Le droit à un avocat en permanence
L'administration n'est pas tenue d'organiser une permanence d'avocats installée une partie de la journée dans les centres de rétention administrative (espèce I).
Les personnes retenues (espèce II), de même que celles maintenues (espèce III), ont droit, en permanence, à un avocat.
Votre bien dévoué
Maître Amadou TALL
Avocat au Barreau de la Seine Saint Denis
Avocat à la Cour d'Appel de Paris
Avocat spécialisé en droit des étrangers,
du droit du regroupement familial, du visa,
du changement de statut des étudiants
Téléphone : 06 11 24 17 52
Depuis l'étranger : Téléphone : 00 336 11 24 17 52
E-mail : amadoutall4@gmail.com
Lire la suite :
Espèce I
a) Il résulte des dispositions de l'article 35 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, dans sa rédaction issue de la loi du 11 mai 1998, que les personnes placées en rétention ont le droit de demander l'assistance d'un avocat dès le début de leur maintien en rétention. Ces dispositions, dont la portée ne soulève aucune difficulté d'interprétation qui justifierait une référence aux travaux préparatoires, n'impliquent nullement qu'il soit nécessaire qu'un avocat soit, grâce à une permanence, accessible à tout moment.
b) En revanche, ces dispositions impliquent que, pour permettre l'exercice de leurs droits par les personnes maintenues en rétention, et compte tenu notamment de la brièveté du délai de recours contentieux en matière de reconduite à la frontière, l'administration mette à la disposition des avocats un local permettant la confidentialité de leurs échanges avec les personnes en rétention et équipé des moyens adéquats pour faire usage des voies de recours ouvertes aux intéressés.
Par suite, en refusant la mise à la disposition des avocats d'un local adapté, répondant à ces caractéristiques, l'autorité administrative a méconnu les dispositions prises par le législateur pour garantir les droits des étrangers placés en rétention administrative.
Dès la notification de son placement en rétention administrative ou en zone d'attente, l'étranger placé en rétention doit être en mesure d'accéder à un avocat en permanence au centre de rétention ou en zone d'attente...
Espèce II
Il résulte de la législation en vigueur que la personne faisant l'objet d'une () mesure de rétention administrative doit, dès la notification de son placement en rétention administrative, être immédiatement mise en mesure de pouvoir solliciter l'intervention de l'avocat de son choix, dans des conditions lui permettant de respecter les délais de recours contentieux contre les décisions dont elle est l'objet.
Sauf circonstance insurmontable, cet avocat doit pouvoir à tout moment, accéder sur demande de son client à un local mis à sa disposition par le centre de rétention, de nature à garantir la confidentialité des entretiens menés avec la personne retenue.
Espèce III
Les dispositions de l'article 35 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée impliquent que, pour permettre l'exercice de leurs droits par les personnes maintenues en zone d'attente et compte tenu notamment des délais dans lesquels les recours contentieux peuvent être formés par elles, l'administration prenne toutes dispositions, de nature notamment réglementaire, pour que l'exercice de ces droits soit effectif et pour que les règles applicables à cet égard dans les zones d'attente soient identiques sur l'ensemble du territoire.
Si, en application de l'article 35 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le décret du 2 mai 1995 détermine les conditions d'accès du délégué du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés ainsi que des associations humanitaires aux zones d'attente,
Il appartenait également à l'autorité investie du pouvoir réglementaire de prendre des dispositions afin que les avocats et les interprètes puissent, d'une part, accéder aux zones d'attente à tout moment, lorsqu'un étranger en formule la demande en application des dispositions du second alinéa du II de l'article 35 quater précité et,
D'autre part, bénéficier de conditions de travail adéquates pour, notamment, être en mesure de s'entretenir de manière confidentielle avec la personne placée en zone d'attente et faire usage des voies de recours qui lui sont ouvertes.
En l'espèce, il ressort (...) des pièces du dossier que le règlement intérieur applicable dans certaines zones d'attente prévoit que les avocats n'ont accès à ces zones qu'à certaines heures.
Par suite, en refusant de prendre les dispositions nécessaires pour, d'une part, permettre aux avocats et aux interprètes d'accéder à tout moment aux zones d'attente lorsqu'un étranger en formule la demande et, d'autre part, prévoir que, dans chaque zone d'attente, sera installé un local adapté permettant la confidentialité des échanges et équipé notamment d'une ligne téléphonique et d'un télécopieur, l'autorité investie du pouvoir réglementaire a méconnu les exigences résultant de l'ordonnance du 2 novembre 1945.
Il résulte de ce qui précède que la décision attaquée doit () être annulée.
Conseil d'Etat, 2002-XII (Espèce I)
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 5 juin et 8 octobre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'ORDRE DES AVOCATS A LA COUR DE PARIS, dont le siège est ... ; l'ORDRE DES AVOCATS A LA COUR DE PARIS demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 3 avril 2001 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a annulé le jugement du 21 juin 2000 du tribunal administratif de Paris qui avait annulé la décision du préfet de police du 6 janvier 1999 rejetant le recours gracieux de l'ORDRE DES AVOCATS A LA COUR DE PARIS contre la décision du 18 août 1998 du préfet de police refusant de modifier les conditions d'accueil des avocats au centre de rétention administrative de Vincennes ;
2°) de rejeter le recours présenté par le ministre de l'intérieur devant la cour administrative d'appel de Paris ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur et au préfet de police d'autoriser l'installation au centre de rétention administrative de Vincennes d'une permanence d'avocats, d'une ligne téléphonique et d'un télécopieur au sein des locaux affectés aux échanges avec les avocats, sous peine d'une astreinte de 3 000 F (457,35 euros) par jour de retard au terme d'un délai de deux mois à compter de la décision à intervenir ;
4°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 30 000 F (4 573,47 euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Considérant qu'aux termes de l'article 35 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, dans sa rédaction issue de la loi du 11 mai 1998 : " Peut être maintenu, s'il y a nécessité, par décision écrite motivée du représentant de l'Etat dans le département, dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pendant le temps strictement nécessaire à son départ, l'étranger qui:
1° soit, devant être remis aux autorités compétentes d'un Etat de la Communauté européenne en application de l'article 33, ne peut quitter immédiatement le territoire français ;
2° soit, faisant l'objet d'un arrêté d'expulsion, ne peut quitter immédiatement le territoire français ;
3° soit, devant être reconduit à la frontière, ne peut quitter immédiatement le territoire français (à). Dès le début du maintien, l'intéressé peut demander l'assistance d'un interprète, d'un médecin, d'un conseil et peut, s'il le désire, communiquer avec son consulat et avec une personne de son choix ; il en est informé au moment de la notification de la décision de maintien ;
Mention en est faite sur le registre prévu ci-dessus émargé par l'intéressé. Il peut, le cas échéant, bénéficier de l'aide juridictionnelle " ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'ORDRE DES AVOCATS A LA COUR DE PARIS a saisi le préfet de police, le 7 mai 1998, afin d'obtenir l'amélioration des conditions dans lesquelles les étrangers placés en rétention administrative au centre de Vincennes peuvent avoir accès aux conseils d'un avocat ;
Que l'ordre demandait la mise en place d'une permanence tous les jours entre 14 heures et 17 heures et la mise à disposition des avocats d'un local, équipé d'un téléphone et d'un télécopieur où les entretiens avec les clients puissent se dérouler en toute confidentialité ;
Considérant que, si le législateur, par la loi du 11 mai 1998 qui a modifié l'article 35 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, a prévu que la faculté de demander l'assistance d'un conseil doit s'exercer " dès le début du maintien " en rétention, cette disposition, dont la portée ne soulève aucune difficulté d'interprétation qui justifierait une référence aux travaux préparatoires, implique seulement que les personnes placées en rétention puissent demander l'assistance d'un avocat, sans qu'il soit nécessaire qu'un avocat soit, grâce à une permanence, accessible à tout moment ;
Que, par suite, l'ORDRE DES AVOCATS A LA COUR DE PARIS n'est pas fondé à soutenir que l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris, qui a rejeté pour ce motif ses conclusions sur ce point, est entaché d'une erreur de droit ;
Considérant qu'après avoir annulé le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 21 juin 2000, la cour administrative d'appel de Paris a estimé que " si le conseil de l'ordre des avocats à la cour de Paris souligne l'insuffisance, à la date de la décision attaquée, des moyens accordés au centre de rétention administrative de Vincennes en vue d'assurer le droit à l'assistance d'un conseil dans des conditions garantissant la confidentialité des échanges, le seul refus administratif contesté d'autoriser l'installation d'une permanence d'avocats au centre de rétention des étrangers de Vincennes, n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation " ;
Qu'elle n'a pas, en se bornant à exercer un tel contrôle sur la décision du préfet de police, qui est relative au choix par l'administration des moyens à mettre en .uvre pour appliquer les dispositions de l'ordonnance du 2 novembre 1945, méconnu sa compétence ni entaché son arrêt d'une erreur de droit ;
Considérant, en revanche, que la cour administrative d'appel de Paris a, en estimant qu'elle était saisie du "seul refus administratif contesté d'autoriser l'installation d'une permanence d'avocats au centre de rétention des étrangers de Vincennes", dénaturé la portée des conclusions qui lui étaient présentées, l'ORDRE DES AVOCATS A LA COUR DE PARIS demandant également, par un appel incident, l'annulation de la décision du préfet de police du 6 janvier 1999 en tant qu'elle refusait la mise en place d'un local adapté à des échanges confidentiels entre les avocats et les personnes placées en rétention et équipé d'une ligne de téléphone et d'un télécopieur ;
Qu'il y a lieu, pour ce motif, d'annuler l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 3 avril 2001, en ce qui concerne l'appel incident de l'ORDRE DES AVOCATS A LA COUR DE PARIS ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
Sur l'appel incident de l'ORDRE DES AVOCATS A LA COUR DE PARIS :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le tribunal administratif de Paris, qui était saisi de conclusions tendant à l'annulation de la décision du préfet de police refusant, d'une part, la mise en place d'une permanence d'avocats et, d'autre part, l'installation d'un local adapté aux échanges confidentiels entre les avocats et les personnes placées en rétention et équipé d'une ligne de téléphone et d'un télécopieur, a omis de statuer sur ce dernier point ;
Que, par suite, le jugement du tribunal administratif de Paris du 21 juin 2000 doit être annulé en tant qu'il a omis de statuer sur les conclusions de l'ORDRE DES AVOCATS A LA COUR DE PARIS relatives à un local adapté et équipé ; qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer sur ces conclusions ;
Sur la recevabilité de la requête de l'ORDRE DES AVOCATS A LA COUR DE PARIS :
Considérant que, contrairement à ce que soutient le préfet de police, l'ORDRE DES AVOCATS A LA COUR DE PARIS a intérêt à demander l'annulation de la décision attaquée ; que le bâtonnier de cet ordre a qualité pour déférer cette décision au juge administratif ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant que les dispositions de l'ordonnance du 2 novembre 1945 impliquent que, pour permettre l'exercice de leurs droits par les personnes maintenues en rétention, et compte tenu notamment de la brièveté du délai de recours contentieux en matière de reconduite à la frontière, l'administration mette à la disposition des avocats un local permettant la confidentialité de leurs échanges avec les personnes en rétention et équipé des moyens adéquats pour faire usage des voies de recours ouvertes aux intéressés ;
Que, par suite, en refusant la mise à la disposition des avocats, au centre de rétention de Vincennes, d'un local adapté, répondant aux caractéristiques sollicitées par l'ORDRE DES AVOCATS A LA COUR DE PARIS, le préfet de police a méconnu les dispositions prises par le législateur pour garantir les droits des étrangers placés en rétention administrative ;
Que sa décision du 6 janvier 1999 doit, dans cette mesure, être annulée ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : "Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ;
Que la présente décision implique nécessairement que le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales installe, au centre de rétention de Vincennes, un local adapté, permettant des échanges confidentiels avec les étrangers placés en rétention, et équipé notamment d'une ligne téléphonique et d'un télécopieur ;
Qu'il y a lieu de lui enjoindre de procéder à cette installation dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser à l'ORDRE DES AVOCATS A LA COUR DE PARIS une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris en date du 3 avril 2001 est annulé en tant qu'il concerne les conclusions de l'appel incident de l'ORDRE DES AVOCATS A LA COUR DE PARIS.
Article 2 : Les articles 2 et 3 du jugement du tribunal administratif de Paris en date du 21 juin 2000 sont annulés.
Article 3 : La décision du préfet de police du 6 janvier 1999 est annulée en tant qu'elle refuse la mise en place au centre de Vincennes d'un local adapté et équipé pour les avocats.
Article 4 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales d'installer, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision, au centre de rétention de Vincennes, un local adapté, permettant notamment des échanges confidentiels entre les avocats et les étrangers placés en rétention, et équipé notamment d'une ligne téléphonique et d'un télécopieur.
CAA., 2001-III (Espèce II)
VU le recours, enregistré au greffe de la cour le 9 août 2000, présenté par le ministre de l'intérieur, ... ; le ministre de l'intérieur demande à la cour :
1) d'ordonner le sursis à exécution puis d'annuler le jugement n 9906094/4 en date du 21 juin 2000, par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du préfet de police de Paris du 6 janvier 1999 rejetant le recours gracieux formé par le conseil de l'ordre des avocats à la cour de Paris contre la décision du 18 août 1998 refusant la mise en place d'une permanence d'avocats au sein du centre de rétention administrative de Vincennes ;
2) de rejeter la demande de première instance du conseil de l'ordre des avocats à la cour de Paris ;
(...)
Sur la légalité de la décision du préfet de police de Paris du 6 janvier 1999 :
Considérant que le ministre de l'intérieur demande à la cour d'annuler le jugement du 21 juin 2000, par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du préfet de police de Paris du 6 janvier 1999 refusant l'instauration d'une permanence du conseil de l'ordre des avocats à la cour de Paris au sein du centre de rétention administrative de Vincennes ;
Considérant qu'aux termes de l'article 35 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, dans sa rédaction issue de la loi n 98-349 du 11 mai 1998 : "Peut être maintenu, s'il y a nécessité, par décision écrite motivée du représentant de l'Etat dans le département, dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pendant le temps strictement nécessaire à son départ, l'étranger ...
Le procureur de la République en est immédiatement informé. L'étranger est immédiatement informé de ses droits par l'intermédiaire d'un interprète s'il ne connaît pas la langue française. L'intéressé est maintenu à la disposition de la police, pendant le temps strictement nécessaire à la tenue de l'audience et au prononcé de l'ordonnance.
Quand un délai de quarante-huit heures s'est écoulé depuis la décision de maintien, le président du tribunal de grande instance ou un magistrat du siège délégué par lui est saisi il lui appartient de statuer par ordonnance, après audition du représentant de l'administration, si celui-ci dûment convoqué est présent, et de l'intéressé en présence de son conseil, s'il en a un, ou ledit conseil dûment averti ...
Il est tenu, dans tous les locaux recevant des personnes maintenues au titre du présent article, un registre mentionnant l'état civil de ces personnes ainsi que les conditions de leur maintien. Pendant toute la durée du maintien, le procureur de la République peut se transporter sur les lieux, vérifier les conditions du maintien et se faire communiquer le registre prévu à l'alinéa précédent.
Dès le début du maintien, l'intéressé peut demander l'assistance d'un interprète, d'un médecin, d'un conseil et peut, s'il le désire, communiquer avec son consulat et avec une personne de son choix ;
Il en est informé au moment de la notification de la décision de maintien ; mention en est faite sur le registre prévu ci-dessus émargé par l'intéressé. Il peut le cas échéant bénéficier de l'aide juridictionnelle ..." ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions, éclairées par l'analyse des travaux préparatoires de la loi, que la personne faisant l'objet d'une telle mesure doit, dès la notification de son placement en rétention administrative, être immédiatement mise en mesure de pouvoir solliciter l'intervention de l'avocat de son choix, dans des conditions lui permettant de respecter les délais de recours contentieux contre les décisions dont elle est l'objet ;
Que sauf circonstance insurmontable, cet avocat doit pouvoir à tout moment, accéder sur demande de son client à un local mis à sa disposition par le centre de rétention, de nature à garantir la confidentialité des entretiens menés avec la personne retenue ;
Considérant que si la mise en oeuvre de ce droit à l'assistance d'un conseil peut, avec l'accord des autorités administratives compétentes, prendre la forme d'une permanence d'avocats située au sein des centres de rétention, ni l'article 35 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, ni aucune autre disposition, n'imposent de telles modalités ;
Que c'est donc à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur ce motif pour annuler la décision litigieuse du 6 janvier 1999 ;
Considérant toutefois qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par le conseil de l'ordre des avocats à la cour de Paris devant le tribunal administratif de Paris ;
Considérant en premier lieu, que si le préfet a sollicité l'avis du ministre de l'intérieur avant d'édicter son refus, les moyens tirés de ce que ladite décision émanerait dudit ministre et qu'elle se bornerait à se référer à cet avis, manquent en fait ;
Considérant en second lieu, que la circonstance que le préfet a consulté le ministre de l'intérieur alors qu'aucune disposition ne le lui imposait, n'est pas constitutive d'un vice de procédure ;
Considérant en troisième lieu, que le refus d'autoriser l'instauration d'une permanence d'avocats au centre de rétention administrative de Vincennes n'est pas contraire à l'exigence de respect du principe des droits de la défense ;
Considérant enfin, que si le conseil de l'ordre des avocats à la cour de Paris souligne l'insuffisance, à la date de la décision attaquée, des moyens accordés au centre de rétention administrative de Vincennes en vue d'assurer le droit à l'assistance d'un conseil dans des conditions garantissant la confidentialité des échanges, le seul refus administratif contesté d'autoriser l'installation d'une permanence d'avocats au centre de rétention des étrangers de Vincennes, n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision contestée du 6 janvier 1999 ;
Sur la demande d'injonction présentée dans le cadre d'un appel incident par le conseil de l'ordre des avocats à la cour de Paris :
Considérant qu'aux termes de l'article L.911-1 du code de justice administrative : "Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution." ;
Considérant que dans le dernier état de ses écritures, le conseil de l'ordre des avocats à la cour de Paris demande d'enjoindre au ministre de l'intérieur de permettre l'accès des avocats désignés par le bâtonnier aux locaux prévus à cet effet, sans avoir à justifier d'un rendez-vous pris préalablement avec un retenu, et de mettre à leur disposition une ligne téléphonique et une télécopie garantissant la confidentialité des documents expédiés ou reçus ;
Que l'arrêt de la cour, qui ne porte que sur la légalité de la décision du préfet de police de Paris du 6 janvier 1999 refusant l'instauration d'une permanence du conseil de l'ordre des avocats à la cour de Paris au sein du centre de rétention administrative de Vincennes, n'implique pas le prononcé de ces mesures ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris n 9906094/4 en date du 21 juin 2000 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par le conseil de l'ordre des avocats à la cour de Paris est rejetée.
Conseil d'Etat, 2003-VII (Espèce III)
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 18 juin 2002 et 18 octobre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le SYNDICAT DES AVOCATS DE FRANCE, dont le siège est ... ; le SYNDICAT DES AVOCATS DE FRANCE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision implicite par laquelle le Premier ministre a rejeté sa demande tendant à l'édiction de mesures réglementaires, notamment par voie de modification du décret n° 95-507 du 2 mai 1995, de nature à garantir les droits des personnes maintenues en zone d'attente en application de l'article 35 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ;
2°) d'enjoindre au Premier ministre de prendre ces dispositions dans un délai de deux mois à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
(...)
Considérant que l'autorité compétente, saisie d'une demande tendant à l'abrogation ou à la modification d'un règlement illégal, est tenue d'y déférer, soit que ce règlement ait été illégal dès la date de sa signature, soit que l'illégalité résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures à cette date ;
Que le SYNDICAT DES AVOCATS DE FRANCE a, par une lettre reçue le 19 février 2002, demandé au Premier ministre de prendre diverses mesures réglementaires, notamment par voie de modification du décret n° 95-507 du 2 mai 1995, de nature à garantir les droits des personnes maintenues en zone d'attente en application de l'article 35 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ;
Que le SYNDICAT DES AVOCATS DE FRANCE demande l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite de rejet de cette demande ;
Considérant qu'aux termes de l'article 35 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée :
I- L'étranger qui arrive en France par la voie ferroviaire, maritime ou aérienne et qui soit n'est pas autorisé à entrer sur le territoire français, soit demande son admission au titre de l'asile, peut être maintenu dans une zone d'attente située dans une gare ferroviaire ouverte au trafic international et désignée par arrêté, un port ou un aéroport pendant le temps strictement nécessaire à son départ et, s'il est demandeur d'asile, à un examen tendant à déterminer si sa demande n'est pas manifestement infondée.
Il est immédiatement informé de ses droits et de ses devoirs, s'il y a lieu par l'intermédiaire d'un interprète. Mention en est faite sur le registre mentionné ci-dessous, qui est émargé par l'intéressé./ (...)
II- Le maintien en zone d'attente est prononcé pour une durée qui ne peut excéder quarante-huit heures par une décision écrite et motivée du chef du service de contrôle aux frontières (...). Cette décision est inscrite sur un registre mentionnant l'état civil de l'intéressé et la date et l'heure auxquelles la décision de maintien lui a été notifiée. (...).
Elle peut être renouvelée dans les mêmes conditions et pour la même durée. / L'étranger est libre de quitter à tout moment la zone d'attente pour toute destination située hors de France. Il peut demander l'assistance d'un interprète et d'un médecin et communiquer avec un conseil ou toute personne de son choix. (...)
V- Pendant toute la durée du maintien en zone d'attente, l'étranger dispose des droits qui lui sont reconnus au deuxième alinéa du II (...).
Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'accès du délégué du haut-commissariat des Nations-Unies pour les réfugiés ou de ses représentants ainsi que des associations humanitaires à la zone d'attente ;
Sur les conclusions relatives à l'accès des associations humanitaires :
Considérant que, compte tenu du rôle d'observateur dévolu aux associations humanitaires et des nécessités du fonctionnement de la zone d'attente, le Premier ministre a pu légalement limiter, par le décret du 2 mai 1995, les conditions dans lesquelles elles peuvent accéder à ces zones d'attente ;
Que, par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de ces conclusions, le SYNDICAT DES AVOCATS DE FRANCE n'est pas fondé à soutenir que le Premier ministre ne pouvait légalement refuser de compléter ce décret pour prévoir notamment des conditions d'accès plus souples et concernant l'ensemble des espaces composant les zones ;
Sur les conclusions relatives à l'accès des avocats :
En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales :
Considérant que le SYNDICAT DES AVOCATS DE FRANCE justifie d'un intérêt à demander l'annulation pour excès de pouvoir de la décision de rejet de sa demande tendant à l'édiction de mesures réglementaires relatives aux conditions dans lesquelles les étrangers maintenus en zone d'attente peuvent bénéficier du concours d'un avocat ;
En ce qui concerne la légalité de la décision attaquée :
Considérant que si le législateur a prévu que la faculté de communiquer avec un conseil doit s'exercer pendant toute la durée du maintien en zone d'attente , cette disposition implique seulement que les personnes dans cette situation puissent demander l'assistance d'un conseil, sans qu'il soit nécessaire qu'un avocat soit, grâce à une permanence sur place, accessible à tout moment ;
Que, par suite, le SYNDICAT DES AVOCATS DE FRANCE n'est pas fondé à soutenir que le refus de prendre les mesures réglementaires imposant une telle permanence dans chaque zone d'attente procéderait d'une inexacte application des dispositions de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ;
Considérant que, contrairement à ce que soutient le syndicat requérant, la circonstance que les avocats seraient soumis à un contrôle de sécurité à l'entrée des zones d'attente ne porte atteinte ni à la dignité de leur profession ni au secret professionnel ; que l'absence de dispositions réglementaires sur ce point n'est pas entachée d'illégalité ;
Considérant, toutefois, que les dispositions précitées de l'ordonnance du 2 novembre 1945 impliquent que, pour permettre l'exercice de leurs droits par les personnes maintenues en zone d'attente et compte tenu notamment des délais dans lesquels les recours contentieux peuvent être formés par elles, l'administration prenne toutes dispositions, de nature notamment réglementaire, pour que l'exercice de ces droits soit effectif et pour que les règles applicables à cet égard dans les zones d'attente soient identiques sur l'ensemble du territoire ;
Que si, en application de l'article 35 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le décret n° 95-507 du 2 mai 1995 détermine les conditions d'accès du délégué du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés ainsi que des associations humanitaires aux zones d'attente, il appartenait également à l'autorité investie du pouvoir réglementaire de prendre des dispositions afin que les avocats et les interprètes puissent, d'une part, accéder aux zones d'attente à tout moment, lorsqu'un étranger en formule la demande en application des dispositions du second alinéa du II de l'article 35 quater précité et,
D'autre part, bénéficier de conditions de travail adéquates pour, notamment, être en mesure de s'entretenir de manière confidentielle avec la personne placée en zone d'attente et faire usage des voies de recours qui lui sont ouvertes ; qu'il ressort d'ailleurs des pièces du dossier que le règlement intérieur applicable dans certaines zones d'attente prévoit que les avocats n'ont accès à ces zones qu'à certaines heures ;
Que, par suite, en refusant de prendre les dispositions nécessaires pour, d'une part, permettre aux avocats et aux interprètes d'accéder à tout moment aux zones d'attente lorsqu'un étranger en formule la demande et, d'autre part, prévoir que, dans chaque zone d'attente, sera installé un local adapté permettant la confidentialité des échanges et équipé notamment d'une ligne téléphonique et d'un télécopieur, l'autorité investie du pouvoir réglementaire a méconnu les exigences résultant de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ; que la décision attaquée doit, dans cette seule mesure, être annulée ;
Sur les conclusions à fins d'injonction :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ;
Que la présente décision implique nécessairement que l'autorité investie du pouvoir réglementaire prenne les dispositions qu'implique l'annulation partielle de la décision attaquée ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner l'Etat, qui est la partie perdante dans la présente instance, à verser au SYNDICAT DES AVOCATS DE FRANCE une somme de 2 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Décide :
Article 1er : La décision de refus de l'autorité investie du pouvoir réglementaire de prendre les dispositions nécessaires pour, d'une part, permettre aux avocats et aux interprètes d'accéder à tout moment aux zones d'attente lorsqu'un étranger maintenu en formule la demande et, d'autre part, prévoir que, dans chaque zone d'attente, sera installé un local adapté permettant la confidentialité des échanges et équipé notamment d'une ligne téléphonique et d'un télécopieur est annulée.
(...)
Votre bien dévoué
Maître Amadou TALL
Avocat au Barreau de la Seine Saint Denis
Avocat à la Cour d'Appel de Paris
Avocat spécialisé en droit des étrangers,
du droit du regroupement familial, du visa,
du changement de statut des étudiants
Téléphone : 06 11 24 17 52
Depuis l'étranger : Téléphone : 00 336 11 24 17 52
E-mail : amadoutall4@gmail.com
Pas de contribution, soyez le premier