Une demande de reconnaissance de la qualité de réfugié formulée plus d'un an après son entrée sur le territoire français ne saurait, comme seule circonstance, permettre de faire regarder cette demande d'asile comme dilatoire....

Le Conseil d'Etat le réaffirme souvent.

"La seule circonstance, (...), que le requérant n'avait pas demandé la reconnaissance de la qualité de réfugié dès son entrée sur le territoire français, mais avait attendu un an et un mois pour formuler cette demande, ne saurait permettre de regarder cette demande comme présentant un caractère dilatoire ; (...) l'intéressé, qui l'a formée spontanément, n'étant l'objet d'aucune mesure d'éloignement à laquelle sa demande aurait eu pour objet de faire échec"(...) ;

Cette même circonstance ne suffit pas à elle seule, (...), à faire regarder cette dernière comme présentant le caractère d'un recours abusif aux procédures d'asile".

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Vu la requête, enregistrée le 20 août 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PRÉFET ; le PRÉFET demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 13 juillet 2001 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Bordeaux a annulé son arrêté du 5 juillet 2001 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X et la décision du même jour fixant le pays à destination duquel ce dernier doit être reconduit ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant ce tribunal ;

(...)

Vu la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié ;

Vu la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 modifiée ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

(...)

Considérant qu'aux termes de l'article 31 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : Tout étranger présent sur le territoire français qui, n'étant pas déjà admis à séjourner en France sous couvert d'un des titres de séjour prévus par la présente ordonnance ou les conventions internationales, demande à séjourner en France au titre de l'asile, présente cette demande dans les conditions fixées à l'article 10 de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 précitée ; qu'aux termes de l'article 10 de ladite loi, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : L'examen de la demande d'amission au titre de l'asile présentée à l'intérieur du territoire français relève du représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, du préfet de police (...). L'admission en France d'un demandeur d'asile ne peut être refusée que si (...) 2° le demandeur d'asile a la nationalité d'un pays pour lequel ont été mises en oeuvre les dispositions de l'article 1er C5 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 précitée ; 3° La présence en France d'un étranger constitue une menace grave pour l'ordre public ; 4° La demande d'asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente (...) ; qu'aux termes du second alinéa de l'article 12 de la même loi : L'étranger présent sur le territoire dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visés aux 2° à 4° de l'article 10 bénéficie du droit à se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet. En conséquence, aucune mesure d'éloignement mentionnée aux articles 19, 22, 23 ou 26 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée ne peut être mise à exécution avant la décision de l'office. En cas de reconnaissance de la qualité de réfugié, le préfet abroge l'arrêté de reconduite à la frontière qui a, le cas échéant, été pris. Il délivre sans délai la carte de résident prévue au 10° de l'article 15 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 précitée ;

Considérant que M. X, ressortissant algérien, est entré en France le 6 mai 2000 muni d'un visa de court séjour ; qu'il s'est, spontanément, présenté devant les service de la préfecture de la G., le 20 juin 2001 pour entreprendre les démarches lui permettant de bénéficier de l'asile en raison des persécutions dont il avait été victime dans son pays ; que l'office français de protection des réfugiés et apatrides, saisi en procédure prioritaire par le préfet, a rejeté cette demande le 28 juin 2001 ; que le PRÉFET a pris, en date du 5 juillet 2001, un arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière, sur le fondement des dispositions du 4° de l'article 10 de la loi du 25 juillet 1952 ;

Considérant que, d'une part, la seule circonstance, invoquée par le préfet, que le requérant n'avait pas demandé la reconnaissance de la qualité de réfugié dès son entrée sur le territoire français, mais avait attendu un an et un mois pour formuler cette demande, ne saurait permettre de regarder cette demande comme présentant un caractère dilatoire ; que l'intéressé, qui l'a formée spontanément, n'était l'objet d'aucune mesure d'éloignement à laquelle sa demande aurait eu pour objet de faire échec ; que, d'autre part, cette même circonstance ne suffit pas à elle seule, alors que l'intéressé faisait valoir les difficultés rencontrées pour réunir les attestations et éléments de preuve qu'il a produits à l'appui de sa demande, à faire regarder cette dernière comme présentant le caractère d'un recours abusif aux procédures d'asile ; qu'il résulte des dispositions combinées des articles 10 et 12 précités de la loi du 25 juillet 1952 que, dès lors que la demande d'asile déposée par M. X ne pouvait, en tout état de cause, être regardée comme présentant un caractère dilatoire et qu'il n'est pas établi qu'elle ait, en l'espèce, revêtu un caractère abusif, le PRÉFET ne pouvait prendre à l'encontre de l'intéressé une mesure ordonnant sa reconduite à la frontière ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'arrêté du 5 juillet 2001 du PRÉFET est intervenu en méconnaissance des dispositions précitées de l'article 10 , alors en vigueur, de la loi du 25 juillet 1952 ; que, par suite, LE PRÉFET n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Bordeaux a annulé son arrêté du 5 juillet 2001 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X :

Sur les conclusions à fin d'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présentées par M. X :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. X de la somme de 1 000 euros qu'il demande au titre des frais engagés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête du PRÉFET est rejetée.

(...)

CE., 15/01/05

Maître Amadou TALL

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