Cass. 3e civ., 10 octobre 2024, n° 23-17.458
"Si l'existence d'un acte notarié constatant une usucapion ne peut, par elle-même, établir celle-ci, il appartient au juge d'apprécier la valeur probante des témoignages y relatés quant à l'existence d'actes matériels de nature à caractériser la possession invoquée".
LES FAITS
En 2014, une commune tente d'appréhender une parcelle selon la procédure d'appropriation des biens vacants et sans maître prévue à l'article L.1123-3 du code général de la propriété des personnes publiques (CG3P), au motif que le dernier propriétaire connu de cette parcelle était décédé depuis 1978, que le bien n'avait pas de propriétaire connu et que les contributions foncières n'avaient pas été acquittées depuis plus de 3 ans.
En 2016, un acte de notoriété prescriptive est dressé par un notaire au profit d'un couple de voisins de la parcelle convoitée, selon lequel les conditions de l'usucapion trentenaire sont réunies.
Cet acte de notoriété est publié à la publicité foncière : ce qui bloque la procédure du CG3P. La commune saisi alors le Tribunal judiciaire pour qu'il prononce l'annulation de cet acte et pour revendiquer la parcelle.
La Cour d'appel de Grenoble (4 avril 2023, n° 21/01393) annule l'acte de notoriété et juge que la commune est propriétaire de la parcelle en retenant que cet acte n'est confirmé par aucun autre élément, les autres pièces produites aux débats étant insuffisantes à établir une possession continue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaires pendant plus de 30 ans, conformément aux articles 2261 et 2272 du Code civil.
LA DÉCISION
La Cour de cassation casse : en se déterminant ainsi, sans analyser, comme il le lui était demandé, les témoignages contenus dans l'acte de notoriété de 2016, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
C'est un rappel sur l'office du juge du fond en matière de charge de la preuve : certes, l'acte de notoriété ne vaut rien (Civ. 3e, 11 juin 1992, n° 90-16.439)... Mais rien ne vaut un acte de notoriété pour contrer celui qui prétend être propriétaire (Civ. 3e, 14 janvier 2015, n° 13-22.256).
Au juge du fond de disséquer le ventre de la bête pour voir ce qu'il contient, si l'avocat le demande : on peut en faire jaillir une présomption simple de possession - conforme aux critères de l'article 2261 du Code civil - avec des témoignages, un état hypothécaire, les archives départementales, des factures d'abonnement, un permis de construire ou une déclaration de travaux, un courrier de la Mairie, etc.
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