OUI : il peut exister aussi une obligation de retrait  d’un acte inexistant insusceptible de créer de droit sans limitation de délai en cas de violation du principe d’inaliénabilité du domaine public. Dans un arrêt en date du 2 juin 2016, la Cour administrative d’appel de Douai a jugé qu’en vertu des principes d'inaliénabilité et d'imprescriptibilité du domaine public, une délibération du conseil municipal autorisant la cession d'un bien qui n'aurait pas été préalablement déclassé, ne saurait conférer un droit acquis à cette cession. L’autorité communale a l'obligation de retirer à tout moment une telle délibération. En outre, un contrat de cession d'un bien appartenant au domaine public revêtirait un caractère illicite.

Les actes nuls et non avenus sont des actes inexistants insusceptibles de créer des droits acquis au profit de leur destinataire. Ils sont affectés d'une telle illégalité qu’ils doivent être regardés comme inexistants, ce qui permet de les contester devant le juge administratif de l'excès de pouvoir à tout moment, même lorsque le délai de recours contentieux est écoulé. Par exemple, ont été qualifiés d'actes inexistants, les nominations de fonctionnaires pour ordre, c'est-à-dire sans affectation réelle des intéressés dans des fonctions, ou des mesures prises après qu'un fonctionnaire ait été atteint par la limite d'âge ou l’acte de cession d’un bien appartenant au domaine public en méconnaissance du principe d’inaliénabilité.

1 - Conséquences juridiques :

Un acte inexistant est insusceptible de créer des droits acquis au profit de son destinataire ;

Un acte inexistant peut être retiré ou faire l’objet d’un recours sans condition de délai ;

L’inexistence d’un acte est d’ordre public ;

2 - La différence entre l’abrogation d’un acte et son retrait.

- Il existe une obligation d’abrogation d’un acte illégal non créateur de droit.

En général, lorsque l’administration est en présence d’un acte non créateur de droit illégal, elle à une obligation d’abrogation de l’acte (effet pour l’avenir). L’article L.243-2 du Code des relations entre le public et l'administration dispose que : « L'administration est tenue d'abroger expressément un acte réglementaire illégal ou dépourvu d'objet, que cette situation existe depuis son édiction ou qu'elle résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures, sauf à ce que l'illégalité ait cessé.
L'administration est tenue d'abroger expressément un acte non réglementaire non créateur de droits devenu illégal ou sans objet en raison de circonstances de droit ou de fait postérieures à son édiction, sauf à ce que l'illégalité ait cessé.
 »

Conseil d'Etat, Assemblée, du 3 février 1989, 74052, publié au recueil Lebon (Alitalia)

« (…) L'autorité compétente, saisie d'une demande tendant à l'abrogation d'un règlement illégal, est tenu d'y déférer, soit que ce règlement ait été illégal dès la date de sa signature, soit que l'illégalité résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures à cette date. En se fondant sur les dispositions de l'article 3 du décret du 28 novembre 1983 concernant les relations entre l'administration et les usagers, qui s'inspirent de ce principe, la Compagnie Alitalia a demandé le 2 août 1985 au Premier ministre d'abroger l'article 1er du décret n° 67-604 du 27 juillet 1967, codifié à l'article 230 de l'annexe II au CGI, et les articles 25 et 26 du décret n° 79-1163 du 29 décembre 1979, codifiés aux articles 236 et 238 de l'annexe II au CGI au motif que leurs dispositions, pour le premier, ne seraient plus, en tout ou partie, compatibles avec les objectifs définis par la sixième directive du conseil des Communautés européennes et, pour les seconds, seraient contraires à ces objectifs. Le Premier ministre n'ayant pas répondu à cette demande dans le délai de quatre mois, il en est résulté une décision implicite de rejet, que la Compagnie Alitalia a contesté pour excès de pouvoir dans le délai du recours contentieux. Il ressort clairement des stipulations de l'article 189 du traité du 25 mars 1957 que les directives du conseil des Communautés économiques européennes lient les Etats membres "quant au résultat à atteindre". Si, pour atteindre ce résultat, les autorités nationales qui sont tenues d'adapter leur législation et leur réglementation aux directives qui leur sont destinées, restent seules compétentes pour décider de la forme à donner à l'exécution de ces directives et pour fixer elles-mêmes, sous le contrôle des juridictions nationales, les moyens propres à leur faire produire leurs effets en droit interne, ces autorités ne peuvent légalement, après l'expiration des délais impartis, ni laisser subsister des dispositions réglementaires qui ne seraient plus compatibles avec les objectifs définis par les directives dont s'agit, ni édicter des dispositions réglementaires qui seraient contraires à ces objectifs. La décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le Premier ministre sur la demande présentée par la Compagnie Alitalia est illégale en tant que cette décision refuse l'abrogation de l'article 1er du décret du 27 juillet 1967 en ce qu'il exclut tout droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les biens et services qui ont fait l'objet d'une affectation seulement partielle à l'exploitation, de l'article 25 du décret du 29 décembre 1979, en ce qu'il exclut le droit à déduction de la taxe ayant grevé tous les biens et les services utilisés par des tiers, de l'article 26 du même décret en ce qu'il applique aux services des conditions plus restrictives de droit à déduction prévues antérieurement pour les biens. (…) »

Conseil d'Etat, Section, du 30 novembre 1990, 103889, publié au recueil Lebon

« (…) Il appartient à tout intéressé de demander à l'autorité compétente de procéder à l'abrogation d'une décision illégale non réglementaire qui n'a pas créé de droits, si cette décision est devenue illégale à la suite de changements dans les circonstances de droit ou de fait postérieurs à son édiction. Requête dirigée contre la décision implicite du Premier ministre rejetant une demande tendant à ce qu'il abroge, par voie de décrets en Conseil d'Etat pris en application de l'article 3 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, les actes dont résulte le découpage actuel des cantons. Le parti "Les Verts" se bornant à une allégation générale sans préciser en quoi la délimitation de tel ou tel canton serait devenue illégale, le requérant ne met pas le juge à même d'apprécier le mérite de sa requête qui ne peut dès lors qu'être rejetée.(…) »

- Il existe une possibilité de retrait d’un acte illégal créateur de droit uniquement dans le délai de 4 mois à compter de sa signature et d’un acte inexistant insusceptible de créer des droits sans condition de délai.

L’administration peut aussi procéder au retrait de l’acte illégal sous conditions de délai et celui-ci est réputé n’avoir jamais existé  (effet rétroactif).

Conseil d'Etat, Assemblée, du 26 octobre 2001, 197018, publié au recueil Lebon (Ternon)

« (…) Sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires, et hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l'administration ne peut retirer une décision individuelle explicite créatrice de droits, si elle est illégale, que dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision. (…) »

- Il peut exister aussi une obligation de retrait  d’un acte inexistant insusceptible de créer des droits sans limitation de délai en cas de violation du principe d’inaliénabilité du domaine public. (compétence liée)

«  (…) En vertu des principes d'inaliénabilité et d'imprescriptibilité du domaine public, une délibération du conseil municipal autorisant la cession d'un bien qui n'aurait pas été préalablement déclassé, ne saurait conférer un droit acquis à cette cession ; que l'autorité communale a l'obligation de retirer à tout moment une telle délibération ; qu'en outre, un contrat de cession d'un bien appartenant au domaine public revêtirait un caractère illicite. Considérant que, compte tenu de ce qui a été dit au point précédent, les délibérations des 7 novembre 2005, 30 mars 2006 et 2 juin 2008, par lesquelles le conseil municipal de Forges-les Eaux a autorisé la cession de l'abattoir et de l'atelier de découpe qui, faute de déclassement, n'avaient pas cessé d'appartenir au domaine public municipal, n'ont pu créer de droits au profit des sociétés bénéficiaires de ces ventes ; qu'ainsi, pour donner toute leur portée aux principes d'inaliénabilité et d'imprescriptibilité du domaine public, la commune de Forges-les-Eaux était, en l'absence de tout déclassement des parcelles du domaine public, légalement tenue de procéder à leur retrait pour faire échec à la cession de ces biens dans l'attente d'un éventuel déclassement ; que, par suite, les moyens de la société tirés de l'irrégularité de la convocation des conseillers municipaux, d'une violation de la procédure contradictoire et d'une erreur de fait, lesquels ne conditionnent pas la reconnaissance de la situation de compétence liée de la commune, qui ont été présentés à l'appui des conclusions tendant à l'annulation de la délibération du 15 novembre 2011, sont inopérants ; (…) »

SOURCE : CAA de DOUAI, 1re chambre - formation à 3, 02/06/2016, 14DA00557

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Un acte administratif peut-il être inexistant ?

OUI: lorsque l'acte administratif est affecté d'une telle illégalité qu’il doit être regardé comme inexistant, ce qui permet de les contester devant le juge administratif de l'excès de pouvoir à tout moment, même lorsque le délai de recours contentieux est écoulé. Ont été qualifiés d'actes inexistants, les nominations de fonctionnaires pour ordre, c'est-à-dire sans affectation réelle des intéressés dans des fonctions, ou des mesures prises après qu'un fonctionnaire ait été atteint par la limite d'âge.

L'acte inexistant peut être retiré par l'administration à tout moment et ne peut créer de droits au profit de son bénéficiaire. Le juge administratif doit soulever d'office l'inexistence de l'acte (moyen soulevé d'office) mais ce n'est pas parce que l'acte est affecté d'une illégalité très grave qu'il est forcément inexistant.

SOURCE: Conseil d'Etat, Assemblée, du 31 mai 1957, 26188 26325, publié au recueil Lebon

Un acte administratif obtenu par fraude est-il forcément inexistant ?

NON : dans un arrêt en date du 29 novembre 2002, le Conseil d’Etat a eu l’occasion de rappeler que si un acte administratif obtenu par fraude ne crée pas de droits, il n'est pas un acte inexistant.

L'autorité compétente pour prendre cet acte peut le retirer ou l'abroger alors même que le délai de retrait de droit commun serait expiré.

Il incombe toutefois à l'ensemble des autorités administratives de tirer les conséquences légales de cet acte aussi longtemps qu'il n'y a pas été mis fin.

 Une cour administrative d'appel ne commet donc pas d'erreur de droit en jugeant qu'une autorité administrative ne peut utilement se prévaloir d'une éventuelle fraude entachant la nomination d'un agent pour lui refuser le bénéfice de congés de longue durée.

SOURCE : Conseil d'Etat, Section du Contentieux, du 29 novembre 2002, 223027, publié au recueil Lebon

Une demande tendant à ce que soit constatée l'inexistence d'une décision administrative doit être regardée comme une requête en annulation au sens de l'article L.521-1 du C.J.A.

OUI : une demande tendant à ce que soit constatée l'inexistence d'une décision administrative doit être regardée comme une requête en annulation rendant possible une procédure de référé suspension.

Dans un arrêt du 26 janvier 2007, le Conseil d’Etat précise qu’une demande tendant à ce que soit constatée l'inexistence d'une décision administrative doit être regardée comme une requête en annulation au sens de l'article L.521-1 du code de justice administrative. Ainsi, cette demande doit donc être regardée comme une requête en annulation rendant possible une procédure de référé suspension.

SOURCE : Conseil d’Etat, 1ère et 6ème sous-sections réunies, 26 janvier 2007, Commune de X, requête n° 297969, mentionné aux Tables du Recueil Lebon

Documents communicables inexistants: à l'impossible l'administration n'est pas tenue !

En effet, lorsque les états spéciaux annexés au compte administratif d'une commune qui ont demandés n'existent pas le trésorier-payeur général n'a pas à les communiquer.

Toute personne physique ou morale a le droit de demander communication des budgets et des comptes de la commune. Dans un arrêt en date du 14 avril 2010, le Conseil d'Etat considère qu'en jugeant que le trésorier-payeur général de la Lozère est tenu de communiquer à M. A les états spéciaux relatifs aux sections de La Garde et Le Mont et de Pauvres de La Garde , alors qu'il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis que ces états n'ont pas été élaborés et ne figurent en conséquence pas en annexe du compte administratif, le tribunal administratif de Montpellier a dénaturé les faits. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie est fondé à demander l'annulation des articles 2 et 3 du jugement attaqué.

SOURCE: Conseil d'État, 10ème sous-section jugeant seule, 14/04/2010, 282011, Inédit au recueil Lebon