EN BREF : il ne revient au juge administratif d'ordonner une expertise judiciaire que lorsqu'il n'est pas en mesure de se prononcer au vu des pièces et éléments qu'il a recueillis et que l'expertise présente ainsi un caractère utile.

Dans son arrêt en date du 23 octobre 2013, le Conseil d'Etat rappelle qu'il appartient au demandeur qui engage une action en responsabilité à l'encontre de l'administration d'apporter tous éléments de nature à établir devant le juge l'existence d'une faute et la réalité du préjudice subi. Il incombe alors, en principe, au juge de statuer au vu des pièces du dossier, le cas échéant après avoir demandé aux parties les éléments complémentaires qu'il juge nécessaires à son appréciation.

Il ne lui revient d'ordonner une expertise que lorsqu'il n'est pas en mesure de se prononcer au vu des pièces et éléments qu'il a recueillis et que l'expertise présente ainsi un caractère utile.

En l'espèce, pour caractériser l'existence d'une faute de l'administration, M. A...s'est prévalu de son incarcération dans une cellule de 25 m², où se trouvaient six personnes, de l'état dégradé de celle-ci, dont il se bornait à donner une brève description, ainsi que d'un article de presse décrivant les conditions de détention de certains détenus à la maison d'arrêt de Cherbourg.

L'administration a, toutefois, détaillé dans ses écritures, notamment la surface des cellules occupées successivement par le requérant, leur équipement mobilier, la date de leur rénovation, leur taux d'occupation, et fourni les éléments, tels que les fiches de renseignement et rapports d'enquête, relatifs à la situation de l'intéressé lors de ses incarcérations successives, lesquels faisaient notamment ressortir que celui-ci s'était livré à des dégradations dans les locaux où il était détenu.

Le tribunal administratif disposait ainsi d'éléments suffisants pour statuer sur l'action indemnitaire engagée devant lui.

Par suite, en estimant qu'une expertise était utile à la solution du litige, le tribunal administratif a dénaturé les pièces du dossier.

Le garde des sceaux est, par suite, fondé, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son pourvoi, à demander l'annulation du jugement attaqué.

SOURCE : Conseil d'État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 23/10/2013, 360961