurée et assurée dans le respect des libertés individuelles, des droits fondamentaux et de la dignité de la personne. / Elle a pour finalité l'intérêt de la personne protégée. Elle favorise, dans la mesure du possible, l'autonomie de celle-ci. / Elle est un devoir des familles et de la collectivité publique » (article 415 du code civil) ;
- « Hors les cas prévus à l'article 458, la personne protégée prend seule les décisions relatives à sa personne dans la mesure où son état le permet (…) » (article 459 du code civil) ;
- « La saisine (du juge des libertés et de la détention) peut être formée par : 1° La personne faisant l'objet des soins ; (…) 3° La personne chargée d'une mesure de protection juridique relative à la personne faisant l'objet des soins » (troisième alinéa du paragraphe I de l’article L. 3211-12 du code de la santé publique ».
La Cour de cassation en a déduit que « constitue un acte personnel que la personne majeure protégée peut accomplir seule l'appel d'une décision du juge des libertés et de la détention statuant sur une mesure de soins sans consentement la concernant ».
Par application des mêmes dispositions, elle avait d’ailleurs préalablement écartée l’irrecevabilité opposée par le préfet de police au pourvoi du patient ayant agi à nouveau sans l’assistance de son curateur contre l’ordonnance du 16 septembre 2022, et tirée du troisième alinéa de l’article 468 du code civil (« Cette assistance (de la personne en curatelle par son curateur) est également requise pour introduire une action en justice ou y défendre »), dès lors qu’il « se déduit des articles 415 et 459 du code civil et L. 3211-12 du code de la santé publique que constitue un acte personnel que la personne majeure protégée peut accomplir seule la formation d'un pourvoi contre une ordonnance statuant sur une mesure de soins sans consentement la concernant ».
En ouvrant ainsi au majeur protégé la possibilité d’agir seul devant le juge des libertés et de la détention ou pour faire appel ou se pourvoir en cassation contre les décisions statuant sur des mesures de soins sans consentement le concernant, la jurisprudence des 5 juillet 2023 et 31 janvier 2024 lui garantit l’effectivité du droit au recours autonome qu’il devrait tenir du paragraphe 4 de l’article 5 (« Toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d’introduire un recours devant un tribunal, afin qu’il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale ») ou du paragraphe 1 de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et libertés fondamentales conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (cf. CEDH, 27 mars 2008, Chtoukatourov c. Russie, n° 44009/05, paragraphes 75, 123 et 124 ; Grande Chambre, 17 janvier 2012, Stanev c. Bulgarie, n° 36760/06, paragraphes 168 à 178).
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