Chez les 282 avocats inscrits au barreau de Tours en 2016, la tendance est au regroupement. Choix ou nécessité ?

 Si l'on vous demandait de citer le nom ne serait-ce que d'un seul avocat en France, lequel vous viendrait spontanément à l'esprit ? Pour avoir tenté l'expérience, on ne m'a livré que ceux de grands pénalistes, passés ou présents. Des ténors du barreau, comme on dit dans le jargon.

Ces aigles des prétoires, grands plaideurs aux assises, ne sont pourtant que la partie visible d'une profession réglementée dont les domaines de compétences sont à la fois de plus en plus vastes et de plus en plus spécialisés. Une réalité souvent prise en compte dans le cadre de cabinets d'avocats, désireux de croiser les spécialisations. A ces avocats que l'on pourrait qualifier de traditionnels, doivent être ajoutés, depuis une vingtaine d'années, les anciens conseillers juridiques, aujourd'hui avocats conseils. Sauf à être responsable d'entreprise, et ou à la tête d'un important patrimoine, il y a peu de chance d'avoir recours à leurs services. Ce sont des avocats d'affaires, qui s'occupent quasi exclusivement de choses juridiques et non judiciaires. Le premier cabinet du genre à l'échelle de l'Europe occidentale, Fidal, vient d'opérer le rapprochement de ses deux directions régionales de Nantes et du Mans - début juillet, au château de Villandry - près de Tours, « épicentre » de ce nouveau territoire. Étaient présents 134 avocats (dont les 9 de Tours) et juristes, soit un peu moins de 10 % des avocats du groupe. Ne cherchez pas chez eux de robe noire, d'épitoge ou de rabat, mais des conseils pointus dans des domaines qui le sont tout autant. D'autres cabinets suivent également une logique de mutualisation de compétences, comme celui de l'actuel bâtonnier, Me Philippe Baron au sein de 2BMP (9 avocats associés ou collaborateurs), ou prochainement celui de Catherine Gazzeri-River chez Arcole (12 associés). Sans être les plus gros cabinets de la place de Tours, ils couvrent l'un et l'autre entre huit et dix domaines de compétences. Un choix mais aussi une nécessité, face au « consumérisme effréné » d'une part, et la nécessité d'accroître le rôle de conseil d'autre part. La profession l'a bien compris, via le Conseil national des barreaux, qui a entamé une campagne en ligne « jamais sans mon avocat » (avocat.fr).  « Même dans les matières dont les gens pensent que c'est du judiciaire, ce serait utile de venir nous voir », confirme Me Gazzeri. A cette évolution qui semble irréversible, quid de l'avocat, petit artisan du droit cher au cœur de Me Christophe Moysan lors des grèves contre la loi Macron ? « Il a encore sa place », confirme une de ses consœurs qui vient d'intégrer de nouveaux locaux avec un confrère… histoire de réduire les coûts. Cette logique économique, dans un contexte où le nombre d'avocats croît rapidement dans chaque barreau, amènera-t-il un jour un avocat à s'installer dans l'enceinte d'une grande surface ? Juridiquement, ce serait semble-t-il possible. Mais à quel prix ?

ARTICLE PARU DANC LA NOUVELLE REPUBLIQUE   OLIVIER BROSSET