On le sait tous, les Jeux olympiques d’été de 2024, officiellement appelés les Jeux de la XXXIIIᵉ olympiade, se dérouleront du 26 juillet au 11 août 2024 à Paris.
Et les prix des locations sur la capitale à cette occasion vont flamber (les prix ont d’ailleurs déjà connu une hausse en prévision de cette période).
De quoi inciter les propriétaires mais aussi les locataires à louer ou sous-louer leur bien... parfois, pour ces derniers, en dépit de l’accord de leur propriétaire...

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Depuis le développement considérable de la plateforme de location meublée touristique Airbnb, la location entre particuliers a connu un essor majeur, engendrant de nombreuses question juridiques périphériques, questions qui vont prendre encore une plus grande importance à l’aulne des JO de 2024.

Leader mondial de la location de vacances, proposant quelques 7 millions de logements sur 81 000 destinations, Airbnb est devenu plus que tentant pour compléter ses revenus en mettant en location son logement. Même pour un simple locataire...

D’autant que la Plateforme comporte même un encart afin d’aider les locataires à faire le nécessaire pour ce faire.

Et alors que Paris faisait tout pour remédier à la location/sous-location intensive des appartements parisiens, Airbnb a contre toute attente été choisi sponsor majeur des Jeux Olympiques...

Cette location entre particuliers engendre de nombreuses questions juridiques périphériques. Même s’il semble que la ville de Paris accepte plus de souplesse à l’égard des propriétaires louant leurs bien durant cette période, il est évident qu’en revanche les propriétaires, quant à eux, soient encore plus vigilants sur l’éventuelle mise en sous-location à leur insu de leur bien par leur locataire.

Les sanctions prononcées à l’encontre des locataires peu scrupuleux se sont en effet durcies depuis 2016, et différentes options s’offrent alors aux bailleurs concernés, options qui sembleront d’autant plus attractives pendant la période des JO compte tenu de l’augmentation considérable des prix.

En pratique, concernant les locations soumises aux dispositions de la loi du 6 juillet 1989, la sous-location ne peut se faire qu’avec l’aval écrit du propriétaire des lieux et bien souvent, les baux d’habitation comportent une clause interdisant purement et simplement la sous-location, sous peine de résiliation du bail.

Aussi, pour pouvoir sous-louer son logement, le locataire doit d’abord obtenir l’accord écrit de son bailleur et ce tant sur le principe de la sous-location que sur le montant du loyer de sous-location, lequel ne peut par ailleurs excéder celui payé par le locataire principal (article 8).

Dès lors, si un locataire sous-loue son logement sans y avoir été expressément autorisé par le propriétaire des lieux, il commet une infraction, et s’expose à des sanctions, qui sont de plus en plus sévères.

Dans de telles conditions, le bailleur peut en effet engager une procédure d’expulsion après l’avoir mis en demeure de cesser la location, devant le Tribunal Judiciaire (avant le Tribunal d’Instance) du lieu du logement, et solliciter par ailleurs le remboursement à son profit de l’intégralité des loyers qu’aurait ainsi reçu indûment le locataire, outre des dommages et intérêts.

A cette fin, le propriétaire du bien devra toutefois pouvoir prouver sans équivoque la mise en location du bien et en justifier devant le Tribunal.

Différents moyens s’offrent alors à lui : des captures d’écran du site Airbnb (ou d’un autre site de location d’ailleurs), des mails éventuellement échangés avec le locataire, un constat d’huissier attestant de la parution d’une annonce de location sur le site Airbnb (ou autre), recensant également les commentaires des sous-locataires, les dates de location, ..., ou encore une requête devant le Président du Tribunal Judiciaire afin d’être autorisé à faire venir directement dans les lieux un Huissier éventuellement assisté d’un serrurier,... les possibilités sont multiples, mais il faut nécessairement se constituer un dossier solide.

Une fois que le bailleur dispose des preuves nécessaires, il pourra saisir, avec l’aide de son Conseil, le tribunal compétent afin de solliciter l’expulsion du locataire des lieux loués et de tout occupant de son chef, mais aussi, tel qu’indiqué supra, le remboursement de la totalité des sommes que le locataire a perçues au titre de la sous-location non autorisée (lesquelles correspondent en fait aux fruits revenant par accession au propriétaire) sur communication des relevés Airbnb, et le cas échéant des sommes et intérêts pour préjudice moral et/ou financier comme dans le cas d’éventuelles dégradations par exemple, ou pour réparer la perte de temps et le tracas occasionnés par la situation.

Ainsi, plusieurs décisions ont pu être rendues dernièrement en la matière.

Dans un jugement du 24 octobre 2018, le Tribunal d’Instance de Paris a ainsi condamné une locataire à restituer à la propriétaire la somme de 46.277 euros, outre 1.000 euros de dommages et intérêts et 1.000 euros au titre de l’article 700 de Code de procédure civile.

La propriétaire s’était rendue compte que celle-ci mettait l’appartement en location sur Airbnb sans son accord. Elle a donc fait dresser par constat d’huissier l’effectivité de la mise en location.

Les fruits civils, soit les loyers, perçus par la locataire s’élevaient aux sommes suivantes :

2011 : 446 euros pour 9 jours,
2012 : 6.688 euros pour 97 jours,
2013 : 8.446 euros pour 120 jours,
2014 : 7.562 duos pour 115 jours,
2015 : 8.915 euros pour 160 jours,
2016 : 5.922 euros pour 103 jours,
2017 : 6.566 euros pour 130 jours,
2018 : 1.732,33 euros pour 33 jours
soit en tout la somme de 46.277 euros, perçue par la locataire.

Sur le fondement des dispositions des articles 546 et 547 du Code civil, qui concernent la question de l’accession, le Tribunal a ainsi condamné la locataire à rembourser ces sommes à la propriétaire, et à lui verser 1.000 euros de dommages et intérêts pour préjudice moral, outre 1.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile (compensation de frais de procédure).

Par une décision du 5 juin 2018, la Cour d’appel de Paris est également allée dans ce sens, et a condamné la locataire, dans une affaire similaire, à régler à la propriétaire la somme de 27.295 €, outre un solde locatif de 525,73 € et 3.000 € d’article 700, toujours sur le fondement de l’accession des fruits civils produits par l’appartement dont est propriétaire le poursuivant.

Il est intéressant de noter par ailleurs que cette décision de la Cour d’appel de Paris a été entérinée par la Cour de cassation (Cass. 3° civ., 12 septembre 2019, n° 18-20.727).

La question, inédite, n’avait encore jamais été posée à la Cour Suprême. Mais celle-ci a été claire : sauf dans les cas où la sous-location a été autorisée et où le propriétaire a donc accepté que son locataire perçoive des loyers d’une sous-location de son bien, les sous-loyers perçus par le locataire sont la propriété du bailleur par voie d’accession.

Leur perception par le locataire a ainsi été considérée par la Cour de cassation comme un détournement fautif au détriment du propriétaire des fruits civils produits par la sous-location de son bien, propriété immobilière, lui causant ainsi un préjudice financier.

Le propriétaire aura donc tout intérêt à initier une telle action si son locataire venait sous-louer son bien sans son accord, à des prix exorbitants, durant la période des Jeux Olympiques.

Et les locataires : attention, car la sous-location non-autorisée en cette période pourrait vous coûter cher