FO

Syndicat National

des Magistrats

fomagistrats@laposte.net

Bulletin d'information du

2 octobre 2013

site internet :

http://fomagistrats@forceouvriere.org

MAGISTRATURE:

L'EFFONDREMENT ?

Lors de la dernière réunion de transparence le 29 septembre 2013, la Direction des

Services Judiciaires nous a indiqué que 391 postes de magistrats étaient vacants. Le

problème est connu, et globalement non traité depuis des années.

Un article de la version en ligne du journal « Le Figaro », paru la semaine dernière,

a analysé les difficultés de recrutement de la magistrature et la perspective de plus

d'un millier de départs en retraites dans les années qui viennent.

Parmi les commentaires postés en ligne par les lecteurs de ce document l'un d'eux

mérite d'être lu. Il émane de parents dont le fils choisit de passer le premier concours

et se retrouve juge aux affaires familiales dans l'est de la France. Voici ce qu'ils

écrivent :

« ...nous avons été sidérés de constater qu'après un tel parcours du combattant, avec

de telles responsabilités, une charge de travail autour de 60/70 heures par semaine,

sans compter les week-end, son salaire mensuel avoisinait les 2500€ nets par mois

ce qui est ridiculement bas. Et encore nous ne parlons pas des conditions de travail:

pas de logiciel Word (trop cher ?), un bureau pour deux, un secrétariat exsangue et je

fais court. Alors dans ces conditions, comment attirer les meilleurs étudiants en

droit?... »

Oui, comment attirer les meilleurs étudiants en droit, et surtout, pourquoi faire ?

Budget 2014: Bercy sans merci , saupoudrages et confettis...

La lecture du dernier projet de budget du ministère démontre que si l'autorité judiciaire ne peut assurer

ses missions , avec les moyens alloués par les gouvernements, c'est qu'une succession de choix politiques a

déterminé à la situation actuelle. Ainsi:

-le simple fait que la ministre annonce 10 axes politiques prioritaires cause un malaise. Avoir dix

priorités, c'est au final n'en avoir aucune.

-le ministère se félicite d'un renfort de 175 emplois supplémentaires, dans les services judiciaires.Mais

une fois encore, il s'agit d'une illusion. La création nette ne concerne que 45 emplois, magistrats et

fonctionnaires confondus. Le reste (130 postes) est« redéployé » à partir de gains de productivité qui n'existent

pas (notamment ceux induits par le logiciel Cassiopée lequel n'a pas facilité le travail des magistrats et

fonctionnaires mais leur a au contraire au quotidien compliqué la tâche).

Enfin l'annonce des affectations de ces emplois est un saupoudrage: 10 juges d'instructions, 10 juge des

libertés et de la détention, 10 juges d'instance, 15 parquetiers, etc

A qui fera-t-on croire, alors que les critiques fusent de toute part, que c'est avec ces confettis que les

juridictions vont pouvoir fonctionner normalement ?

La fin d'un système judiciaire.

Cette absence de moyens n'est pas un simple problème budgétaire. La continuité d'analyse et d'action

qui se maintient en dépit des alternances gouvernementales démontre que le projet politique assigné à la justice

arrive à un terme. « La Justice » pouvoir régalien essentiel, et est en train de basculer vers un modèle éloigné de

celui qui lui a été assigné lors de la fondation de la V° République. Le modèle émergent vise à réduire l'offre de

droit. Nous ne partageons pas ces postulats, qui s'imposent cependant chaque jour d'avantage.

Les tribunaux d'instance par exemple, organisés sous la forme que nous connaissons aujourd'hui au

lendemain de la création de la V° République, ont remplacé les « justices cantonales » qui correspondaient au

principe d'une « justice de bon sens ». Plus que tout autre fonction, ils étaient les porteurs d'une forme de

modernité dans la France judiciaire de l'époque.

Ils étaient le symbole d'une magistrature professionnelle, formée dans une grande école et assurant

l'égalité des droits au sein de la République et sur tout le territoire.

Or il n'est plus rare aujourd'hui d'entendre certains collègues dirent « à quoi bon perdre du temps avec

tout ces petits litiges ? ».

Quand la magistrature travaille à son affaiblissement.

L'analyse est la même pour les juges d'instruction, pour lesquels certains collègues disent : «quelle est la

valeur ajoutée de l'instruction ? » Ce que l'on peut traduire pour un lecteur profane par : « A quoi ça sert ce

temps perdu à faire des enquêtes qui ne changeront rien à l'état de la délinquance dans le ressort ? »

Et les mots peuvent être plaqués à l'identique sur d'autres fonctions (application des peines, justice des

mineurs, contentieux familial), etc etc.

Réflexes pathogènes.

En envisageant la réduction du champ d'intervention du pouvoir juridictionnel, les collègues ne

manifestent pas une simple forme de mépris pour les « affaires des autres », toujours moins importantes que

celles que l'on voit passer dans son propre bureau.

Cette position traduit également la volonté du sauvetage de ses propres fonctions . Autrement dit, cet

égoïsme apparent masque un réflexe de survie. Mais un réflexe qui a intégré aussi les modes de gestion pervers

plaqués sur l'institution, dont les commandements bien connus mettent les magistrats et les services en

compétition : « Faire mieux avec moins », « Il y a pire ailleurs et en particulier à côté », « Simplifiez! », etc.

Soumis au matraquage d'un discours prônant seulement une réponse « low cost », à l'affirmation

d'ambitions personnelles de certains, de fusion des greffes en diminution des effectifs, les magistrats ne sont pas

parvenus à imposer le respect de conditions de travail de nature à garantir l'efficacité et l'autorité de leurs

fonctions.

Ils n'ont pas non plus été aidés par l'appui de certains de leurs représentants lors de l'application de

réformes défavorables. Ainsi, lors de l'augmentation du taux de la prime de rendement, dite « prime

modulable » les organisations syndicales n'ont pas présenté un front uni. Cette forme de rémunération arbitraire,

non motivée ni assortie d'une voie de recours effective, reste néanmoins défavorable à toute la profession.

S'unir pour porter un projet

La ministre a choisi d'ouvrir de nombreux chantiers de rénovation. Mais cela ne fait pas disparaître le

risque d'effondrement du fonctionnement des tribunaux.

Car le hiatus qui existe entre ce que pense le monde politique de la Justice en général, et la

représentation nationale en particulier, et la réalité des conditions de travail n'a jamais été aussi grand. La

lecture du dernier projet de budget démontre que les informations communiquées au Parlement sur le budget de

la Justice sont inexactes. Il est indispensable de rechercher un nouveau consensus républicain autour des

missions judiciaires.

Pour FO-Magistrats, les magistrats doivent prendre leur responsabilité et s'affirmer comme les porteurs

d'un projet de rénovation de la légitimité de la Justice.

FO-Magistrats appelle à la tenue d'états généraux de la Justice placés sous l'autorité du

Parlement. Pour sortir la justice de l'ornière, il faut plus qu'un constat, il faut un projet.

D'ici là, FO-Magistrats revendiquera le renforcement des garanties statutaires de la profession.

Il est des réformes qui ne coûtent rien et que pour autant , aucun Garde des Sceaux n'initie.

Ainsi, notre organisation a toujours revendiqué une meilleure motivation des décisions relatives à la

carrière des magistrats. Pour les magistrats qui ne sont pas chefs de juridiction, la question était déjà cruciale.

Pour les collègues qui aspirent à des postes de chef de juridiction, elle vient de prendre une tournure inattendue.

Un magistrat proposé pour intégrer un poste de chef de juridiction il y a deux semaines, vient finalement

de se voir préférer un autre magistrat par le Conseil Supérieur de la Magistrature. Pour justifier son

changement de choix le Conseil a fait publier une note indiquant qu'il a pris cette nouvelle décision après avoir

reçu des observations. Quelles sont ces observations, portant sur quel aspect des dossiers des candidats ? En

ont-ils été seulement informés ? Le CSM ne motive pas ses décisions, donc pour les autres candidats et pour la

profession en général, la modification est incompréhensible.

Pourquoi le ministère n'envisage-t-il pas de mettre un terme à cette absence de motivation où

n'envisage-t-il pas d'abandonner le système pervers des primes de rendement ? Poser la question c'est y

répondre : il ne s'agit pas d'une « priorité prioritaire ».

Assurer l'indépendance de la Justice c'est aussi revendiquer un meilleur statut pour les magistrats.