Outre les questions particulières de formalisme qui se posent quant à l’appel du jugement d’orientation, d’autres écueils peuvent s’opposer à ce que la Cour d’Appel connaisse du fond de la contestation.

Selon la Cour de cassation et par application des dispositions de l’article 6 du décret n°2006-936 du 27 juillet 2006, les contestations et demandes incidentes élevées après l’audience d’orientation sont frappées d’une irrecevabilité.

Ce n’est pas l’appel lui-même qui est frappé d’irrecevabilité – et comment le pourrait-il l’être tandis que la voie de recours est expressément ouverte – mais les prétentions élevées après l’audience d’orientation, les cours d’appel devant même prononcer d’office l’irrecevabilité de telles demandes (Civ. 2ème 31 mars 2011 pourvoi n°10-13929).

En vertu de cette jurisprudence extrêmement restrictive, l’appelant ne peut que présenter derechef les prétentions qu’il avait expressément soumises au premier juge, sans pouvoir s’en écarter.

En outre, dès lors que l’appelant - bien souvent le débiteur poursuivi - n’a pas comparu devant le juge de l’orientation, la jurisprudence empêche qu’il puisse, au second degré de juridiction, développer son argumentation au fond.

 

Cette position apparaît parfaitement critiquable tant elle met un curieux frein à un recours bel et bien ouvert par les textes.

Le décret n°2006-936 du 27 juillet 2006 déroge-t-il au principe général de l’effet dévolutif de l’appel ?

C’est ce que laisse planer la jurisprudence sur la tête de l’appelant.

 

Cette position prétorienne apparaît pourtant bel et bien contraire aux textes internes et européens.

En droit interne, le juge d’appel, par le jeu de l’effet dévolutif de l’appel et les dispositions de l’article 561 du code de procédure civile, bénéficie des pouvoirs et attributions du juge de première instance chargé de l’orientation.

En statuant sur les contestations de l’appelant, les dispositions de l’article 6 du décret n°2006-936 du 27 juillet 2007 ne seraient donc pas violées.

En outre, il convient de rappeler que le législateur a prévu une absence de formalisme pour certaines demandes, dont celle de conversion en vente volontaire, l’article 50 alinéa second du décret du 27 juillet 2006 prévoyant qu’une telle demande puisse même être formulée sans ministère d’avocat verbalement à l’audience par exception au principe du ministère obligatoire d’avocat posé par l’article 7 du décret n°2006-936 du 27 juillet 2006…

Il est donc curieux d’ajouter des freins à l’élévation des prétentions, alors que le texte prévoit parfois leur suppression.

En tout état de cause, et par renvoi à l’article 1er du décret n°92-755 du 31 juillet 1992 qui énonce que « les dispositions communes du Livre 1er du code de procédure civile sont applicables devant le Juge de l’exécution aux procédures civiles d’exécution », le décret n°2006-936 du 27 juillet 2006 modifié n’a jamais eu pour effet de retrancher aux règles générales applicables à l’instance d’appel, notamment en ce que la voie de l’appel est une voie d’achèvement, ni davantage en excluant ni expressément ni même implicitement l’application des articles 564 et suivants du code de procédure civile, lesquelles autorisent les parties à formuler des demandes qu’elles n’avaient pas présentées en première instance (article 1er du décret n°2006-936 du 27 juillet 2006).

 

En droit européen, la Cour de cassation, par son intransigeance, semble bien maltraiter les dispositions de l’article 6 §1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme.

En effet, si le « droit à un tribunal » prévu à cette Convention n'est pas absolu et se prête à des limitations, notamment en ce qui concerne les conditions de la recevabilité d'un recours, les limitations appliquées ne doivent pas restreindre l'accès ouvert à l'individu d'une manière ou à un point tels que le droit s'en trouve atteint dans sa substance même.

Or, par sa jurisprudence, la cour de cassation rend inutile – ou parfaitement inefficace, l’exercice de la voie de recours prévue par les textes règlementaires.

 

On voit là encore une technique subtile déployée pour limiter l’exercice de la voie de l’appel, dans une matière pourtant sensible car elle atteint bien souvent le logement familial.

La Cour de cassation prend ainsi des libertés avec les textes – notamment européens – qui pourraient mener à des sanctions prononcées à l’endroit de la FRANCE si des plaideurs ont un jour la patience et l’opiniâtreté d’élever le conflit jusqu’à la Cour européenne des droits de l’Homme.

 

 

Maître Alexis Devauchelle

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