Le Ministère des Affaires Etrangères (MAE) s'est opposeé à la délivrance d'un laissez passer à un enfant né à l'étranger au motif que sa mère, la femme qui figure sur son acte de naissance, ne serait pas sa mère car elle n'aurait pas accouché (conditionnel car cela n'est pas établi et surtout est indifférent à la solution en droit).
Le tribunal administratif de Paris, saisi en référé liberté, a, le 26 juillet 2016, condamné le MAE "de délivrer à Mme V un laissez-passer pour le jeune A.V , dans le délai de sept jours à compter de la notification de la présente ordonnance" ainsi qu'au paiement d'une somme de 1000 euros en remboursement des frais d'avocat.
Le tribunal a d'abord relevé qu'il ne résultait pas "de l'instruction, que l'enfant âgé d'un mois serait effectivement susceptible, en cas de depart de la mère vers la France, d'être pris en charge dans des conditions adaptées à son état, autrement que par un placement dans un orphelinat en X." de sorte que l'urgence conditionnant la recevabilité de la requite était établie.
En d'autres termes le MAE est indifférent à l'intérêt de l'enfant, peu importe qu'il se retrouve à l'orphelinat,, la bureaucratie d'abord.
Le tribunal a ensuite rappelé que "la seule circonstance que la naissance d'un enfant à l'étranger aurait pour origine un contrat qui serait entaché de nullité au regard de l'ordre public français ne peut, sans porter une atteinte disproportionnée à ce qu'implique en termes de nationalité le droit de l'enfant au respect de sa vie privée, garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, conduire à priver cet enfant de la nationalité française à laquelle il a droit en vertu de l'article 18 du code civil et sous le contrôle de l'autorité judiciaire lorsque sa filiation avec un français est établie (...).
Autrement dit, le MAE voudrait pouvoir écarter la filiation valablement établie à l'étranger et dire ainsi que l'enfant d'une Française n'est pas français. Le tribunal a alors jugé qu'"en refusant de délivrer à Madame V. un laissez-passer au nom de son fils A. afin qu'elle puisse rentrer en France avec lui (...) le MAE doit être regardé comme ayant porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit de l'enfant au respect de sa vie privée et familiale (...) et à la liberté fondamentale d'aller et venir, et méconnu l'intérêt supérieur de l'enfant tel que protégé par l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant".
Malgré une motivation qui reprend l'analyse de l'arrêt de principe du Conseil d'état du 4 mai 2011, le MAE a cru devoir faire appel et saisir le Conseil d'état. Au premier abord et d'un point de vue politiquement correct, on pourrait dire que le MAE ne fait qu'user d'une voie de droit qui lui est ouverte comme à n'importe quel justiciable; mais a y regarder de plus près, on doit s'interroger sur ce qui a poussé des fonctionnaires à choisir de ne pas exécuter spontanément une décision de justice fort bien motivée en droit et saisir le Conseil d'état.
Tout d'abord il est pour le moins curieux que l'ambassadeur de France dans le pays concerné lui même ait convoqué la mère pour un RDV fixé au 3 août (date limite pour délivrer le laissez-passer) alors que l'établissement d'un tel document prend exactement 15 minutes. Quel intérêt y a t-il à faire "poireauter" une ressortissante française durant 7 jours avant de lui remettre le document qui lui permettra de rentrer en France avec son fils, sachant que la saisine du Conseil d'Etat a été faite postérieurement à cette convocation.
Ensuite, sur la saisine elle même du Conseil d'État, est-ce à dire que le Sous Directeur de l'Administration des Français de l'étranger -dont les services développent les mêmes positions que devant le tribunal- ne connait pas l'arrêt de principe en la matière du Conseil d'état du 4 mai 2011 ?
Ignore t-il aussi la décision du Conseil d'état 12 décembre 2014 qui a validé la circulaire dite Taubira relative à la délivrance du certificat de nationalité, indépendamment du mode de conception?
Ignore t-il encore les arrêts de la Cour européenne des droits de l'Homme rendus le 26 juin 2014 dans les affaires MENNESSON et LABASSÉE ainsi que le récent arrêt FOULON &BOUVET du 21 juillet 2016 qui réitère la jurisprudence MENNESSON et LABASSÉE?
Le Conseil d'état lui n'a pas ignoré l'intérêt de l'enfant dans son ordonnance du 3 aout. Après avoir constaté l'existence de l'urgence, il a enjoint, au nom de l'intérêt supérieur de l'enfant, le MAE "de délivrer, à titre provisoire à J.A tout document de voyage lui permettant de rentrer sur le territoire national en compagnie de Madame A, dans un délai de 7 jours à compter de la notification de la présente ordonnance". En outre l'Etat est condamné à verser une somme de 3000 euros à madame A au titre de l'article L761-1 du code de Justice administrative.
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