La Loi n°2005-370 du 22 avril 2005 dite Léonetti a eu pour ambition de donner une réponse au problème du traitement médical en fin de vie et a interdit l’obstination dans la mise en œuvre de traitements, tandis que ces derniers ne pouvaient que permettre d’assurer une survie artificielle du patient.

Cette Loi s’est cependant avérée rapidement incomplète en ne répondant pas à l’ensemble des problématiques et notamment à une certaine demande de législation sur l’euthanasie.

La Loi n°2016-87 du 2 février 2016 dite Clayes-Léonetti a créé de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie en venant compléter l’arsenal législatif existant et le code de la santé publique (cf. notamment les articles L. 1110-5 et suivants CSP), tout en se gardant cependant de répondre à la demande maintenue d’une législation propre à l’euthanasie.

Cette Loi a vocation de permettre aux personnes en fin de vie de mourir dignement, en proposant une sédation profonde et continue jusqu’à la mort de la personne, mais ne permet toujours pas l’euthanasie.

Elle reçut un « brevet de constitutionnalité » aux termes de la décision du 2 juin 2017 du Conseil Constitutionnel (n°2017-632).

 

 

En premier lieu, le code de la santé publique définit la fin de vie comme une « phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable » quelle qu’en soit la cause (cf. art. L. 1110-5-2).

Dans le cadre du traitement de fin de vie, il est alors affirmé un principe clair.

A la demande du patient, il peut être recouru à « une sédation profonde et continue provoquant une altération de la conscience maintenue jusqu'au décès, associée à une analgésie et à l'arrêt de l'ensemble des traitements de maintien en vie » (art. L. 1110-5-2 & R. 4127-37-3).

Cette sédation est prévue en fin de vie, pour deux situations expressément visées à l’article L. 1110-5-2 du CSP, à savoir :

« 1° Lorsque le patient atteint d'une affection grave et incurable et dont le pronostic vital est engagé à court terme présente une souffrance réfractaire aux traitements ;

2° Lorsque la décision du patient atteint d'une affection grave et incurable d'arrêter un traitement engage son pronostic vital à court terme et est susceptible d'entraîner une souffrance insupportable. »

 

 

En second lieu, les droits de la personne en fin de vie sont rappelés aux termes de cette Loi n°2016-87 du 2 février 2016 dite Clayes-Léonetti.

Ainsi cette personne doit pouvoir bénéficier des droits humains fondamentaux (cf. art L. 1110-1) et recevoir une information ainsi que l’accès à son dossier médical (cf. art. L. 1111-2, L. 1111-3L. 1111-7).

Elle doit bénéficier des traitements, des soins et thérapies efficaces, sécurisés et les plus appropriés, du meilleur apaisement possible de sa souffrance et ne pas courir de risques disproportionnés par rapport au bénéfice escompté (cf. art. L. 1110-5, L. 1110-5-3).

Tout traitement est, de plus, conditionné à un consentement « libre et éclairé » de la personne, sauf situation d’urgence (notamment d’urgence vitale et pendant le temps nécessaire à une évaluation complète de la situation).

Le traitement du patient en fin de vie ne doit pas procéder d’une obstination déraisonnable, c’est-à-dire entreprendre ou poursuivre de façon inutile, disproportionnée ou sans autre objectif que de maintenir artificiellement la vie, des actes de prévention, d’investigation, de soins ou des traitements, au rang desquelles on peut retenir la nutrition et l’hydratation artificielles (cf. art. L. 1110-5-1 alinéa 2).

 

 

En troisième lieu, la problématique de la fin du traitement par le personnel soignant est évoquée par la Loi.

 

D’une part, un patient capable d’exprimer sa volonté peut prendre la décision de refuser ou de ne pas recevoir un traitement et le médecin ne peut pas contrevenir à cette volonté après l’avoir dûment informé des conséquences de ses choix et de leur gravité (cf. art. L. 1111-4 alinéa 2).

La Loi du 2 février 2016 a bien accru la valeur de la volonté du patient.

De plus, après avoir été informé des conséquences de son choix et de sa gravité, le malade doit réitérer ce choix dans un délai raisonnable (cf. art. L. 1111-4 alinéa 3). Cette décision et l’ensemble de la procédure figurent à son dossier médical.

 

D’autre part, lorsque le patient est inconscient ou insusceptible d’exprimer sa volonté, la Loi du 2 février 2016 oblige au respect d’une procédure collégiale prévue à l’article L. 1110-5-1 du CSP qui prend la forme d’une concertation avec l’équipe de soins et l’avis motivé d’au moins un médecin appelé en qualité de consultant, voire d’un second médecin consultant si l’un des deux premiers l’estime utile.

Le médecin doit rechercher, puis consulter et respecter les directives anticipées de la personne, étant observé que tout établissement doit interroger la personne prise en charge préalablement sur l’existence de telles directives (cf. art. R. 1111-19-1 VI & R. 1111-20).

Les directives anticipées et la désignation de la personne de confiance permettent au patient d’exprimer directement sa volonté quand les circonstances l’en empêchent (cf. art. L. 1111-6, L. 1111-11).

La forme de ces directives anticipées est légalement fixée. Il s’agit d’un document daté et signé (cf. art. R.1111-17), rédigé par une personne majeure pour le cas où elle serait un jour hors d’état d’exprimer sa volonté. Deux témoins, dont la personne de confiance, peuvent attester que le document que le patient n’a pu rédiger lui-même est l’expression de sa volonté libre et éclairée (cf. art. R 1111-18).

Les documents préétablis, mis à la disposition des patients sur internet notamment, ne constituent que des modèles qui n’ont aucun caractère obligatoire.

Ces directives indiquent les souhaits du patient relatifs aux conditions de limitation ou d’arrêt de traitement. Elles sont valables sans durée de temps, mais sont révocables ou modifiables à tout moment et renouvelables. Seules les directives les plus récentes sont valables (cf. R. 1111-17).

Le document peut être confié au médecin traitant, à la personne de confiance, à un membre de la famille ou un proche, conservé au dossier médical ouvert à l’occasion de l’admission dans un établissement de santé ou dans un établissement médicosocial (Cf. art. R. 1111-19).

Toute personne majeure peut également désigner un parent, un proche ou son médecin traitant comme personne de confiance qui sera consultée le jour où elle sera hors d’état d’exprimer sa volonté.

 

Le médecin doit tenir compte des souhaits exprimés.

Un médecin ne peut refuser d’appliquer des directives anticipées manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale qu’à l’issue d’une procédure collégiale au cours de laquelle le médecin recueille l’avis des membres présents de l’équipe de soins, si elle existe, et celui d’au moins un médecin, appelé en qualité de consultant, avec lequel il n’existe aucun lien de nature hiérarchique. Il peut recueillir auprès de la personne de confiance ou, à défaut, de la famille ou de l’un des proches le témoignage de la volonté exprimée par le patient. La décision de refus d’application des directives anticipées doit être motivée (Cf. art. R. 4127-37-1). Un document écrit apparaît donc nécessaire pour établir tant la consistance de cette motivation que sa réalité.

Cette procédure collégiale doit permettre à l'équipe soignante en charge du patient de vérifier le respect des conditions légales et médicales d'arrêt des soins et de mise en œuvre, dans ce cas, d'une sédation profonde et continue, associée à une analgésie (cf. arrêt CE 6 déc. 2017 n°403944).

 

A défaut de telles directives, ou à défaut d’expression de la volonté du patient, la décision de limiter ou d’arrêter les traitements au titre du refus d’une obstination déraisonnable est prise à l’issue de la procédure collégiale comprenant une concertation avec les membres présents de l’équipe de soins, si elle existe, et la prise d’avis, qui doit être motivé, d’au moins un médecin sans lien hiérarchique avec le médecin en charge du patient, appelé en qualité de consultant. Un deuxième consultant peut être appelé à se prononcer de façon motivée.

Le témoignage de la volonté exprimée par le patient est recueilli auprès de la personne de confiance ou, à défaut, auprès de la famille ou de l’un des proches.

La procédure collégiale peut être engagée à l’initiative du médecin en charge du patient, ou à la demande de la personne de confiance, ou, à défaut, de la famille ou de l’un des proches.

Toute décision relative à l’arrêt ou la limitation d’un traitement est motivée, et la personne de confiance, ou, à défaut, la famille, ou l’un des proches du patient est informée de la nature et des motifs de cette décision. Tous ces éléments doivent figurer au dossier médical (cf. art. L.1111-4, R. 4127-37-1R. 4127-37-2).

La décision doit être notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception, en visant la possibilité d’un recours contentieux. Dans le cadre des établissements publics de soins, ce recours doit être réalisé dans un délai de deux mois et le recours – spécialement le référé-suspension - suspend alors la décision prise d’arrêt des traitements (en respect de la décision n°2017-632 du 2 juin 2017 du Conseil constitutionnel).

 

En conséquence, si le médecin est habile à prendre, à l'égard d'une personne hors d'état d'exprimer sa volonté, une décision de limitation ou d'arrêt de traitement susceptible de mettre sa vie en danger, c’est donc sous la double et stricte condition :

. que la poursuite de ce traitement traduise une obstination déraisonnable,

. et que soient respectées les garanties tenant, d'une part, à la consultation de l'équipe de soins et d'au moins un autre médecin, n'ayant aucun lien de nature hiérarchique avec le médecin en charge du patient, et, d'autre part, au respect de la volonté du patient, telle qu'elle a pu trouver à s'exprimer, le cas échéant, dans les directives anticipées antérieurement rédigées.

 

 

En quatrième lieu, en ce qui concerne les enfants, la Loi de 2016 ne prévoit pas un dispositif particulier. Aussi, c’est le droit commun qui doit s’appliquer et se superposer à la règlementation précitée (cf. art. L. 1111-2 al. 5 – L. 1111-4 al. 7).

Les représentants légaux de l’enfant en fin de vie se substituent alors à ce dernier pour exprimer sa volonté (cf. art. 371-1 du code civil).

Leur avis doit donc être recueilli (cf. R. 4127-37-2) mais ne s’impose pas à l’équipe médicale tandis qu’a été respectée la procédure collégiale précitée (cf. CESDH arrêt 23 janvier 2018 Afiri – Biddari / France Req. 1828/18 ; CE 5 janvier 2018).

Il est cependant précisé que le médecin doit être le défenseur de l’enfant lorsqu’il estime que l’intérêt de sa santé n’est pas compris ou pas préservé (cf. art. R. 4127-73).

Le Conseil d’Etat a considéré que ni les directives anticipées ni les dispositions qui prévoient la désignation d’une personne de confiance ne sont applicables à l’enfant (cf. arrêt précité CE 6 déc. 2017 n°403944).

Il incombe au médecin, non seulement de rechercher, en consultant sa famille et ses proches et en tenant compte de l'âge du patient, si sa volonté a pu trouver à s'exprimer antérieurement, mais également de s'efforcer, en y attachant une attention particulière, de parvenir à un accord avec ses parents ou son représentant légal sur la décision à prendre.

 

A noter que les personnes majeures faisant l’objet d’une mesure de protection peuvent également rédiger des directives et qu’à défaut de celles-ci, c’est alors le juge des tutelles qui devra prendre une décision d’autorisation (cf. art. L.1111-11).

 

 

Enfin, la Loi du 2 février 2016 et les décrets d’application ne sanctionnent pas spécialement et spécifiquement le défaut de prise en considération des volontés exprimées pour le traitement de la fin de vie.

Là encore, la réponse ne peut être trouvée qu’à travers le droit commun de la responsabilité des soignants et des intervenants aux soins.

Les hypothèses sont trop nombreuses pour être évoquées exhaustivement, mais une action civile en dommages-intérêts pour réparer les préjudices subis du fait de soins maintenus artificiellement est envisageable de la part tant du patient (ou de ses héritiers) que des tiers (notamment au titre d’un préjudice moral ou encore d’un pretium doloris), voire une action pénale du fait d’actes médicaux qui pourraient être assimilés à des contraintes ou violences volontaires.

Ne peut non plus être omis le risque de sanctions ordinales en cas de manquement à la déontologie des personnels soignants, et ce en fonction de leur statut respectif.

 

En outre, l’article L. 1110-3 du CSP (alinéas deux et suivants) offre une action à la victime de soins illégitime devant le directeur de l’organisme local d’assurance maladie ou le président du conseil de l’ordre professionnel concerné. Sa réclamation vaut plainte. Elle enclenche alors une phase de conciliation qui, en cas de refus, peut entraîner une sanction ordinale voire une sanction financière de la part du directeur de la caisse d’assurance maladie (en application de l’article L. 162-1-14-1 du code de la sécurité sociale).

 

Surtout, une action en référé peut être mise en œuvre devant la juridiction administrative ou civile (en fonction de la nature juridique de l’établissement de soins) par les proches du patient pour voir ordonner toute mesure estimée nécessaire et donc le maintien des traitements (cf. art. L. 521-2 du code de justice administrative).

 

 

La Loi n°2016-87 du 2 février 2016 dite Clayes-Léonetti constitue une évolution significative pour le traitement des patients en fin de vie. Mais elle reste complexe à appréhender juridiquement et dans sa mise en œuvre par les équipes soignantes. De plus, elle ne peut répondre à la multitude des problématiques rencontrées.

Le cadre législatif des soins prodigués en fin de vie est évidemment un sujet extrêmement délicat tant à l’égard des patents, des familles que des personnels de soins.

La Loi reste cependant un net progrès au regard des incertitudes passées et la pierre angulaire de la réflexion en la matière.