L’article 906 du code de procédure civile a institué l’obligation pour les parties au procès d’appel de produire leurs pièces justificatives simultanément à la signification de leurs écritures.
Ce point fut réaffirmé par un avis de la Cour de Cassation du 25 juin 2012 (n°1200005), lequel fut  depuis fermement critiqué, notamment du fait de l’absence de réalisme quant au déroulement du procès civil et ce, tant par les praticiens que par les auteurs de doctrine.
Depuis plusieurs semaines déjà, les Cours d’appel ont été saisies de cette difficulté, certains plaideurs, manquant probablement d’arguments pertinents sur le fond de l’affaire, tentant de voir écarter les pièces de leurs adversaires sur le fondement de l’article 906 du code de procédure civile et de l’avis précité et de triompher par ce seul moyen.

La Cour de cassation, dans un avis récent du 21 janvier 2013 (n°1300003), a précisé que cette difficulté relevait non pas de la compétence du conseiller de la mise en état lorsqu’il était désigné, mais de la Cour saisie au fond, seule habile pour en connaître et la trancher.
Surtout, les juridictions de fond semblent désormais faire preuve majoritairement de réalisme et refusent l’application simpliste de l’article 906 à laquelle l’avis du 25 juin 2012 invitait pourtant.
Les magistrats des Cours d’Appel sont d’ailleurs fonctionnellement plus proches des représentants des parties et plus des encore des anciens avoués devenus avocats que les Hauts Magistrats du quai de l’Horloge. A cet égard, certains chefs de juridiction ont même mis en place des formations spéciales pour traiter des problèmes issus de l’application du Décret Magendie, à l’instar de la Cour d’Appel d’ORLEANS, et ainsi unifier leur jurisprudence sur un même ressort.
Ainsi, quelques arrêts sortant l’aiguille plantée par la juridiction suprême dans le pied du plaideur d’appel méritent l’attention.

En résumé, la Cour d’Appel de CAEN retient, d’une part, que les pièces communiquées simultanément à un second jeu d’écritures et qui avaient été déjà produites devant le juge de première instance ne peuvent être écartées (28 février 2013 RG 12/01535), d’autre part, que seule est compétente la Cour pour connaître de la question - laquelle ne peut se résoudre par une caducité de la déclaration d’appel elle-même (21 février 2013 RG 12/2371). Dans les pas de la Cour d’Appel d’AIX en Provence, la 9ème chambre de la Cour d’Appel de PARIS a jugé plus radicalement que l’obligation de communication simultanée n’est pas assortie de la moindre sanction, outre que l’intimé ne subissait aucun grief du défaut de simultanéité puisqu’il avait disposé du temps nécessaire pour en prendre connaissance et y répliquer (28 février 2013 RG 11/12608).

Les extraits de ces arrêts sont suffisamment éloquents pour que votre serviteur se dispense de compléter son analyse, pour le moment...

Caen, 3e chambre civile, 28 Février 2013 Répertoire Général : 12/01535
«Il résulte des dispositions de l'article 906 du code de procédure civile que les conclusions sont notifiées et les pièces communiquées simultanément.
Il est constant que la signification du 13 août 2012 n'était accompagnée de la communication d'aucune pièce par l'appelante, la première communication de pièces de celle-ci n'étant intervenue que le 26 octobre 2012, en même temps que madame C. déposait de nouvelles conclusions, répondant ainsi aux premières conclusions déposées par monsieur A..
Il ne peut dès lors qu'être constaté que les pièces de l'appelante n'ont pas été communiquées simultanément à la signification de ses premières conclusions, rendue nécessaire par le défaut de constitution de l'intimé dans le délai prévu à l'alinéa 2 de l'article 902 du code de procédure civile .
Il n'en demeure pas moins que les pièces n° 1 à 11 sur lesquelles sont fondées les demandes de madame C. :
- d'une part ont été régulièrement communiquées en même temps qu'étaient signifiées ses conclusions déposées le 26 octobre 2012,
- d'autre part sont identiques, s'agissant de ses pièces n° 1 à 9, à celles soumises à l'appréciation du premier juge.
Il en résulte que le principe de la contradiction étant aujourd'hui respecté, il n'y a pas lieu d'écarter les pièces des débats.»

Cour d'appel, Caen, 3e chambre civile, 21 Février 2013 – n° 12/02371
«Il n'est pas contesté que les pièces énumérées au bordereau de communication joint aux dites conclusions n'ont pas été communiquées simultanément à celle-ci, en méconnaissance des dispositions de l'article 906 du code de procédure civile .
MAIS :
1) la sanction du non-respect de ces dispositions est, non pas la caducité de l'appel au motif que les conclusions seraient irrecevables, mais le fait que les pièces concernées doivent être écartées des débats, cette décision étant de la compétence de la cour, à l'exclusion de celle du conseiller de la mise en état.
Il ne résulte en effet ni des dispositions des articles 911-1 alinéa 2, 913, 914 et 915 du code de procédure civile , ni de celles des articles 783 à 787 et plus particulièrement de l'article 770 du dit code, qu'il entre dans la compétence d'exception du conseiller de la mise en état d'ordonner que des pièces soient écartées des débats pour le motif ci-dessus énoncé,»

Cour d'appel, Paris, Pôle 4, chambre 9, 28 Février 2013 – n° 11/12608
«Dans ses conclusions du 1er décembre 2011, la Société X demande à la cour d'écarter des débats les pièces produites par l'appelante qui sont celles versées au débat de première instance, sont visées dans ses conclusions d'appel mais n'ont pas été signifiées simultanément.
Si les dispositions de l'article 906 du code de procédure civile prévoient la simultanéité entre la signification des conclusions de l'appelante et la communication de ses pièces, elles ne sont assorties d'aucune sanction en cas de non respect.
L'intimée a disposé du temps nécessaire pour prendre connaissance des pièces produites et éventuellement en tirer argument de sorte que l'absence de simultanéité n'a causé aucun grief à la parties adverse et que le moyen doit être écarté.»


Maître Alexis Devauchelle
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