Par un avis du 19 juillet 2022 (n° 22-70007), la Première chambre civile de la Cour de cassation a posé en principe que, « lorsqu'une personne est hospitalisée d'abord sur décision du directeur d'établissement, puis sur décision du représentant de l'Etat, en application de l'article L. 3213-6 du code de la santé publique, le point de départ du délai de saisine du juge et, par là-même, du délai dont dispose le juge pour statuer, est :

  • la date du prononcé de l'admission par le représentant de l'Etat dans le département si le juge des libertés et de la détention s'est déjà prononcé sur la décision prise par le directeur d'établissement ;
  • la date du prononcé de l'admission par le directeur d'établissement si la décision du représentant de l'Etat dans le département intervient avant que le juge des libertés et de la détention ait statué sur la décision initiale ».

A cet égard, l’article L. 3212-1 du code de la santé publique prévoit qu’une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l'objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d'un établissement autorisé en psychiatrie chargé d'assurer les soins psychiatriques sans consentement, que lorsque ses troubles mentaux rendent impossible son consentement et que son état mental impose des soins immédiats assortis soit d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d'une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous une autre forme, notamment de soins ambulatoires, de soins à domicile dispensés par un établissement autorisé en psychiatrie chargé d'assurer les soins psychiatriques sans consentement, ou de séjours à temps partiel ou de courte durée à temps complet dans un tel établissement.

La décision d’admission est prise par le directeur d’établissement soit sur la demande d’un membre de la famille du malade ou d’une personne justifiant de l'existence de relations avec le malade antérieures à la demande de soins et lui donnant qualité pour agir dans l'intérêt de celui-ci, à l'exclusion des personnels soignants exerçant dans l'établissement prenant en charge la personne malade, au vu de deux certificats médicaux constatant l'état mental de la personne malade, indiquant les caractéristiques de sa maladie et la nécessité de recevoir des soins, soit, lorsqu'il s'avère impossible d'obtenir une telle demande, en cas de péril imminent pour la santé de la personne, au vu d’un certificat médical constatant l'état mental de la personne malade, indiquant les caractéristiques de sa maladie et la nécessité de recevoir des soins (article L. 3212-1 du code de la santé publique).

Cette procédure concernant les personnes admises en soins psychiatriques à la demande d’un tiers ou en cas de péril imminent (chapitre II du titre premier du livre II de la troisième partie du code de la santé publique) se distingue de celle d’admission en soins psychiatriques, par le représentant de l'Etat dans le département, des personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public, régie par l’article L. 3213-1 du code de la santé publique (chapitre III du titre premier du livre II de la troisième partie du code de la santé publique).

Mais l’article L. 3213-6 du code de la santé publique permet de passer de l’une à l’autre, en prévoyant :

« Lorsqu'un psychiatre de l'établissement d'accueil d'une personne faisant l'objet de soins psychiatriques en application de l'article L. 3212-1 atteste par un certificat médical ou, lorsqu'il ne peut être procédé à l'examen de l'intéressé, par un avis médical sur la base de son dossier médical que l'état mental de cette personne nécessite des soins et compromet la sûreté des personnes ou porte atteinte de façon grave à l'ordre public, le directeur de l'établissement d'accueil en donne aussitôt connaissance au représentant de l'Etat dans le département qui peut prendre une mesure d'admission en soins psychiatriques en application de l'article L. 3213-1, sur la base de ce certificat ou de cet avis médical. Les certificats médicaux mentionnés aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 3211-2-2 sont alors établis par deux psychiatres distincts. Lorsque ceux-ci ne peuvent procéder à l'examen de la personne malade, ils établissent un avis médical sur la base de son dossier médical. »

La question se pose alors de savoir comment doit s’exercer le contrôle du juge des libertés et de la détention sur la privation de liberté ainsi successivement imposée à une personne atteinte de tels troubles mentaux.

En effet, conformément à l’article L. 3211-12-1 du code de la santé publique, l’hospitalisation complète d'un patient ne peut se poursuivre sans que le juge des libertés et de la détention, préalablement saisi par le directeur de l'établissement lorsque l'hospitalisation a été prononcée en application du chapitre II du titre premier du livre II de la troisième partie du code de la santé publique, ou par le représentant de l'Etat dans le département lorsqu'elle a été prononcée en application du chapitre III du titre premier du livre II de la troisième partie du code de la santé publique, ait statué sur cette mesure avant l'expiration d'un délai de douze jours à compter de l'admission prononcée en application des chapitres II ou III du titre premier du livre II de la troisième partie du code de la santé publique, le juge des libertés et de la détention étant alors saisi dans un délai de huit jours à compter de cette admission.

A cet égard, par son avis du 19 juillet 2022, la Cour de cassation énonce qu’en « cas d'admission en soins psychiatriques sans consentement décidée par le représentant de l'Etat dans la continuité d'une précédente admission décidée par le directeur de l'établissement, dans les conditions de l'article L. 3213-6, une nouvelle saisine du juge des libertés et de la détention est nécessaire sur le fondement de l'article L. 3211-12-1 », dans le fil de son avis du 19 janvier 2015 (n° 14-70010).

Elle en déduit que « lorsque le juge des libertés et de la détention a déjà statué sur la décision prise par le directeur de l'établissement, le point de départ du délai de la nouvelle saisine et, par là-même, du délai dont dispose le juge pour statuer est la date du prononcé de l'admission par le représentant de l'Etat » et qu’en « revanche, lorsque le juge des libertés et de la détention n'a pas encore statué sur la décision prise par le directeur de l'établissement, le point de départ des délais susvisés est la date du prononcé de l'admission par le directeur d'établissement, date à partir de laquelle le patient a été privé de liberté ».

La question ne lui ayant pas été posée, la Cour de cassation ne précise pas, dans son avis du 19 juillet 2022, si la méconnaissance du délai pour statuer sur l’admission en soins psychiatriques sans consentement par le représentant de l’Etat n’aurait d’effet qu’à l’égard de celle-ci, ou également sur l’admission en soins psychiatriques initialement décidée par le directeur d’établissement.