OUI: sans préjudice des actions susceptibles d'être exercées à l'encontre du producteur, le service public hospitalier est responsable, même en l'absence de faute de sa part, des conséquences dommageables pour les usagers de la défaillance des produits et appareils de santé qu'il utilise.

Dans un arrêt en date du 4 octobre 2010, le Conseil d'Etat considère que la directive 85/374/CEE du Conseil des communautés européennes du 25 juillet 1985 ne fait pas obstacle à l'application du principe selon lequel, sans préjudice des actions susceptibles d'être exercées à l'encontre du producteur, le service public hospitalier est responsable, même en l'absence de faute de sa part, des conséquences dommageables pour les usagers de la défaillance des produits et appareils de santé qu'il utilise. La directive du 25 juillet 1985, dont les dispositions sont transposées aux articles 1386-1 et suivants du code civil, prévoit que la responsabilité des dommages corporels et, dans certains cas, des dommages matériels causés par un produit défectueux incombe au producteur, selon les modalités qu'elle définit. L'article 13 de la directive du 25 juillet 1985 dispose cependant que : « La présente directive ne porte pas atteinte aux droits dont la victime d'un dommage peut se prévaloir au titre du droit de la responsabilité contractuelle ou extra-contractuelle ou au titre d'un régime spécial de responsabilité existant au moment de la notification de la présente directive ». La responsabilité des établissements publics de santé à l'égard de leurs patients est régie par des principes dégagés par le juge administratif et par des dispositions législatives. Ce régime particulier de responsabilité extra-contractuelle a pour fondement les relations spécifiques qui s'établissent entre le service public hospitalier et les personnes qu'il prend en charge. Il comporte notamment le principe, dont la cour administrative d'appel de Nancy a fait application, selon lequel un établissement doit réparer, en l'absence même de faute de sa part, le dommage subi par un patient du fait de la défaillance d'un appareil ou d'un produit utilisé dans le cadre des soins. Si ce principe a été dégagé par le Conseil d'Etat dans une décision du 9 juillet 2003, postérieurement à la notification de la directive, dans le cadre d'un litige né antérieurement à sa date limite de transposition, il peut être soutenu qu'il demeure applicable aux dommages survenus postérieurement à cette date au bénéfice des dispositions précitées de l'article 13 qui réservent les droits dont la victime d'un dommage peut se prévaloir au titre de la responsabilité (...) extra-contractuelle , dès lors qu'il relève d'un régime de responsabilité ayant un fondement spécifique, distinct de celui du régime de responsabilité du fait des produits défectueux organisé par la directive. La question ainsi posée, qui est déterminante pour l'issue du litige, présente une difficulté sérieuse, justifiant que la Cour de justice de l'Union européenne en soit saisie. En cas de réponse négative à la question énoncée ci-dessus, l'issue du litige dépendrait du point de savoir si le régime de responsabilité défini par la directive concerne, outre les dommages subis par les utilisateurs du produit défectueux, ceux qu'un utilisateur a pu causer à un tiers, notamment dans le cadre d'une prestation de service au bénéfice de ce dernier. Cette question présente également une difficulté sérieuse justifiant qu'elle soit soumise à la Cour de justice de l'Union européenne.

SOURCE: Conseil d'État, 5ème et 4ème sous-sections réunies, 04/10/2010, 327449