CE, 9 septembre 2024, n° 474212
LES FAITS
Des particuliers ont demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler pour excès de pouvoir :
1°) l'arrêté du 21 mars 2017 par lequel le maire de Savigny-le-Temple (77) a autorisé, au nom de l'Etat, une société à démolir des bâtiments existants et à construire deux bâtiments de 9 logements, et
2°) les décisions implicites des 25 mars et 22 avril 2022 rejetant leurs recours administratifs tendant au retrait du permis délivré le 21 mars 2017 (soit 5 ans plus tard !). Par un jugement du 10 mars 2023, le TA a rejeté leur demande considérant que le recours contre le permis était tardif.
L'ARRÊT
Selon le Conseil d'État, l'article L. 241-2 du CRPA dispose que la circonstance qu'un acte administratif a été obtenu par fraude permet à l'autorité administrative compétente de l'abroger ou de le retirer à tout moment, sans qu'y fassent obstacle, s'agissant d'un permis de construire, les dispositions de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme, selon lesquelles une telle décision ne peut faire l'objet d'aucun retrait, elle ne saurait, en revanche, proroger le délai du recours contentieux contre cette décision (déjà en ce sens : CE, 17 mai 1999, n° 172918).
[NDLA : un acte administratif obtenu par fraude ne créant pas de droits, il peut être abrogé ou retiré par l'autorité compétente pour le prendre, alors même que le délai qui lui est normalement imparti est expiré (CE, 5 mai 2011, n° 336893)]
Toutefois, un tiers justifiant d'un intérêt à agir est recevable à demander, dans le délai du recours contentieux, l'annulation de la décision par laquelle l'autorité administrative a refusé de faire usage de son pouvoir d'abroger ou de retirer un acte administratif obtenu par fraude, quelle que soit la date à laquelle il l'a saisie d'une demande à cette fin. Cette solution est connue (CE, 5 février 2018, n° 407149, Sté Cora).
Dans un tel cas, il incombe au juge de l'excès de pouvoir de :
- vérifier la réalité de la fraude alléguée à la date du permis,
- puis, en cas de fraude, de contrôler que l'appréciation de l'administration sur l'opportunité de procéder ou non à l'abrogation ou au retrait n'est pas entachée d'erreur manifeste, compte tenu notamment de la gravité de la fraude et des atteintes aux divers intérêts publics ou privés en présence susceptibles de résulter, soit du maintien de l'acte litigieux, soit de son abrogation ou de son retrait.
Or, en se bornant à juger que les conclusions contre le PC étaient tardives, sans statuer sur les conclusions contre les décisions implicites de rejet des recours gracieux et hiérarchique, alors que les requérants soutenaient que le permis avait été obtenu frauduleusement et pouvait, à ce titre, être retiré à tout moment, le TA a méconnu son office, juge le Conseil d'État.
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