Tout d’abord, l’administration qui entend opposer la tardiveté d’une requête doit être en mesure d’établir la preuve de la date de notification de la décision avec mention des voies et délais de recours au requérant. L’article R. 421-1 du code de justice administrative  dispose que, sauf en matière de travaux publics, la saisine d’une juridiction par voie de recours contre une décision doit intervenir dans un délai de droit commun de deux mois à compter, pour ce qui concerne les actes individuels explicites, de la notification de la décision. L’article R. 421-5 du même code précise que : « Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu’à la condition d’avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. »

Conseil d'Etat, du 23 juin 2000, 185478, inédit au recueil Lebon

« Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article R. 199-1 du livre des procédures fiscales : « L'action doit être introduite devant le tribunal compétent dans le délai de deux mois à partir du jour de la réception de l'avis par lequel l'administration notifie au contribuable la décision prise sur sa réclamation ... » ; qu'il incombe à l'administration, lorsqu'elle oppose une fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de l'action introduite devant un tribunal administratif, d'établir que le contribuable a reçu notification régulière de la décision prise sur sa réclamation ; qu'en cas de retour à l'administration du pli contenant la notification, cette preuve peut résulter soit des mentions précises, claires et concordantes portées sur l'enveloppe, soit, à défaut, d'une attestation de l'administration postale ou d'autres éléments de preuve établissant la délivrance par le préposé du service postal, conformément à la réglementation en vigueur, d'un avis d'instance prévenant le destinataire de ce que le pli était à sa disposition au bureau de poste ;  

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que pour établir que la notification à M. X... du rejet de sa réclamation a été régulièrement effectuée le 10 décembre 1990 et a donc fait courir à compter de cette date le délai de recours contentieux de deux mois, l'administration a produit une copie de l'enveloppe de réexpédition du pli contenant cette décision ; qu'en relevant qu'il ressort des mentions "claires et précises" portées sur cette enveloppe, envoyée à l'adresse exacte du destinataire, que celui-ci avait été avisé, par le dépôt à son domicile d'un avis de passage, de la mise en instance du pli recommandé avant le renvoi de ce dernier au service des impôts expéditeur, la cour administrative d'appel ne s'est pas fondée sur des faits matériellement inexacts et a porté sur la valeur probante des mentions figurant sur la pièce soumise à son examen et qu'elle n'a pas dénaturée, une appréciation qui n'est pas susceptible d'être discutée devant le juge de cassation ; qu'en déduisant des constatations qu'elle a ainsi souverainement opérées que la notification effectuée le 10 décembre 1990, dans les conditions sus indiquées, devait être regardée comme ayant fait courir le délai de recours contentieux, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ; 

Considérant, d'autre part, que si le requérant fait valoir que l'administration, ayant conclu en appel à la recevabilité de la demande de première instance de M. X..., avait ainsi acquiescé au fait allégué par lui d'un défaut de dépôt à son domicile de tout avis de mise en instance du pli litigieux, il n'en appartenait pas moins à la cour administrative d'appel, saisie de la question d'ordre public de la recevabilité de la demande de première instance au regard des délais de recours contentieux, de se prononcer en droit, au vu des mentions figurant sur la pièce précédemment versée au dossier par l'administration, sur l'effectivité de la notification opérée le 10 décembre 1990 ; que le moyen tiré de ce que la cour aurait commis une erreur de droit en jugeant que M. X... devait être réputé avoir reçu la notification opérée le 10 décembre 1990 alors que l'administration avait renoncé à s'en prévaloir, doit, par suite, être écarté ; Considérant, enfin, que si le requérant reproche à la cour d'avoir, en confirmant le jugement du tribunal administratif de Bordeaux rejetant sa demande comme tardive du seul fait qu'il n'aurait pas retiré à temps la lettre recommandée rejetant sa réclamation plus de trois ans après l'envoi de celle-ci, porté une atteinte excessive à ses droits patrimoniaux garantis par l'article 1 du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et méconnu son droit, garanti par l'article 6 de la même convention, à faire juger par un tribunal sa contestation portant notamment sur de lourdes pénalités, ces moyens sont présentés pour la première fois en cassation ; que, n'étant pas d'ordre public, ils sont, par suite, irrecevables ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt du 19 novembre 1996 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation du jugement du 14 octobre 1993 du tribunal administratif de Bordeaux rejetant sa demande en décharge des compléments de taxe sur la valeur ajoutée ainsi que des pénalités y afférentes auxquels il a été assujetti au titre de la période du 1er janvier 1981 au 31 décembre 1984 ; »

1) – Les moyens de preuve opposables par l’administration.  

  • Des mentions précises, claires et concordantes portées sur l’enveloppe qui a servi à l’envoi postal,

  • Une attestation de l’administration postale ou de tout autre élément de preuve établissant la délivrance, par le facteur, d’un avis d’instance prévenant le destinataire de ce que le pli est à sa disposition au bureau de poste,

Conseil d'Etat, du 23 juin 2000, 185478, inédit au recueil Lebon

« Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article R. 199-1 du livre des procédures fiscales : « L'action doit être introduite devant le tribunal compétent dans le délai de deux mois à partir du jour de la réception de l'avis par lequel l'administration notifie au contribuable la décision prise sur sa réclamation ... » ; qu'il incombe à l'administration, lorsqu'elle oppose une fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de l'action introduite devant un tribunal administratif, d'établir que le contribuable a reçu notification régulière de la décision prise sur sa réclamation ; qu'en cas de retour à l'administration du pli contenant la notification, cette preuve peut résulter soit des mentions précises, claires et concordantes portées sur l'enveloppe, soit, à défaut, d'une attestation de l'administration postale ou d'autres éléments de preuve établissant la délivrance par le préposé du service postal, conformément à la réglementation en vigueur, d'un avis d'instance prévenant le destinataire de ce que le pli était à sa disposition au bureau de poste ; »

Conseil d'Etat, 5ème et 4ème sous-sections réunies, du 25 octobre 2006, 288105, inédit au recueil Lebon

« Considérant que, dans le cas où le pli contenant la décision attaquée, envoyé en recommandé avec avis de réception, a été retourné à la section des assurances sociales du Conseil régional de l'ordre des chirurgiens-dentistes avec la mention pli non réclamé, le délai de trente jours mentionné ci-dessus court de la date à laquelle l'intéressé doit être regardé comme ayant été régulièrement avisé que ce pli était à sa disposition au bureau de poste dont il relève ; que cette date résulte des mentions précises, claires et concordantes portées sur l'enveloppe et l'avis de réception retournés à l'expéditeur ou, à défaut, des attestations de l'administration postale ou de tout autre élément de preuve ; » 

Conseil d'État, 5ème sous-section jugeant seule, 02/07/2007, 303498, Inédit au recueil Lebon

« Considérant qu'il incombe à l'administration, lorsqu'elle oppose une fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de l'action introduite devant un tribunal administratif, d'établir que l'intéressé a régulièrement reçu notification de la décision ; qu'en cas de retour à l'administration du pli contenant la décision, cette preuve peut résulter soit des mentions précises, claires et concordantes portées sur l'enveloppe, soit, à défaut, d'une attestation de l'administration postale ou d'autres éléments de preuve établissant la délivrance par le préposé du service postal, conformément à la réglementation en vigueur, d'un avis d'instance prévenant le destinataire de ce que le pli était à sa disposition au bureau de poste ; qu'il résulte des pièces du dossier soumis au juge des référés qu'une telle preuve a été suffisamment apportée par la production de l'avis de réception précisant le 13 octobre 2006 comme date de présentation du pli envoyé par le fichier national du permis de conduire ; que, par suite, M. A s'étant abstenu d'aller le retirer au bureau de poste dans le délai de 15 jours imparti pour ce faire, la notification de la décision litigieuse doit être réputée être intervenue le 13 octobre 2006, date de l'avis de passage ; que, par suite, le délai de deux mois durant lequel l'intéressé pouvait saisir le juge des référés d'une demande de suspension étant dépassé le 10 février 2007 lorsque M. A l'a saisi, sa demande n'était pas recevable ; que le juge des référés a commis par suite une erreur de droit en écartant la fin de non-recevoir du ministre du fait que la décision était produite sous la seule forme d'un pli fermé retourné à l'intéressé faute d'avoir été réclamé et qu'il n'était pas soutenu qu'elle mentionnait les voies et délais de recours ; que son ordonnance du 21 février 2007 doit, pour ce motif, être annulée ; »   

2 – Mais l’administration peut aussi faire notifier sa décision par huissier ou par remise à main propre contre récépissé  par l’un de ses agents.

Conseil d'Etat, 2 / 6 SSR, du 28 janvier 1998, 139436, mentionné aux tables du recueil Lebon

« Il résulte des dispositions de l'article 29 du décret du 21 novembre 1980 que la décision du maire refusant d'autoriser l'installation d'une enseigne lumineuse doit être notifiée au pétitionnaire dans les deux mois à compter de la date à laquelle le dossier de celui-ci est regardé comme complet, par pli recommandé avec demande d'avis de réception ou par tout autre procédé présentant des garanties équivalentes. La notification accomplie par les soins d'un agent de l'administration municipale à l'adresse indiquée par la société présente des garanties équivalentes à celles exigées par le décret du 21 novembre 1980. »  

3 – Conséquences si le destinataire de la décision est absent de son domicile le jour du passage du facteur.

Le préposé de La Poste déposera dans la boîte aux lettres un avis de mise en instance indiquant le délai pendant lequel le pli peut être retiré au bureau de poste (généralement quinze jours).

  • Si le pli est retiré avant l’expiration du délai de 15 jours : le délai de recours court du jour du retrait de la lettre au bureau de pote par le destinataire averti,

Conseil d'Etat, 9 / 7 SSR, du 21 novembre 1979, 12799, mentionné aux tables du recueil Lebon

« Le contribuable, absent de son domicile lors du passage du préposé des postes, se rend au bureau de poste dans le délai de quinze jours qui lui est imparti pour retirer le pli recommandé contenant le rejet de sa réclamation par le directeur : Le délai du recours contentieux ne commence à courir qu'à compter de la date à laquelle le pli est retiré à la poste. [N.B. : si, au contraire, l'intéressé ne va pas retirer le pli à la poste, le délai court à compter du premier avis postal : 29-11-78 n° 9058 et 12009 RJF 79, p. 34]. »  

Conseil d'Etat, 3 / 5 SSR, du 2 mai 1980, 18391, mentionné aux tables du recueil Lebon 

« Lorsqu'un pli est présenté au domicile du destinataire et que celui-ci est absent, un avis de passage est déposé. Si le destinataire vient retirer ce pli au guichet avant l'expiration du délai de 15 jours au terme duquel, conformément à la réglementation en vigueur du service des postes, tout objet chargé ou recommandé non distribué par suite de l'absence de son destinataire et non réclamé au guichet par ce dernier est renvoyé à son expéditeur, le délai de recours contentieux ne commence à courir qu'à compter de la date de retrait du pli. » 

  • si le pli n’est pas retiré à l’expiration du délai imparti, le délai contentieux court non pas à compter de cette date d’expiration, mais à compter de la date de la première présentation du pli par le facteur, assorti du dépôt de l’avis de mise en instance,

Conseil d'Etat, du 25 janvier 1967, 65323, publié au recueil Lebon

« Jugement rendu le 7 juillet 1964 envoyé au requérant par lettre recommandée mise à la poste le 15 juillet et présentée au domicile de l'intéressé le 16. A cette date, l'administration des postes a laissé au domicile de l'intéressé une note lui faisant connaître que ladite lettre serait tenue à sa disposition au bureau de poste pendant la période réglementaire. Délai ayant couru à compter de cette date, l'intéressé n'ayant donné aucune autre adresse ni à l'administration des postes ni au tribunal. Signification faite le 7 octobre 1964 par exploit d'huissier sans influence sur le cours du délai. » 

Conseil d'Etat, 3 SS, du 15 juin 1990, 78887, inédit au recueil Lebon  

« Décision de rejet d'une demande d'indemnité contenue dans une lettre recommandée avec accusé de réception présentée, en l'absence de l'intéressée, à l'adresse même qu'elle avait mentionnée dans sa demande. Conformément à la réglementation en vigueur, le préposé a remis le même jour un avis la prévenant de ce que le pli en question était tenu à sa disposition au bureau de poste. Le requérant n'alléguant pas avoir avisé soit l'autorité administrative à laquelle sa demande était adressée, soit l'administration des postes, de son changement d'adresse, la présentation faite à son domicile vaut notification et fait courir le délai de recours de deux mois à compter du jour de la notification d'une décision expresse de rejet prévu en matière de plein contentieux par l'article 1er du décret du 11 janvier 1965. Rejet. »

4 – Conséquences si le destinataire, pensant  à tord que sa signature vaut acquiescement, refuse de signer une remise en main propre d’une décision  mentionnant les voies et délais de recours, le délai de recours court au jour de la remise alors même que l'intéressé a refusé  de signer.

  • Si le destinataire refuse d’apposer sa signature lors de la remise en mains propres d’une décision administrative mentionnant les voies et délais de recours et que ce refus de signer est indiqué sur le document qui lui est présenté, la notification est réputée faite à la date de ce refus, la mention du refus de signer de l’agent faisant foi jusqu’à preuve contraire.

Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 25/03/2013, 352586  

« Arrêté remis en mains propres par l'administration à son destinataire, lequel a refusé de signer. , Le délai de recours contentieux contre cet acte, lequel comportait l'indication des voies et délais de recours, court à compter de cette notification, alors même que l'intéressé a refusé d'apposer sa signature. La mention sur l'exemplaire d'un acte administratif indiquant que l'intéressé s'est vu remettre cet acte en mains propres mais a refusé de signer la notification fait foi jusqu'à preuve contraire. »