A la demande de l’Association pour un hébergement et un tourisme professionnels (AHTOP), une instruction a été ouverte en France à l’encontre d’Airbnb pour non-respect des règles relatives à la profession d’agent immobilier.
A cette occasion, les juridictions françaises avaient saisi la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) de deux questions préjudicielles portant sur la conformité au droit de l’Union Européenne de certaines dispositions de la loi Hoguet et sur la qualification du service proposé par Airbnb au regard des directives communautaires applicables.
La société Airbnb invoquait la qualification de "service de la société de l’information" au sens de l’article 2 de la directive n° 2000/31 du 8 juin 2000 relative au commerce électronique.
A ce titre, elle entendait bénéficier du régime spécifique de libre prestation de services entre les États membres prévu par l’article 3 de cette directive.
En application de ces textes, un Etat membre ne peut pas soumettre une activité exercée librement dans un autre Etat membre à l’obtention d’une autorisation préalable sauf à notifier à la Commission européenne la réglementation relative à ce service avant son entrée en vigueur.
Le dispositif prévu par la loi Hoguet n'ayant jamais été notifié par la France à la commission européenne, Airbnb considère que cette réglementation ne lui est pas opposable.
L'alternative aurait consisté à soumettre les prestations proposées par la plate-forme à la directive n° 2006/123 du 12 décembre 2006 et aux dispositions générales du Traité en matière de libre prestation de services (article 56).
L'Etat membre aurait pu alors opposer une telle réglementation à la condition de démontrer qu'elle répond à des exigences d’intérêt général.
Par un arrêt rendu le 19 décembre 2019, la grande chambre de la Cour, suivant les conclusions de l'avocat général, statué en faveur de l’argumentation développée par la société Airbnb.
La Cour a jugé, "d’une part, qu’un service d’intermédiation qui a pour objet, au moyen d’une plate-forme électronique, de mettre en relation, contre rémunération, des locataires potentiels avec des loueurs professionnels ou non professionnels proposant des prestations d’hébergement de courte durée, tout en fournissant également un certain nombre de prestations accessoires à ce service d’intermédiation, doit être qualifié de « service de la société de l’information » relevant de la directive2000/31 sur le commerce électronique1. D’autre part, la Cour a considéré qu’un particulier peut s’opposer à ce que lui soient appliquées, dans le cadre d’une procédure pénale avec constitution de partie civile, des mesures d’un État membre restreignant la libre circulation d’un tel service, qu’il fournit à partir d’un autre État membre, lorsque lesdites mesures n’ont pas été notifiées conformément à l’article 3, paragraphe 4, sous b), second tiret, de la même directive."
La Cour considère que le service d'intermédiation proposé est parfaitement dissociable des prestations d'hébergement car il se limite en la fourniture d'un instrument de présentation et de recherche des logements mis à la location.
Elle relève notamment l'absence d’influence décisive exercée par cette société sur les services d’hébergement auxquels se rapporte son activité, s’agissant tant de la détermination des prix des loyers réclamés que de la sélection des loueurs ou des logements mis en location sur sa plate-forme.
Cette lecture est à rapprocher de certaines décisions rendues par les juridictions françaises s'agissant du champ d'application matériel de la loi Hoguet considèrant que l'acte d'entremise exécuté par un tiers entre le vendeur d'un immeuble et les acheteurs potentiels lorsque cet acte a uniquement consisté en une publication d'une offre par voie de presse ou de supports télématiques (CA Rennes, 1re ch. B, 1er juill. 2005).
Cette décision constitue tout d'abord une victoire symbolique pour la société Airbnb. Elle revêt également un très grand intérêt pratique puisque l'obligation de notification préalable constitue une exigence procédurale de nature substantielle qui se voit reconnaître un effet direct en droit interne.
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