L’ordonnance de protection, créée par la loi n°2010-769 du 9 juillet 2010, modifiée par la loi n°2019-1480 du 28 décembre 2019, a pour but de protéger la victime de violences conjugales en lui accordant des mesures de protection judiciaire.

Elle a également pour objectif de l’accompagner dans le parcours de sortie des violences, en lui permettant d’obtenir des mesures d’éloignement du conjoint violent, ainsi que des mesures relatives aux enfants et à l’attribution du logement sans pour autant engager une procédure pénale.

La délivrance d’une ordonnance de protection suppose deux conditions cumulatives : l’existence de raisons sérieuses de considérer comme vraisemblables :

1/ la commission des faits de violences alléguées

2/ le danger actuel auquel la victime ou les enfants sont exposés

Dans un arrêt du 13 février 2020, pourvoi n°19-22192, la Cour de Cassation vient cependant confirmer l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris le 4 juillet 2019 qui avait rejeté la demande d’ordonnance de protection formée par l’épouse, considérant que celle-ci n’avait pas démontré l’existence d’un danger actuel pour elle ou pour ses enfants, de telle sorte que la délivrance d’une ordonnance de protection n’était pas justifiée.

En l’espèce, un juge aux affaires familiales avait, le 23 janvier 2019, délivré à l’épouse une ordonnance de protection aux termes de laquelle le juge avait fait interdiction à l’époux d’entrer en relation avec elle et de détenir une arme. Le juge avait également décidé que l’autorité parentale sur leurs deux enfants communs serait exercée conjointement par les parents. Leur résidence habituelle avait été fixée au domicile de la mère et le droit de visite du père devait s’exercer dans un cadre médiatisé. Enfin, le juge avait autorisé l’épouse à dissimuler son domicile ou sa résidence et à élire domicile chez son avocat.

A la suite de l’appel interjeté par son conjoint, les juges ont rejeté la demande d’ordonnance de protection de l’épouse qui s’est pourvue en cassation, reprochant aux juges d’appel de n’avoir pas tiré les conséquences légales qui résultaient de leurs propres constatations à savoir des faits de violences au sein du couple.

La Cour de Cassation rejette les moyens du pourvoi en rappelant que les deux conditions qui découlent des articles 515-9 et 515-11 du Code civil sont cumulatives. Ainsi, il appartient à l’époux qui demande l’ordonnance de protection de démontrer, d’une part, l’existence de raisons sérieuses de considérer comme vraisemblables la commission des faits de violences allégués et, d’autre part, l’existence d’un danger actuel auquel la victime ou un ou plusieurs enfants sont exposés.

La Cour de Cassation vient confirmer l’interprétation des juges du fond qui, sans inverser la charge de la preuve, ont estimé que l’épouse ne démontrait pas l’existence d’un danger actuel pour ou pour ses enfants, de telle sorte que la délivrance d’une ordonnance de protection n’était pas justifiée.

Les juges du fond qui constatent qu’il existe des raisons sérieuses de considérer comme vraisemblables des faits de violences dénoncés par la victime à l’égard de son ou de sa conjointe, partenaire ou concubin(e), doivent également constater qu’il existe un danger actuel pour la victime ou pour ses enfants. Cela relève de l’exercice du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond.

Une décision en contradiction avec la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH).

En effet dans une décision en date du 14 octobre 2010 (CEDH 14 oct. 2010 A. c/ Croatie), la Cour Européenne a affirmé que dès lors qu’il existait des éléments crédibles selon lesquels un mari avait représenté pour son épouse, une menace pour son intégrité physique et qu’il l’avait agressée à maintes reprises, les autorités de l’Etat ont l’obligation positive de la protéger des violences.

Cette position a par la suite été reconduite dans une décision du 26 mars 2013 (CEDH, 26 mars 2013 Valiulien c/ Lituanie).

Ainsi, une seule condition semble requise par la CEDH, à savoir la vraisemblance de la violence.

Cette décision de la Cour de Cassation, conforme néanmoins aux dispositions de l'article 515-11 du Code Civil (y compris dans sa rédaction postérieure à la loi du 28 décembre 2019), peut néanmoins inquiéter tant il est difficile pour les victimes de rapporter la preuve d'un danger immédiat au sein du foyer.

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