L'article L. 3222-5-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de la  loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, avait été déclaré inconstitutionnel par la décision du Conseil constitutionnel n° 2020-844 QPC du 19 juin 2020 (M. Éric G. – Contrôle des mesures d'isolement ou de contention dans le cadre des soins psychiatriques sans consentement).

En raison des conséquences manifestement excessives qu’aurait entraînées l'abrogation immédiate des dispositions déclarées contraires à la Constitution, en ce qu'elle aurait fait obstacle à toute possibilité de placement à l'isolement ou sous contention des personnes admises en soins psychiatriques sous contrainte, le Conseil constitutionnel en avait reporté l’abrogation au 31 décembre 2020.

Pour tenter de remédier à l’inconstitutionnalité en cause, l’article 84 de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021 avait entendu renforcer les garanties accordées aux patients qui, dans le cadre des soins psychiatriques sans consentement qui leur seraient imposés, feraient, en outre, l’objet de mesures d’isolement ou de contention.

Les troisième et sixième alinéas du paragraphe II de l’article L. 3222-5-1 du code de la santé publique, qui en sont issus, ont fait l’objet de plusieurs questions prioritaires de constitutionnalité renvoyées par la Cour de cassation au Conseil constitutionnel qui, par sa décision n° 2021-912/913/914 QPC du 4 juin 2021 (M. Pablo A. et autres – Contrôle des mesures d’isolement ou de contention dans le cadre des soins psychiatriques sans consentement II), les a déclarées contraires à la Constitution.

Les dispositions en cause prévoyaient respectivement :

  • « A titre exceptionnel, le médecin peut renouveler, au delà des durées totales prévues aux deux premiers alinéas du présent II, la mesure d'isolement ou de contention, dans le respect des autres conditions prévues aux mêmes deux premiers alinéas. Le médecin informe sans délai le juge des libertés et de la détention, qui peut se saisir d'office pour mettre fin à la mesure, ainsi que les personnes mentionnées à l'article L. 3211-12 dès lors qu'elles sont identifiées. Le médecin fait part à ces personnes de leur droit de saisir le juge des libertés et de la détention aux fins de mainlevée de la mesure en application du même article L. 3211-12 et des modalités de saisine de ce juge. En cas de saisine, le juge des libertés et de la détention statue dans un délai de vingt-quatre heures » (troisième alinéa du paragraphe II de l’article L. 3222-5-1 du code de la santé publique) ;
  • « L'information prévue au troisième alinéa du présent II est également délivrée lorsque le médecin prend plusieurs mesures d'une durée cumulée de quarante-huit heures pour l'isolement et de vingt-quatre heures pour la contention sur une période de quinze jours » (sixième alinéa du paragraphe II de l’article L. 3222-5-1 du code de la santé publique).

Pour censurer ces dispositions, le Conseil constitutionnel a rappelé qu’il découle de l’article 66 de la Constitution (« Nul ne peut être arbitrairement détenu. - L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi »), que « la liberté individuelle ne peut être tenue pour sauvegardée que si le juge intervient dans le plus court délai possible » (paragraphe 14 ; cf. décisions n° 2010-71 QPC du 26 novembre 2010 (Mlle Danielle S. – Hospitalisation sans consentement), considérant 25, n° 2020-800 DC du 11 mai 2020 (Loi prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions), paragraphe 41, et n° 2020-844 QPC du 19 juin 2020 (M. Éric G. – Contrôle des mesures d'isolement ou de contention dans le cadre des soins psychiatriques sans consentement), paragraphe 8).

Il a relevé que « les dispositions contestées du troisième alinéa autorisent le médecin à prolonger, à titre exceptionnel, une mesure d'isolement ou de contention au-delà des durées totales de quarante-huit heures et de vingt-quatre heures » (paragraphe 17) et que « les mesures d'isolement et de contention qui peuvent être décidées dans le cadre d'une hospitalisation complète sans consentement constituent une privation de liberté » (paragraphe 18).

Il a ensuite jugé que :

  • « le médecin peut décider de renouveler les mesures d'isolement et de contention au-delà des durées maximales prévues par le législateur, sans limitation du nombre de ces renouvellements » ;
  • « dans ce cas, les dispositions contestées prévoient, d'une part, que le médecin est tenu d'informer sans délai le juge des libertés et de la détention de sa décision, qui peut se saisir d'office pour mettre fin à cette prolongation » ;
  • « elles prévoient d'autre part qu'il en informe la personne qui fait l'objet de la mesure d'isolement ou de contention ainsi que les autres personnes mentionnées à l'article L. 3211-12 du code de la santé publique, qui peuvent également saisir le juge pour demander la mainlevée de cette mesure » ;
  • « il s'ensuit qu'aucune disposition législative ne soumet le maintien à l'isolement ou sous contention au-delà d'une certaine durée à l'intervention systématique du juge judiciaire, conformément aux exigences de l'article 66 de la Constitution » (paragraphe 19).

Le Conseil constitutionnel a ainsi déclaré contraires à la Constitution le troisième alinéa du paragraphe II de l'article L. 3222-5-1 du code de la santé publique, et, par voie de conséquence, le sixième alinéa du même paragraphe.

Considérant que l'abrogation immédiate des dispositions déclarées contraires à la Constitution aurait entraîné des conséquences manifestement excessives, il en avait reporté l’effet au 31 décembre 2021.

Le législateur a tenté de remédier à cette inconstitutionnalité, en modifiant, à  l’article 41 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022, tel que voté en dernière lecture par l’Assemblée nationale le 29 novembre 2021, les conditions dans lesquelles sont exécutées les mesures de contention ou d'isolement appliquées à des personnes hospitalisées sans leur consentement, et notamment les cas dans lesquels le juge des libertés et de la détention doit être saisi pour les renouveler au-delà de certaines durées.

Cette loi a fait l’objet d’une saisine du Conseil constitutionnel par soixante sénateurs en application de l’article 61 de la Constitution.

Les requérants contestaient notamment la place en son sein des dispositions prévues par l’article 41.

Le Gouvernement s’est défendu de cette critique dans ses observations en défense du 11 décembre 2021, enregistrées au greffe du Conseil constitutionnel le 13 décembre 2021.

Il faisait notamment valoir que le nouveau cadre juridique prévu par le législateur, devant entrer en vigueur le 1er janvier 2022, impliquaient « des adaptations profondes pour les établissements de santé autorisés en psychiatrie et recevant des patients en soins sans consentement, ce qui justifie que des mesures d’accompagnement financier soient prises à très bref délai pour assurer la formation continue du personnel soignant des établissements de santé autorisés en psychiatrie, au regard de ces nouvelles règles et des droits des patients qui en résultent, adapter les systèmes d’information permettant d’assurer le suivi des mesures d’isolement et de contention, renforcer les équipes soignantes des unités de soins sans consentement, mettre en place des binômes médecin-infirmier référents isolement/contention et développer, autant que possible, les alternatives aux mesures d’isolement et de contention qui restent des pratiques de derniers recours », le coût de ce « plan d’accompagnement, qui intègre des dépenses pérennes », ayant « été chiffré à 30 millions d’euros en 2022 ».

Cet argumentaire n’a pas convaincu le Conseil constitutionnel, qui, par sa décision n° 2021-832 DC du 16 décembre 2021, a censuré, entre autres, l’article 41 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022.

Il a jugé que « ces dispositions n'ont pas d'effet ou ont un effet trop indirect sur les dépenses des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement » et qu’elles « ne relèvent pas non plus des autres catégories mentionnées au paragraphe V de l'article LO. 111-3 du code de la sécurité sociale », si bien qu’elles « ne trouvent pas leur place dans une loi de financement de la sécurité sociale (et) sont donc contraires à la Constitution » (paragraphe 26).

Par suite, l’abrogation des troisième et sixième alinéas du paragraphe II de l’article L. 3222-5-1 du code de la santé publique, dans leur rédaction résultant de l’article 84 de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021, différée par la décision n° 2021-912/913/914 QPC du 4 juin 2021, a pris effet le 31 décembre 2021, sans qu’ils aient pu être remplacés par les nouvelles dispositions votées par le législateur.

Il appartiendra aux juridictions judiciaires, en particulier à la Cour de cassation, de déterminer ce qu’elle implique exactement, notamment s’il devrait en résulter, dans l’attente d’une nouvelle législation régulièrement édictée par le Parlement, que les mesures d’isolement ou de contention ne pourraient plus être renouvelées, même à titre exceptionnel, au-delà des durées totales prévues aux deux premiers alinéas du paragraphe II de l’article L. 3222-5-1 du code de la santé publique, avec les difficultés pratiques et médicales qu’une telle impossibilité pourrait comporter.

Quoi qu’il en soit, pour combler la lacune juridique résultant des censures des 4 juin et 16 décembre 2021, le contenu de l’article 41 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 a été repris par l’article 3 du projet de loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique, présenté par le Premier ministre et enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 27 décembre 2021, de manière « à assurer la sécurité juridique nécessaire au bon fonctionnement des établissements qui pratiquent des soins sans consentement en comblant le vide juridique né de la censure constitutionnelle, et en rétablissant le dispositif adopté par le Parlement en décembre 2021 » (rapport n° 4858 de Monsieur Jean-Pierre Pont, député, du 30 décembre 2021, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République).

L’Assemblée nationale l’a adopté en première lecture le 5 janvier 2022, et le Sénat doit l’examiner en séance publique les 11 et 12 janvier 2022.

Si le Conseil constitutionnel est saisi de la loi adoptée au terme de la procédure parlementaire et qu’il ne juge pas les dispositions en cause contraires à la Constitution, celles-ci pourront être promulguées et combler le vide juridique apparu le 31 décembre 2021 pour le renouvellement des mesures d’isolement ou de contention au-delà des durées maximales prévues, en règle générale, par le législateur.