OUI : car en transférant aux départements l'entretien, la gestion et l'exploitation des routes nationales, l'État leur a aussi transféré la charge d'éventuelles condamnations fondées sur le défaut d'entretien normal de ces voies, y compris lorsque les faits sont antérieurs au transfert.

M. B...A...a été victime, le 3 janvier 2002, d'une chute de vélo alors qu'il circulait entre Agay et Saint-Raphaël (Var) le long de la route nationale 98, transférée à compter du 1er janvier 2008 au département du Var en application du III de l'article 18 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, et devenue depuis la RD 559.

Souffrant de diverses blessures à la suite de cet accident, l'intéressé a recherché la responsabilité de l'Etat pour défaut d'entretien normal de cette voie.

Par un jugement du 18 octobre 2005, le tribunal administratif de Nice a reconnu l'Etat responsable, à hauteur de la moitié des dommages subis par l'intéressé, et, avant dire droit, désigné un expert afin d'évaluer le préjudice subi.

Saisie par M.A..., la cour administrative d'appel de Marseille a réformé ce jugement par un arrêt en date du 15 octobre 2007, devenu définitif, en portant à 75 % la part de responsabilité de l'Etat.

Par un jugement du 17 juin 2008, le tribunal administratif de Nice a fixé à 161.075,11 € le montant des sommes dues par l'Etat à M.A..., auxquelles s'ajoutent 73.277,52 € dus à la caisse primaire d'assurance maladie du Var ; que, sur appel de M.A..., la cour administrative d'appel de Marseille, après avoir mis en cause le département du Var, a réformé ce second jugement par un arrêt du 9 juin 2011, en portant à 189.343,50 € le montant du préjudice réparable de M. A...et en substituant d'office le département du Var à l'Etat comme débiteur de la victime.

Le département du Var se pourvoit en cassation contre ce dernier arrêt.

Aux termes du III de l'article 18 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 : « A l'exception des routes répondant au critère prévu par l'article L.121-1 du code de la voirie routière, les routes classées dans le domaine public routier national à la date de la publication de la présente loi, ainsi que leurs dépendances et accessoires, sont transférées dans le domaine public routier départemental. (...) Ce transfert est constaté par le représentant de l'Etat dans le département dans un délai qui ne peut excéder dix-huit mois après la publication des décrets en Conseil d'Etat mentionnés à l'avant-dernier alinéa de l'article L.121-1 du code de la voirie routière. Cette décision emporte, au 1er janvier de l'année suivante, le transfert aux départements des servitudes, droits et obligations correspondants, ainsi que le classement des routes transférées dans la voirie départementale. (...) En l'absence de décision constatant le transfert dans le délai précité, celui-ci intervient de plein droit au 1er janvier 2008. (...) Les transferts prévus par le présent III sont réalisés à titre gratuit et ne donnent lieu au paiement d'aucune indemnité, droit, taxe, salaire ou honoraire. (...) ».

Dans son arrêt en date du 23 octobre 2013, le Conseil d'Etat considère qu'il résulte de ces dispositions que le département du Var a été substitué à l'Etat à compter du 1er janvier 2008 dans l'ensemble des droits et obligations liés aux routes qui lui ont été transférées à cette date en vertu de la loi. Eu égard à leur portée générale, ainsi qu'à l'objet et aux modalités de compensation financière des transferts de compétences, ces dispositions doivent être regardées comme incluant les droits et obligations attachés aux actions pendantes au 1er janvier 2008. Le moyen tiré de ce qu'une personne publique ne peut être condamnée à payer une somme qu'elle ne doit pas est d'ordre public. Par suite, en mettant en cause le département du Var, après l'avoir invité à présenter ses observations sur ce point, et en mettant à sa charge, en application de ces dispositions, le versement des sommes dues à M.A..., aux lieu et place de l'Etat, alors même qu'aucune des parties présentes dans l'instance n'avait présenté de conclusions en ce sens et qu'une précédente décision juridictionnelle, devenue définitive, avait reconnu la responsabilité de l'Etat, la cour, qui n'a pas méconnu le principe selon lequel le juge doit statuer dans les limites des conclusions dont il est saisi, n'a pas entaché son arrêt d'irrégularité, d'erreur de droit ou de contradiction de motifs.

SOURCE : Conseil d'État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 23/10/2013, 351610