Par un arrêt du 7 février 2024, la première chambre civile de la Cour de cassation apporte une clef de lecture du délai quinquennal de l’action en réduction des libéralités (Cass. 1re civ., 7 févr. 2024, n° 22-13.665, FS-B).

En l’espèce, les de cujus sont décédés les 27 décembre 1989 et 30 juillet 2015, en laissant pour leur succéder quatre enfants. Le 14 mai 2018, trois héritiers ont assigné le quatrième en partage des successions de leurs parents et de la communauté ayant existé entre eux, ainsi qu'en réduction de divers libéralités et avantages dont aurait bénéficié leur frère.

La cour d’appel de Reims, par un arrêt du 21 janvier 2022 (CA Reims, 1 ch. civ., sect. II, 21 janv. 2022, n° 21/00389), a déclaré recevable la quasi-totalité des demandes des cohéritiers.

De son côté, l’héritier défendeur a contesté la décision des conseillers rémois, en affirmant que le délai laissé aux héritiers ayant découvert une atteinte portée à leur réserve pour agir en réduction des libéralités est, dans tous les cas, de 2 ans.

La cour d’appel, au contraire, avait retenu l’existence de 2 délais pour agir en réduction : un premier délai de 5 ans qui court à compter du décès ; un autre délai de 2 ans qui court lorsque les faits susceptibles d’avoir porté atteinte à la réserve sont connus d’un héritier tardivement.

La question posée à Haute juridiction était de savoir si l’action en réduction des libéralités se prescrit, dans tous les cas, par 2 ans à compter de la découverte de l’atteinte à la réserve par un héritier.

La première chambre civile répond par la négative et rejette le pourvoi. Dans ses motifs, elle rappelle d’abord les règles fixées par l’article 921, alinéa 2, du Code civil :

  • le délai de prescription de l'action en réduction est fixé à 5 ans à compter de l'ouverture de la succession ;
  • ou à 2 ans à compter du jour où les héritiers ont eu connaissance de l'atteinte portée à leur réserve, sans jamais pouvoir excéder 10 ans à compter du décès.

Ensuite, elle apporte une précision :

« [P]our être recevable, l'action en réduction doit être intentée dans les cinq ans à compter du décès ou, au-delà, jusqu'à dix ans après le décès à condition d'être exercée dans les deux ans qui ont suivi la découverte de l'atteinte à la réserve ».

L’interprétation du point de départ « glissant » du délai quinquennal de prescription extinctive de l’action en réduction des libéralités, et du délai butoir ou balai de 10 ans – les deux établis par la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 est ainsi précisée.

L’action peut être exercée jusqu’à 10 ans après le décès du de cujus, mais à condition que la découverte de l’atteinte ait lieu 8 ans après la mort de l’auteur de la succession.

(Source : Lexis360 du 16/02/2024)