Depuis plusieurs années, se pose l’épineuse question de la procédure suivie devant la Cour d’Appel en matière de recours formé à l’encontre du jugement d’orientation rendu dans le cadre d’une saisie immobilière.
Dans un premier temps, le législateur a entendu fermer la porte à de nombreuses contestations des débiteurs saisis et accélérer l’examen des recours. Ainsi, les contestations et demandes incidentes ne peuvent être valablement élevées après l’audience d’orientation, les juridictions devant même prononcer d’office l’irrecevabilité de telles contestation et demandes (Civ. 2ème 31 mars 2011 pourvoi n°10-13929).
C’est ainsi que le décret du 27 juillet 2006, figurant désormais au récent Code des procédures civiles d’exécution (article R. 322-19), prescrit que l’appel du jugement d’orientation doit être instruit devant la Cour selon la procédure à jour fixe prévue aux articles 917 et suivants du Code de procédure civile.
Le texte affranchit toutefois l’appelant d’avoir à justifier d’un péril dans sa requête. Le jour fixe devient donc un jour fixe de plein droit par le seul effet de la règlementation applicable.
Cependant, la Cour de cassation a précisé que l’appelant ne pouvait s’affranchir de saisir le Premier Président de la Cour d’Appel d’une requête à jour fixe à peine d’irrecevabilité de son appel (Civ. 2ème 22 février 2012 voir mon article précédent sur ce site du 29 mars 2012).
Dans un second temps, la Cour de cassation a affiné son analyse et s’est intéressée au sort des appels de jugements d’orientation ayant saisi le premier Président d’une requête à jour fixe en dehors du délai de huit jours prévu à l’article 919 du code de procédure civile.
Les premières jurisprudences se sont montrées clémentes à l’égard de l’appelant, puisque la chambre commerciale de la Cour de cassation a retenu que sa tardiveté dans le dépôt de sa requête ne pouvait être sanctionnée par le refus du Premier Président d’autoriser l’assignation à jour fixe et non par la Cour d’Appel à qui l’ordonnance de fixation s’impose (Com. 20 janv. 1998 Bull. IV n°24, CA Orléans 13 juin 2012).
Mais, la seconde chambre civile de la Cour de cassation a eu une interprétation différente des textes applicables. Elle a en effet estimé que la tardiveté de l’appelant dans le dépôt de sa requête devait être sanctionnée par l’irrecevabilité de l’appel (Civ. 2ème 19 mars 2015 pourvois n°14-12926, 14-15150).
Sur un des deux pourvois précités, la seconde chambre civile de Cour de cassation écarte la critique formée à l’encontre de l’ordonnance rendue par le Premier Président de la Cour d’Appel qui avait fixée l’audience à jour fixe, alors même que le requérant était tardif pour la solliciter.
Elle juge que :
« Il résulte des articles R. 322-19 du code des procédures civiles d'exécution et 917, alinéa 1er, du code de procédure civile, que l'appel contre le jugement d'orientation est formé, instruit et jugé selon la procédure à jour fixe et que l'ordonnance du premier président, qui a pour seul pouvoir de fixer la date à laquelle l'affaire sera appelée par priorité, constitue une mesure d'administration judiciaire ;
que cette mesure, qui n'est susceptible d'aucun recours, ne peut donner lieu à référé à fin de rétractation »
Cette position est conforme au droit applicable et à l’article 537 du code de procédure civile.
Sur l’autre pourvoi, la seconde chambre a une interprétation antinomique à celle de la Chambre commerciale.
Elle juge que l'ordonnance statuant sur la requête à jour fixe était sans incidence sur la recevabilité de l'appel et que admettant la recevabilité de l’appel, la cour d'appel a violé les articles R. 311-7 et R. 322-19 du code des procédures civiles d'exécution et 122, 125 et 919 du code de procédure civile ;
Elle précise qu'il résulte des deux premiers de ces textes, qu’à peine d'irrecevabilité, l'appel du jugement d'orientation doit être formé selon la procédure à jour fixe dans les quinze jours suivant la notification de ce jugement.
Ainsi, la Seconde chambre de la Cour de cassation a une lecture très personnelle et plus qu’extensive des articles R. 311-7 et R. 322-19 qui ne prévoient pourtant pas expressément d’irrecevabilité en cas de tardiveté du dépôt de la requête.
Au demeurant, la Chambre commerciale de la Cour de cassation ne s’y était pas trompée jusque là.
La Seconde chambre de la Cour de cassation ajoute donc à la norme et oblige la Cour d’Appel à châtier, de manière indirecte, son propre Premier Président tandis que celui-ci aura accordé une autorisation qui lui aura été présentée tardivement.
L’auteur des présentes lignes s’interroge maintenant, avec un peu d’impertinence, sur l’interprétation possible que pourrait avoir cette même seconde chambre civile d’un manquement de la juridiction à une autre obligation mentionnée à l’article R. 322-19, à savoir celle de statuer un mois avant la date prévue pour l’adjudication…
Enfin, peut-être la chambre mixte pourrait-elle donner une seule et même interprétation des textes pour une plus grande sécurité juridique ?
Maître Alexis Devauchelle,
Avocat au Barreau d’Orléans, Ancien Avoué à la Cour
16 rue de la République
45000 Orléans
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