Un arrêt (de début juillet 08) de la CEDH a laissé les magistrats du parquet songeurs voire inquiets quand il estime, au détour d'une affaire de trafic de drogue, que " le procureur de la République n'est pas une autorité judiciaire au sens que la jurisprudence de la Cour donne à cette notion : il lui manque en particulier l'indépendance à l'égard du pouvoir politique pour pouvoir ainsi être qualifié."

C'est la première prise de position de l'instance juridictionnelle sur le parquet français.

Les évènements récents (de la faute de frappe : la libération du violeur) ont-ils conforté cette assertion ? En effet, selon le Monde du 26 courant, le Président de la République a demandé, de Chine, à la justice de rectifier son erreur, dans l'affaire du violeur libéré. Cette demande présidentielle, précise Le Monde, est officiellement passée par l'intermédiaire de la ministre de la justice.

En France, les procureurs sont soumis à l'autorité du Garde des Sceaux, et de nombreuses instructions orales leur seraient délivrées. Or le Conseil constitutionnel rappelle souvent que les procureurs de la République, "garants des libertés publiques" sont, tout comme les juges, membres du corps judiciaire et bénéficient, à la différence des préfets, d'une indépendance.

Or, depuis 2002, la volonté affichée - les évènements récents en attestent - de la chancellerie d'une reprise en main sur ses procureurs nourrit bien des débats dans l'institution.

La France a porté l'affaire devant la grande chambre de la CEDH. Le ministère de la justice, par la voix de son secrétaire général, avait rappelé, mi-octobre, que le gouvernement défendrait le statut français. Ce qui irait à l'encontre de la position du Conseil constitutionnel et de la Cour de cassation rappelant de concert que le parquet était une autorité judiciaire.

Ainsi, selon un ancien conseiller de Lionel Jospin à Matignon, "il ne faut pas étonner que la de la CEDH mentionne le manque d'indépendance du parquet français après les affirmations des gardes des sceaux depuis 2002 et surtout de l'actuelle garde des sceaux qui se présente comme chef des procureurs. " Et le même conseiller de conclure en affirmant que " si l'arrêt est confirmé par la grande chambre (de la CEDH), cela ruinerait l'édifice construit par le Conseil constitutionnel depuis 1993" ; en espérant que, là, l'attention nécessaire sera portée sur les préfixes (in et con) dans infirmer et confirmer.

A lire dans les derniers Monde et notamment des 23 et 26 octobre 08