On le sait, l’année 2017 a été très favorable aux emprunteurs, tendant à leur protection à l’égard du recours par les Banques à la pratique dite de l’année lombarde. Qu’en est-il alors en 2018 ?

Deux arrêts méritent largement d’être cités pour avoir été rendus tout à fait dans la continuité des principes posés par la Cour de cassation en la matière.

Ainsi, le Tribunal de Grande Instance de Toulouse, dans un arrêt du 3 avril 2018, a fait droit aux demandes de l’emprunteur. En cette espèce, pas de clause lombarde contenue au contrat de prêt.

Cet arrêt est intéressant sur de nombreux points.

Tout d’abord, celui-ci indique clairement que la sanction encourue en cas de recours à la pratique de l’année lombarde par l’établissement bancaire est bien la nullité du taux conventionnel, et non la déchéance des intérêts, et que la sanction ainsi encourue est bien fondée sur les dispositions de l’article 1907 du Code civil, et non celles de l’article L.312-33 du Code de la consommation, comme tentent de le faire croire trop souvent les Banques.

La sanction donc, et la seule, est la nullité du taux conventionnel et par conséquent, la substitution du taux légal en cours au jour de la conclusion du contrat de prêt au taux conventionnel.

Imaginez : pour des contrats de prêt conclus en 2013 et 2014, le taux passerait alors à 0,04%, soit un taux quasi nul, et ce pour toute la durée du prêt.

Cet arrêt rappelle encore en tant que de besoin que le délai de prescription de 5 ans ne peut commencer à courir à compter de la date du contrat en l’absence de toute clause lombarde.

Dans cette hypothèse, le délai ne court qu’à compter du jour de reddition d’un rapport démontrant à l’emprunteur profane le recours par la Banque à la pratique de l’année lombarde.

Notamment, la Cour précise "qu’aucun emprunteur profane ne pouvait songer à recalculer les sommes, en sorte que l’erreur n’était pas apparente et que d’autre part elle n’était décelable qu’en ayant des connaissances qui échappent à un consommateur ou à un non-professionnel."

Ensuite, l’arrêt précise qu’il n’est pas nécessaire pour l’emprunteur de démontrer qu’il (le mode de calcul selon l’année lombarde) affecte le TEG, puisque la discussion porte sur la formation du contrat et non sur le calcul du TEG.

La Cour en déduit par ailleurs que "a marge de la décimale de l’article R.313-1 du Code de la consommation est sans incidence sur la solution du litige" et distingue donc clairement la situation de l’année lombarde et celle dans laquelle l’erreur invoquée par l’emprunteur concerne le calcul du TEG.

Quid alors du préjudice subi du fait de la pratique de cette année lombarde ?

La Cour à cet égard, retient que le mode de calcul sur 360 jours est illicite par lui-même et partant, est frappé de nullité, peu important que pour les échéances entières, il soit équivalent au calcul selon le mois normalisé, lequel au surplus n’est pas prévu pour les intérêts conventionnels, ni par le contrat, ni par les textes.

La Cour dans cet arrêt, a donc condamné la Banque a établir un nouvel échéancier à destination de l’emprunteur, a fait droit à la demande de nullité du taux conventionnel et à sa substitution par le taux légal en vigueur au jour de conclusions du contrat, et a fait droit à la demande subséquente de remboursement des intérêts trop versés formulée par l’emprunteur.

Cette décision doit être saluée tant pour sa clarté que pour la précision de sa motivation.

Une autre décision toute aussi limpide et louable a été rendue par la Cour d’appel de Riom cette fois, le lendemain, soit le 4 avril 2018.

Là encore, les juges d’appel reprennent sans réserve la jurisprudence développée par la Cour de cassation et posent sans équivoque que le recours à l’année bancaire de 360 jours entraine la nullité de la clause d’intérêt, peu important que les mensualités prévues au tableau d’amortissement soient conformes au taux stipulé : l’emprunteur doit recevoir une information lui permettant de comprendre et de comparer les coûts qu’il devra effectivement supporter sans faire appel à des usages et notions professionnels.

Dans cette espèce, il y avait cette fois une clause lombarde au contrat de prêt, stipulant noir sur blanc le calcul des intérêts conventionnels sur la base d’une année bancaire de 360 jours, dite année lombarde.

La Cour a rappelé que dans ce cas, l’emprunteur n’a aucune démonstration mathématique à produire, cette seule stipulation entraînant la nullité de la stipulation de l’intérêt nominal et sa substitution par le taux légal.

Cet arrêt rappelle encore que le prononcé de la nullité de la clause n’a pas à prendre en compte le préjudice subi par l’emprunteur car il s’agit en l’espèce purement et simplement de l’annulation d’une clause nulle et de nul effet.

Voici donc deux décisions qui méritaient d’être citées, et qui reprennent, tout en motivant largement leur décision, la tendance 2017 de la jurisprudence et les principes dégagés par la Cour de cassation.

En revanche, certaines autres Cours d’appel sont malheureusement plus dissidentes, et pas toujours favorables aux emprunteurs.

Ainsi par exemple, la Cour d’appel d’Aix-en-provence a décidé dans un arrêt du 22 mars 2018 que l’emprunteur, même dans le cas de l’existence au contrat d’une clause dite lombarde, devait démontrer le préjudice qu’il subit par le calcul d’une échéance brisée en année lombarde, à défaut de quoi celui-ci doit être débouté de son action en nullité.

La Cour d’appel de Bordeaux a également suivi cette voie au premier semestre 2018, tendant presque à assimiler le taux conventionnel et le TEG.

La Cour d’appel de Colmar a considéré également que les intérêts intercalaires des échéances rompues doivent être calculées en jours et, selon l’usage bancaire traditionnel, avec application d’un taux d’intérêt quotidien égal au taux d’intérêt annuel divisé par 360.

D’autres arrêts ne sont pas stricto sensu en défaveur des emprunteurs mais visent à encadrer leurs demandes. Ainsi, la Cour d’appel de Paris ne fait-elle droit à une demande d’expertise que si l’emprunteur lui soumet un commencement de preuve par écrit, comme des calculs réalisés par exemple, et ne se contente pas d’affirmer un recours à l’année lombarde (cela étant, ce type de décision dépend encore de la Chambre ou du Pôle devant lequel est jugé l’affaire...).

La Cour d’appel de Poitiers, dans un arrêt étonnant de juin 2018 a, contre la tendance de la jurisprudence actuelle et abondante en ce domaine, décidé que la clause lombarde prévoyant un calcul sur la base de 360 jours ne permettait à elle seule de prouver que les intérêts conventionnels avaient effectivement été calculés sur la base erronée d’une année de 360 jours et que l’emprunteur devait en rapporter la preuve...

Enfin, la Cour d’appel de Reims, de façon heureuse, se rallie à la position des emprunteurs, telle la Cour de cassation et d’autres Cours d’appel, et rappelle au contraire fermement que la stipulation du recours à une année bancaire de 360 jours est bien nulle, et que l’intérêt légal vient donc dans ce cas substituer le taux conventionnelle initialement prévu.

La jurisprudence est donc fluctuante, mais le pari vaut pour beaucoup d’emprunteurs, le coup d’être tenté. Reste à faire le ratio entre les pertes éventuelles et le gain potentiel, bien souvent loin d’être négligeable.