Par un arrêt du 17 juin 2020 (n° 20-80065), la Chambre criminelle de la Cour de cassation a jugé irrégulière la garde à vue d’un mineur dont avait été informée, en application du paragraphe II de l’article 4 de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, la personne auquel ce mineur était confié, dès lors que cette personne se trouvait être la victime des faits reprochés au mineur et justifiant sa garde à vue.

Il s’agissait plus précisément de violences qu’il lui était reproché d’avoir exercé sur un éducateur et une jeune fille du foyer auquel il avait été confié.

Lors de son placement en garde à vue le 11 février 2019 pour ces faits, le mineur avait néanmoins désigné ce même éducateur comme la personne à informer de cette mesure de contrainte.

L’officier de police judiciaire avait donné suite à cette désignation et informé l’éducateur concerné, en tant que personne ou service auquel le mineur était confié.

Poursuivi dans le cadre d’une information pour violences aggravées devant un juge des enfants,  le mineur fut placé sous le statut de témoin assisté le 14 février 2019.

Le 7 août 2019, son avocat saisit la chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Caen d’une requête en nullité de la garde à vue subie par le mineur le 11 février 2019 et des actes et pièces y trouvant leur support, qui fut rejetée par un arrêt du 3 décembre 2019.

Le pourvoi en cassation formé à son encontre par le mineur, et dont l’examen immédiat avait été prescrit par une ordonnance du Président de la Chambre criminelle le 6 février 2020, a conduit celle-ci à casser l’arrêt attaqué.

Il se prévalait notamment d’un moyen tiré de la violation du paragraphe II de l’article 4 de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, auquel la Chambre criminelle a fait droit par son arrêt du 17 juin 2020 et qui dispose :

« Lorsqu'un mineur est placé en garde à vue, l'officier de police judiciaire doit, dès que le procureur de la République ou le juge chargé de l'information a été avisé de cette mesure, en informer les parents, le tuteur, la personne ou le service auquel est confié le mineur. »

Pour écarter le moyen tiré de la nullité de la garde à vue du mineur en raison de l'irrégularité de l'information donnée à la personne ou au service auquel il était confié, la Chambre de l’instruction avait considéré que :

  • le mineur avait désigné son responsable en la personne son éducateur au centre départemental de l'enfance, puis pris acte de l'avis donné à ce dernier ;
  • le personne ainsi désignée avait été avisé en qualité d'éducateur représentant le centre départemental de l'enfance ;
  • si cette personne avait été entendue comme victime de faits pour lesquels le mineur avait été placé en garde à vue, cette circonstance n'avait pas, à ce stade de la procédure, porté atteinte aux intérêts du mineur concerné.

Pour censurer ces motifs, la Chambre criminelle a jugé que :

  • « il n'appartient pas au mineur de désigner la personne responsable du foyer dans lequel il se trouve placé » ;
  • « l'information de la garde à vue du mineur donnée à la personne désignée à la fois comme représentant légal du mineur et comme victime présumée de ses violences ne garantit pas la conduite d'une procédure respectueuse des intérêts contraires en présence » ;
  • « l'irrégularité de cette information fait nécessairement grief au mineur dès lors que la formalité prévue a pour finalité de permettre à la personne désignée d'assister le mineur dans ses choix de personne gardée à vue dans le seul intérêt de sa défense. »

Par suite, l’arrêt de la Chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Caen du 3 décembre 2019 a été cassé, à charge, pour elle, désignée comme juridiction de renvoi, autrement composée, de déterminer l’étendue de l’annulation pouvant résulter de l’irrégularité de la garde à vue du 11 février 2019.

L’arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 17 juin 2020 s’inscrit dans une jurisprudence tendant à mieux garantir les droits du mineur, dont l’exercice ne saurait reposer uniquement sur des choix qu’il aurait à faire seul en garde à vue face à un officier de police judiciaire et aux faits qui lui sont reprochés (Crim. 20 décembre 2000, n° 00-86499 : sur l’obligation de l’officier de police judiciaire d’aviser les parents du mineur ; Crim. 16 octobre 2019, n° 19-81084 : sur l’information aux parents du mineur quant à leur droit de désigner un avocat pour assister celui-ci).