En cas d’action d’un des maillons d’une chaîne contractuelle de ventes contre un autre maillon, l’appréciation du caractère apparent ou caché d’un vice s’apprécie à la date à laquelle le maillon dont la responsabilité est engagée, a vendu le bien vicié.

Dans une affaire, une entreprise détient un véhicule dans le cadre d’un crédit-bail.

Par la suite, il apparaît que le véhicule est affecté de désordres, qui seront constatés par un rapport d’expertise de juin 2019.

L’option d’achat du crédit-bail est levée en septembre 2019 et le propriétaire exerce une action en garantie des vices cachés contre le fournisseur du véhicule au crédit bailleur et contre le fabricant originaire de la voiture.

La cour d’appel rejette une telle action dès lors que le demandeur est devenu propriétaire du véhicule en levant l’option d’achat, il avait donc connaissance des vices affectant la voiture avant son acquisition définitive de sorte qu’ils n’étaient pas cachés.

La Cour de cassation censure l’arrêt attaqué en énonçant que « lorsque l'action en garantie des vices cachés est exercée à l'encontre du vendeur originaire à raison d'un vice antérieur à la première vente, la connaissance de ce vice s'apprécie donc à la date de cette vente dans la personne du premier acquéreur » (Cass. com., 16 oct. 2024, n° 23-13.318, FS-B).

Dès lors, « la connaissance qu'a le sous-acquéreur du vice de la chose lors de sa propre acquisition est indifférente aux fins d'apprécier le bien-fondé de son action contre le vendeur originaire ».

Une telle solution naît du rapprochement de deux principes gouvernant la garantie des vices cachés.

Il est tout d’abord acquis que la garantie des vices cachés suppose que le vice en cause ne soit pas apparent au moment de la vente.

Il est également constant que l’action en garantie des vices cachés est transmise comme accessoire de la chose vendue.

Ainsi, lorsque l’acquéreur final agit en garantie des vices cachés contre le vendeur de son vendeur, il exerce en réalité l’action dont disposait son propre cocontractant contre la partie qui lui avait cédé la chose viciée.

Dès lors, pour apprécier le caractère caché ou apparent d’un vice lorsque le sous-acquéreur agit contre le fabricant originaire, il convient de se placer à la date à laquelle la chose a été vendue au cocontractant de ce fabricant, soit à la place du vendeur intermédiaire.

Il est donc possible pour le propriétaire d’une chose défectueuse d’agir en garantie des vices cachés alors même que le vice était apparent lorsqu’il l’a acquise.

Il suffit de démontrer qu’il existe une chaîne contractuelle de ventes, et que le vice était caché lorsqu’un des précédents maillons de la chaîne l’a cédée.

En effet, le sous-acquéreur, « jouit de tous les droits et actions attachés à la chose qui appartenait à son auteur » (Cass. 1re civ., 10 nov. 2021, n° 19-18.566).

Par conséquent, si le vendeur d’une chose remplissait les critères pour agir en garantie des vices cachés contre son cocontractant direct, cette action est cédée avec la chose vendue de sorte que l’acquéreur final peut l’exercer quand bien même ce dernier ne remplirait pas les critères pour agir contre son cocontractant.

À l’inverse, cet acquéreur final peut se voir opposer tous les moyens de défense que le vendeur originaire aurait pu opposer à son propre cocontractant.

Il a en effet été jugé que « le fabricant de la chose vendue est en droit d'opposer au sous-acquéreur, exerçant une action contractuelle, tous les moyens de défense qu'il peut opposer à son propre co-contractant » (Cass. com., 28 janv. 2004, n° 02-11.522).

Pour conclure, il convient de rappeler que ces solutions ne concernent que les chaînes contractuelles nationales.

En effet, la solution est différente en matière de chaîne contractuelle internationale, le droit européen ayant une définition qui lui est propre de la matière contractuelle.

Il a ainsi été jugé que l’action directe d’un des maillons d’une telle chaîne de contrat à l’encontre d’un autre avec qui il n’a pas de lien contractuel s’analyse en une action délictuelle ( CJCE, 17 juin 1992, aff. C-26/91, Jakob Handte & Co. GmbH c/ Traitements mécano-chimiques des surfaces SA ,).

Plus récemment, il a été rappelé que « dans le contexte d’une action en responsabilité engagée par le sous-acquéreur d’une marchandise contre le fabricant de celle-ci, [...] il n’existe aucun lien contractuel entre le sous-acquéreur et le fabricant, celui-ci n’ayant assumé aucune obligation de nature contractuelle envers le sous-acquéreur » ( CJUE, 7 févr. 2013, aff. C-543/10  : - Cass. 1re civ., 25 mars 2015, n° 13-24.796 ).

(Source : Lexis360 du 25/10/2024).