Cour Administrative d'Appel de Paris

Par sa requête, la requérante demande à la cour :

1°) d'annuler un jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le pays de destination ; d'enjoindre, sous astreinte, à l'autorité préfectorale de lui délivrer un titre de séjour, dans le délai d'un mois à compter du présent arrêt.

Par un arrêté, le préfet de police a refusé de délivrer un titre de séjour à la requérante, alors âgée de 60 ans, et a prononcé à son égard une mesure d'obligation de quitter le territoire dans un délai d'un mois, en fixant le pays dont elle a la nationalité comme pays de destination. La requérante relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté.

La requérante soutient qu'elle a saisi pour la quatrième fois le préfet de police d'une demande de titre de séjour, sur le fondement de l'article L. 313-11 7° du code susvisé de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et que celui-ci a commis une erreur de droit en n'examinant sa situation, dans l'arrêté litigieux, qu'au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du même code, requalifiant ainsi indûment le fondement de sa demande, dont au demeurant elle ne pouvait matériellement garder la copie.

En outre, elle fait également valoir que la commission du titre de séjour n'aurait été elle-même saisie que sur ce second fondement, ne s'étant pas ainsi valablement prononcée quant à sa situation familiale en France, et à sa prise en charge par sa fille et son gendre.

Au vu des pièces produites et notamment de l'arrêté litigieux, il n'apparaît toutefois pas que le préfet de police ait effectivement examiné la demande de l'intéressée de manière régulière, celle-ci affirmant sans être contredite qu'exiger d'elle de produire cette demande, revient à la preuve impossible. Il y a donc lieu, à ce titre, pour la cour d'annuler le jugement entrepris, et de régler au fond le litige par l'effet dévolutif de l'appel.

Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : «

1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ;

2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ».

Il ressort des pièces du dossier que la requérante, âgée de 60 ans à la date de la décision litigieuse, entrée sur le territoire national et y séjournant depuis septembre 1990 selon ses déclarations et depuis au moins 1998 au vu des justificatifs, dispose de ses plus solides attaches familiales en France, où résident régulièrement sa seule fille et son gendre, titulaires de cartes de résident, et leurs enfants, qui l'hébergent et s'engagent à pourvoir à ses besoins jusqu'à la fin de ses jours.

Il n'est pas davantage établi qu'elle disposerait à l'étranger de ressources suffisantes, étant séparée ou divorcée. L'autorité préfectorale n'ayant pas produit en défense malgré une mise en demeure, l'inexactitude de ces faits ne ressort d'aucune des pièces du dossier.

Par suite, la requérante, qui doit être regardée dans ces conditions comme ayant été recueillie par sa fille, est fondée à se prévaloir des stipulations précitées, l'arrêté litigieux du préfet de police portant dans ces conditions une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale.

L'exécution du présent arrêt implique nécessairement que l'administration délivre à la requérante un titre de séjour portant la mention « vie privée et familiale » prévue par les dispositions sus-rappelées dès lors qu'il n'est pas allégué et qu'il ne ressort pas du dossier qu'un changement dans les circonstances de droit ou de fait y fasse obstacle.

Par suite, il y a lieu de prescrire à l'autorité compétente de délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » à la requérante dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

La cour annule le jugement du Tribunal administratif de Paris ; annule l'arrêté du préfet de police rejetant la demande de titre de séjour de la requérante et lui faisant obligation de quitter le territoire ; et enjoint au préfet de police de délivrer à la requérante une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ;

Ordonne à M. le préfet de police de tenir immédiatement informé le greffe de la cour (service de l'exécution) des mesures prises à cette fin.

CAA., de Paris, 2008- X

Votre bien dévoué

Maître TALL Amadou

Avocat

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