La suspension de fonction d'un militaire, qui n'a pas de caractère automatique, n'est pas une sanction mais une mesure administrative provisoire liée au règlement définitif d'une affaire, c'est-à-dire à la suite qui lui sera donnée sur le plan statutaire et pénal. La récente et tragique actualité de Carcassonne me conduit à faire un rapide point juridique sur la suspension de fonctions des militaires en cas de faute grave. C'est la loi du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires, complétée par les articles 3 et 10 du décret du 22 avril 1974 relatif aux positions statutaires des militaires de carrière qui a prévu pour la première fois en son article 51 qu'en cas de faute grave commise par un militaire de carrière, celui-ci pouvait être immédiatement suspendu de ses fonctions par l'autorité ayant le pouvoir disciplinaire. Cette innovation de la loi de 1972 s'inspirait d'une disposition analogue figurant à l'article 32 de l'ancienne ordonnance n° 59-244 du 4 février 1959 portant statut général des fonctionnaires. Plus récemment, la suspension de fonction a été reprise à l'article 44 de la loi n° 2005-270 du 24 mars 2005 portant statut général des militaires qui dispose qu'en : « En cas de faute grave commise par un militaire, celui-ci peut être immédiatement suspendu de ses fonctions par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire. Le militaire suspendu demeure en position d'activité. Il conserve sa solde, l'indemnité de résidence et le supplément familial de solde. La situation du militaire suspendu doit être définitivement réglée dans un délai de quatre mois à compter du jour où la décision de suspension a pris effet. Si, à l'expiration de ce délai, aucune décision n'a été prise par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire, l'intéressé est rétabli dans un emploi de son grade, sauf s'il est l'objet de poursuites pénales. Lorsque le militaire, en raison de poursuites pénales, n'est pas rétabli dans un emploi de son grade, le ministre de la défense peut déterminer la quotité de la retenue qu'il subit et qui ne peut être supérieure à la moitié de sa solde augmentée de l'indemnité de résidence et du supplément familial de solde. Si le militaire n'a subi aucune sanction disciplinaire, il a le droit au remboursement des retenues opérées sur sa rémunération. Toutefois, en cas de poursuites pénales, ce droit n'est définitivement arrêté qu'après que la décision rendue par la juridiction saisie est devenue définitive. »

Mesure purement administrative, la suspension de fonction se situe en dehors des domaines disciplinaire et pénal qu'il s'agisse des sanctions disciplinaires prévues à l'article 41 du statut général des militaires

(Avertissement, consigne, réprimande, blâme, arrêts sans ou avec période d'isolement, blâme du ministre, etc.), des sanctions professionnelles prévues par décret en Conseil d'Etat, qui peuvent comporter le retrait partiel ou total, temporaire ou définitif, d'une qualification professionnelle ou le cas échéant des sanctions pénales auxquelles peuvent donner lieu les fautes commises. La suspension de fonction n'est pas soumise à l'obligation de communication du dossier au militaire en application de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 relatif à l'obligation de communication du dossier en matière disciplinaire. Toutefois si le dossier a déjà été communiqué par l'autorité militaire préalablement à la mesure de suspension, le militaire n'aura pas un nouveau droit à communication du dossier avant la mesure prononçant la sanction disciplinaire, l'obligation de communication étant réputée satisfaite par la première communication. (Conseil d'Etat, 12 juillet 1969, Le Bris).

CITATION : « Entendu au sens large, le statut des militaires définit leur position politique, sociale et professionnelle; en d'autres termes leur place et leur rôle dans la société. » Livre blanc sur la Défense nationale, 1973, Tome II, chapitre III, I n°2.

BIBLIOGRAPHIE : La fonction publique militaire de Monsieur Pierre COUTANT-Editions Lavauzelle-1976.