Aux moyens d'ordre public communs aux différents types de recours contentieux devant le juge administratif s'ajoutent des moyens d'ordre publics propres au recours de pleine juridiction. Pour mémoire, un moyen d'ordre public (incompétence de l'auteur de l'acte, défaut d'intérêt ou de qualité pour agir, expiration du délai de recours contentieux, entrée en vigueur rétroactive d'un acte réglementaire, méconnaissance du champ d'application de la loi, application d'une loi d'amnistie, non respect de l'autorité absolue de la chose jugée ...) est un moyen qui doit être automatiquement soulevé par le juge administratif malgré la règle de l' « ultra petita » (règle selon laquelle le juge ne peut statuer au-delà de la demande des parties) et même si le requérant ne l'a pas invoqué. (Conseil d'Etat, 15 juillet 2004, Chabaud ). Le juge administratif peut également accorder le sursis à exécution d'une décision sur ce fondement dans le cadre d'un recours pour excès de pouvoir dés lors que le moyen relevé d'office paraît de nature à justifier son annulation. Conseil d'Etat, 1 / 4 SSR, 21 novembre 1990, Société S.A.P.O.D. Adic, requêtes n° 111489, n° 111494, publié aux Tables du Recueil Lebon : « (...) Considérant, en deuxième lieu, que ledit jugement énonce que le préjudice dont se prévaut l'association "Urbanisme ou Environnement ?", et qui résulterait pour elle de l'exécution du permis de construire litigieux, présente un caractère de nature à justifier le sursis à exécution de cette décision, et que l'un au moins des moyens invoqués ou à examiner d'office par le juge dans le recours pour excès de pouvoir dirigé contre ladite décision paraît de nature, en l'état du dossier, à justifier son annulation ; qu'ainsi, le jugement est suffisamment motivé ;

Considérant, en troisième lieu, qu'à supposer même que le tribunal administratif se soit fondé pour ordoner le sursis à exécution de la décision litigieuse, sur un moyen d'ordre public soulevé d'office, cette circonstance ne serait pas de nature à entacher son jugement d'irrégularité;(...) »

- Ainsi en matière de contentieux de pleine juridiction également appelé contentieux de l'indemnisation, le juge peut relever d'office le moyen tiré de l'absence du ministère d'avocat rendu obligatoire par l'article R. 431-2 du code de justice administrative qui dispose que : « Les requêtes et les mémoires doivent, à peine d'irrecevabilité, être présentés soit par un avocat, soit par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, soit par un avoué en exercice dans le ressort du tribunal administratif intéressé, lorsque les conclusions de la demande tendent au paiement d'une somme d'argent, à la décharge ou à la réduction de sommes dont le paiement est réclamé au requérant ou à la solution d'un litige né d'un contrat.

La signature des requêtes et mémoires par l'un de ces mandataires vaut constitution et élection de domicile chez lui. »

L'article R.431-3 de ce même code précisant que : « Toutefois, les dispositions du 1er alinéa de l'article R. 431-2 ne sont pas applicables :

1º Aux litiges en matière de travaux publics, de contrats relatifs au domaine public, de contravention de grande voirie ; 2º Aux litiges en matière de contributions directes, de taxes sur le chiffre d'affaires et de taxes assimilées ;

3º Aux litiges d'ordre individuel concernant les fonctionnaires ou agents de l'Etat et des autres personnes ou collectivités publiques ainsi que les agents ou employés de la Banque de France ;

4º Aux litiges en matière de pensions, d'aide sociale, d'aide personnalisée au logement, d'emplois réservés et d'indemnisation des rapatriés ;

5º Aux litiges dans lesquels le défendeur est une collectivité territoriale ou un établissement public en relevant ;

6º Aux demandes d'exécution d'un jugement définitif. »

Cependant, le Conseil d'Etat considère dans un arrêt Conseil d'Etat, Section, 27 janvier 1989, Chrun, requête n° 68448, publié au Recueil Lebon que cette irrecevabilité ne peut être opposé que si le requérant, préalablement invité par le juge à régulariser sa requête en recourant au ministère d'un avocat, s'est abstenu de donner suite à cette invitation. « (...) Considérant que l'irrecevabilité tirée de leur présentation sans le ministère d'un avocat ne peut être opposée à des conclusions soumises à cette obligation, -sous réserve de l'application aux pourvois en cassation devant le Conseil d'Etat des dispositions de l'article 57-10 ajouté par le décret n° 88-905 du 2 septembre 1988 au décret du 30 juillet 1963 modifié- que si le requérant, d'abord invité à régulariser son pourvoi par le recours au ministère d'un avocat, s'est abstenu de donner suite à cette invitation ; que, par suite, le jugement attaqué, qui retient cette irrecevabilité sans que M. CHRUN ait été préalablement invité à recourir au ministère d'un avocat, doit être annulé en tant que, par son article 2, il a rejeté les conclusions susanalysées; (...) »

- En matière de contentieux contractuel, le juge peut également relever d'office le moyen tiré de l'utilisation d'une procédure de passation d'un marché public non prévue par la loi : Conseil d'Etat, Section, 29 janvier 1982, Martin, requête n° 19926, publié au Recueil Lebon « (...) Considérant qu'il résulte de l'instruction que pour faire procéder à l'installation du chauffage central dans son groupe scolaire, la commune de Moussy-le-Neuf a conclu avec M. Martin, entrepreneur, un marché de gré à gré de 49 392 F accompagné de cinq mémoires d'achat sur factures portant le montant total du marché à 79 369,79 F hors taxes ; que le recours à cette procédure constitue une méconnaissance volontaire des dispositions des articles 279 et 310 du code des marchés publics régissant les contrats passés par communes de moins de 5 000 habitants qui faisaient obligation à la commune de Moussy-le-Neuf de procéder à une adjudication ou à un appel d'offres ouvert dès lors que le montant du marché dépassait 50000 F; que, par suite, le contrat passé entre ladite commune et M. Martin est nul et n'a pu faire naître aucune obligation à la charge de l'entrepreneur;(...) »

- En matière de contentieux de la responsabilité administrative, le juge peut relever d'office le moyen tiré de l'application de la responsabilité sans faute : Conseil d'Etat, Section, 24 juin 1961, Chevalier, p. 431 ainsi que le moyen tiré de la question de la détermination de la personne responsable du dommage : Conseil d'Etat, Assemblée, 13 juillet 1962, Ministre de la santé publique et de la population c/ Lastrajoli, p. 507.

Mais ne constituent pas des moyens d'ordre public en matière de contentieux de pleine juridiction l'absence de décision préalable au recours de plein contentieux ainsi que la méconnaissance du champ d'application d'un contrat. Ces moyens doivent donc être soulevés à l'initiative du requérant ou du défendeur au recours.