Le recours pour excès de pouvoir est le procès fait à un acte (et non à une personne) dans l’intérêt général en vue d’obtenir son annulation ; il tend à la sanction d’une règle de droit et non à la reconnaissance d’un droit subjectif. Par ailleurs, l’acte attaqué doit être un acte unilatéral d’une autorité administrative française constituant une décision faisant grief, qui peut être expresse ou tacite. Pour préparer votre recours, vous devez d’abord examiner la légalité externe (forme) de la décision que vous attaquez et ensuite sa légalité interne (le fond). Il est important de rappeler que le recours pour excès de pouvoir repose sur deux causes juridiques distinctes de légalité externe et de légalité interne. Il est donc vivement recommandé de soulever dans le délai de recours contentieux de deux mois, au moins un moyen relevant de la légalité externe (défaut de motivation ou incompétence de l’auteur de l’acte par exemple) et au moins un moyen relevant de la légalité interne (erreur de droit ou manifeste d’appréciation par exemple). Dans le cas contraire, passé ce délai, il ne plus possible de soulever de nouveaux moyens, que vous découvririez ultérieurement par exemple lors de la production du mémoire en défense de l’administration, relevant de l’une ou de l’autre cause juridique. (Conseil d’Etat, Section, 20 février 1953, Société Intercopie, Rec. p. 88).
AVANT DE COMMENCER : bien vérifier les conditions de recevabilité de votre requête.
- Le recours doit être formé dans le délai de deux mois à compter de la réception de la décision que vous attaquez.
En principe, le requérant dispose d’un délai de deux mois pour contester une décision administrative, à compter de la notification ou de la publication de cette décision (art. R.421-1 du Code de justice administrative).
Article R.421-1 du code de justice administrative : « Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. »
Le requérant dispose du même délai de deux mois pour agir contre une décision implicite de rejet résultant du silence gardé pendant plus de deux mois par l’administration à la suite d’une demande préalable.
Toutefois, lorsqu’une décision explicite de rejet intervient dans ce délai, elle fait à nouveau courir le délai (article R.421-2 du Code de justice administrative).
Article R.421-2 du code de justice administrative : « Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, dans les cas où le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l'intéressé dispose, pour former un recours, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet. Toutefois, lorsqu'une décision explicite de rejet intervient avant l'expiration de cette période, elle fait à nouveau courir le délai de recours. »
La date du dépôt de la demande à l'administration, constatée par tous moyens, doit être établie à l'appui de la requête.
Cependant, certaines requêtes peuvent être déposées à tout moment. On peut en citer quelques exemples.
Ainsi, aucun délai ne s’impose au justiciable lorsque le silence de l’administration fait naître une décision qui ne pouvait être prise que par ou sur avis conforme d’une assemblée locale ou de tout autre organisme collégial (art. R.421-3 du Code de justice administrative).
Article R.421-3 du code de justice administrative : « Toutefois, l'intéressé n'est forclos qu'après un délai de deux mois à compter du jour de la notification d'une décision expresse de rejet :
- La décision attaquée doit vous faire grief.
Seules sont susceptibles de recours pour excès de pouvoir les décisions faisant « grief », c’est-à-dire celles qui modifient l’ordonnancement juridique, autrement dit, qui produisent des effets sur les droits et obligations des administrés.
Par conséquent, ne sont pas contestables devant le juge administratif les mesures qui ne font pas grief, c’est à dire qui ne créent pas de droits, tels que les voeux, les avis (CE, 2 octobre 2002, Mme Mazel), les propositions de l’administration ou les réponses ministérielles.
Sont aussi exclues les simples décisions destinées à assurer le déclenchement ou le déroulement d’une procédure.
Cela comprend les actes préparatoires, mais aussi les actes pris à la suite d’une décision (actes de publicité, notification…).
Sont également insusceptibles de recours les circulaires non impératives. Abandonnant la distinction traditionnelle entre circulaires interprétatives et circulaires réglementaires issue de la jurisprudence Institution Notre-Dame du Kreisker (CE, Ass., 29 janvier 1954), le Conseil d’État a fixé, dans sa décision Mme Duvignères (CE, Sect., 18 décembre 2002) un nouveau critère de recevabilité du recours pour excès de pouvoir dirigé contre une circulaire.
- Vous devez avoir un intérêt personnel à agir contre la décision.
L’intérêt doit être personnel, en ce sens que le requérant doit être concerné personnellement par la décision qu’il conteste, parce que son application serait de nature à modifier sa situation.
Cela fait donc obstacle à ce qu’une personne agisse sans mandat pour le compte d’une autre et cela s’oppose surtout à ce que les recours soient exercés uniquement pour la défense de la légalité de façon générale (à propos d’un intérêt trop général pour donner qualité pour agir : CE, 29 septembre 2003, M. et Mme Jolivet).
L’intérêt doit aussi être direct, ce qui signifie que le grief doit émaner directement de l’acte incriminé, de même que cet intérêt doit être certain, ce qui suppose l’existence d’un grief, en principe, né et actuel. La jurisprudence admet toutefois l’intérêt éventuel, s’il est hautement probable.
L’intérêt doit être légitime et conforme aux principes juridiques, ce qui suppose que serait irrecevable un recours exercé pour la sauvegarde d’une situation irrégulière ou immorale.
L’intérêt peut enfin être matériel ou purement moral, c’est-à-dire établit en dehors de toute requête visant à une satisfaction d’ordre patrimoniale.
Il suffit donc, pour qu’il y ait intérêt à agir, que l’acte influe sur les intérêts matériels ou moraux du requérant et qu’il y ait un lien direct entre l’acte et la qualité dont le requérant se prévaut pour agir.
Les conditions de recvabilité étant remplies, vous pouvez commencer l'analyse juridique approfondie du dossier en examinant d'abord les moyens touchant à la légalité externe (forme) de la décision et ensuite ceux touchant à sa légalité interne (fond).
PREMIERE ETAPE : L’EXAMEN DES MOYENS TOUCHANT A LA LEGALITE EXTERNE DE LA DECISION ATTAQUEE.
a) Le vice d’incompétence de l’auteur de la décision attaquée.
- En raison de la matière (ratione materiae) : le président de l’université au lieu du ministre, le N+2 au lieu du N+1 pour un entretien d’évaluation…
- En raison du lieu (ratione loci) : le préfet du Var au lieu du préfet des Alpes Maritimes, le maire de Villejuif au lieu de celui de Chevilly Larue …
- En raison du moment (ratione temporis) : le délai, la délégation, la non rétroactivité …
Le moyen d’incompétence doit-être soulevé d’office par le juge et par les parties à tout moment de l’instruction du dossier jusqu’à la clôture.
Le moyen d’incompétence peut être automatiquement soulevé par le juge administratif malgré la règle de l' « ultra petita » même si le requérant ne l'a pas invoqué. (Conseil d’Etat, 15 juillet 2004, Chabaud ) ou qui peut être soulevé par le requérant après l'expiration du délai de recours contentieux ou qui peut être soulevé pour la première fois en appel.
L'incompétence de l'autorité signataire d'une décision administrative ou le défaut d'avis conforme ou de consultation de certains organismes sont des moyens d'ordre public.
Le juge communique les moyens d'ordre public soulevés aux parties et leur fixe un délai pour y répondre. (Article R.611-7 du code de justice administrative).
a) Les vices de forme de la décision attaquée.
L’examen de la forme de l’acte dépend de son caractère écrit, verbal ou implicite.
Lorsqu’un acte doit être écrit, il doit comporter notamment, au minimum, la signature de son ou de ses auteurs (niveau de précision).
En outre, les décisions individuelles défavorables à leur destinataire ou dérogatoires au sens de la loi du 11 juillet 1979 doivent en principe être motivées.
L’absence de toute mention des motifs de droit et de fait fondant l’acte s’apparente alors à un vice de forme.
b) Les vices de procédure : consiste à utiliser une procédure dans un but autre que celui pour lequel elle a été instituée (par exemple une sanction déguisée ayant l’apparence d’une décision prise dans l’intérêt du service comme la mutation d’office d’un agent, ou le défaut de consultation, la composition irrégulière de l’instance consultée, un délai insuffisant laissé à l’intéressé pour prendre connaissance du dossier ou préparer ses observations, etc…
Les vices de procédure substantiels entraînent généralement sous conditions (Conseil d’Etat, Assemblée, Danthony, 23 décembre 2011, n° 335033) l’annulation de l’acte et les vices non substantiels ne présentent pas une gravité suffisante pour entraîner l’annulation de l’acte.
2) DEUXIEME ETAPE : L’EXAMEN DES MOYENS TOUCHANT A LA LEGALITE INTERNE DE LA DECISION ATTAQUEE.
21 - Le contrôle du contenu de l’acte: la violation directe de la loi.
C'est la confrontation du contenu de l’acte dont il est demandé l’annulation avec les règles juridiques supérieures à cet acte.
22 - Le contrôle des mobiles de l’auteur de l’acte : le détournement de pouvoir.
Il s’agit de vérifier que l’auteur de l’acte dont il est demandé l’annulation, acte qui a toute les apparences de la légalité, n’a pas utilisé ses pouvoirs dans un but autre de celui pour lesquels ils lui ont été conférés. (Conseil d’Etat, Parizet, 26 novembre 1875, Rec. p.934, conclusions David.).
Le détournement de procédure est généralement considéré comme une illégalité externe, rattachée au vice de procédure (voir ci-dessus) ou bien comme une illégalité interne rattachée au détournement de pouvoir. (Vous avez le choix).
23 - Le contrôle des motifs de l’acte
Il consiste à rechercher la cause de l’acte, c’est-à-dire la raison pour laquelle il a été pris au regard de éléments qu’il contient.
Si les motifs n’apparaissent pas clairement dans l’acte, le juge pourra ordonner un supplément d’instruction en demandant à l’administration de préciser.
Si l’administration ne répond pas, le juge présumera exacts les motifs allégués par le requérant. (Conseil d’Etat, Assemblée, Barel et autres, 28 mai 1954).
a) L’erreur de droit : elle peut résulter d’un détournement de procédure (illégalité externe) ou d’un défaut de base légale ( Conseil d’Etat, Assemblée, Barel et autres, 28 mai 1954) – le ministre chargé d’arrêter la liste des candidats admis à se présenter au concours d’entrée à l’Ecole Nationale d’Administration a cru pouvoir établir des discriminations en preant en compte les opinions politiques de certains d’entre eux).
b) L’erreur de droit pour incompétence négative : une autorité administrative méconnait l’étendue de sa compétence en se croyant tenu de prendre une décision dans un sens donné (compétence liée) alors qu’elle dispose d’un pouvoir discrétionnaire. (Par exemple en droit de la fonction publique à la suite de l’avis d’un comité médical, d’une commission de réforme ou d’un conseil de discipline). Conseil d’Etat, 20 juin 2003, n° 248242).
c) L’erreur de fait : les faits qui servent de fondement à la décision erronés. (Conseil d’Etat, 14 janvier 1916, Camino, Rec. p. 15, conclusions Corneille - un maire avait été révoqué au motif qu’il n’aurait pas veillé à la décence d’un convoi funèbre, ce qui s’est avéré matériellement inexact.)
Très important : les faits sont considérés comme définitivement établis devant les juges du fond et non susceptibles d’être reconsidérés en cassation.
d) L’erreur de qualification juridique des faits en cas de compétence liée de l’autorité administrative : l’administration décide d’appliquer une règle de droit déterminée aux faits de l’espèce. (Conseil d’Etat, 4 avril 1914, Gomel, rec. P. 488, S.1917, III, p. 25, note Hauriou – La place Beauvau à Paris ne pouvait être regardée comme présentant une perspective monumentale justifiant un refus de permis de construire un immeuble sur cette place.).
Le juge administratif vérifie que la décision prise est en rapport exact avec les faits.
e) L’erreur manifeste d’appréciation en cas de pouvoir discrétionnaire de l’autorité administrative : le juge administratif vérifie seulement l’absence d’une disproportion excessive entre les faits et la décision prise sur leur fondement.
Par exemple en matière disciplinaire, compte tenu de la gravité de faute commise par un agent public, la révocation est une sanction trop lourde.
Annulation du recrutement au tour extérieur d’un inspecteur général des bibliothèques du fait que le candidat ne possédait aucune expérience dans le domaine.
TROISIEME ETAPE : REDACTION ET MISE EN FORME DE LA REQUETE, COPIE DES PIECES A PRODUIRE ET REDACTION D'UN INVENTAIRE DES PIECES.
TRAMES A ADAPTER : requête intoductive - bordereau de pieces - lettre de transmission à la juridiction - lettre de notification de recours permis de construire : ICI ou LA
TRAME DE MEMOIRE EN DEFENSE : ICI
Pas de contribution, soyez le premier