NON : un employeur privé ne peut être autorisé à utiliser comme mode de preuve d’une faute des enregistrements vidéo si les salariés n'ont pas été préalablement informés de son existence alors qu’un employeur public peut apporter la preuve de faits fautifs par tout moyen mais est cependant tenu à une obligation de loyauté de la preuve sauf si un intérêt public majeur le justifie.

1 – L’employeur privé ne peut être autorisé à utiliser comme mode de preuve des enregistrements vidéo si les salariés n'ont pas été préalablement informés de son existence.

Le principe fondamental en matière de surveillance des salariés est l’interdiction d’user de procédés clandestins.

Ainsi, la Cour de cassation a jugé qu’ un salarié ne peut être contrôlé à son insu [Cass. soc., 16 mars 2011, n° 09-43.204], ni piégé par son employeur pour être confondu [Cass. soc., 4 juill.  2012, n° 11-30.266].

Ainsi, outre le fait que l’employeur ne sera pas en mesure d’utiliser les renseignements recueillis à l’encontre du salarié, il encourt des sanctions pénales au titre de l’atteinte portée à la vie privée du salarié.

De plus, si l’employeur a prononcé une sanction motivée par des griefs découverts par le biais d’un dispositif clandestin de surveillance, celle-ci pourra être jugée illicite. 

Dans un arrêt en date du 10 janvier 2012, la Cour de cassation a rappelé que si l'employeur a le droit de contrôler et de surveiller l'activité de ses salariés pendant le temps de travail, il ne peut être autorisé à utiliser comme mode de preuve les enregistrements d'un système de vidéosurveillance installé sur le site d'une société cliente permettant le contrôle de leur activité dont les intéressés n'ont pas été préalablement informés de l'existence.

En l’espèce,  M. X... et divers autres salariés de la société de nettoyage Technique française du nettoyage (TFN), affectés sur le site de la société cliente Guillet, ayant saisi la juridiction prud'homale aux fins d'obtenir le paiement notamment de primes d'habillage, leur employeur a demandé et obtenu le 3 septembre 2008 une ordonnance sur requête désignant un huissier aux fins de visionner les enregistrements des caméras de vidéo-surveillance placées à l'entrée de la société cliente pour la période d'avril à août 2008 et d'établir un relevé des heures d'arrivée et de départ de ses salariés à comparer avec les relevés d'activité établis par le chef d'équipe.

Le procès-verbal, dressé le 18 septembre 2008, a été produit par l'employeur dans la procédure prud'homale.

Les salariés et le syndicat des services CFDT de Maine-et-Loire ont sollicité en référé la rétractation de l'ordonnance sur requête et la nullité des actes subséquents.

La Cour de cassation a estimé que viole l'article L.1222-4 du code du travail la cour d'appel qui refuse de rétracter une ordonnance sur requête rendue en application de l'article 145 du code de procédure civile désignant un huissier de justice aux fins de visionner les enregistrements des caméras de vidéosurveillance placées à l'entrée de la société cliente, qui permettaient le contrôle des heures d'arrivée et de départ sur le lieu du travail des salariés sans qu'ils en aient été informés

SOURCE : Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 10 janvier 2012, 10-23.482, Publié au bulletin

2 – L’employeur public qui peut apporter la preuve de faits fautifs par tout moyen est tenu cependant à une obligation de loyauté sauf si un intérêt public majeur le justifie.

Dans un arrêt en date du 16 juillet 2014, le Conseil d’Etat considère qu’en l'absence de disposition législative contraire, l'autorité investie du pouvoir disciplinaire, à laquelle il incombe d'établir les faits sur le fondement desquels elle inflige une sanction à un agent public, peut apporter la preuve de ces faits devant le juge administratif par tout moyen.

Toutefois, tout employeur public est tenu, vis-à-vis de ses agents, à une obligation de loyauté.

Il ne saurait, par suite, fonder une sanction disciplinaire à l'encontre de l'un de ses agents sur des pièces ou documents qu'il a obtenus en méconnaissance de cette obligation, sauf si un intérêt public majeur le justifie.

Il appartient au juge administratif, saisi d'une sanction disciplinaire prononcée à l'encontre d'un agent public, d'en apprécier la légalité au regard des seuls pièces ou documents que l'autorité investie du pouvoir disciplinaire pouvait ainsi retenir.

En l'espèce, commune ayant, pour établir qu'un de ses agents exerçait sans autorisation, en lien avec son épouse, une activité lucrative privée par l'intermédiaire de deux sociétés, confié à une agence de détectives privés le soin de réaliser des investigations dans le but de mettre en évidence les activités professionnelles du couple et d'en administrer les preuves par des surveillances.

Le rapport qui lui a été remis par cette agence reposait sur des constatations matérielles du comportement de l'intéressé à l'occasion de son activité et dans des lieux ouverts au public.

De tels constats ne traduisaient pas un manquement de la commune à son obligation de loyauté vis-à-vis de son agent et pouvaient donc légalement constituer le fondement de la sanction disciplinaire prononcée contre ce dernier.

SOURCE : Conseil d'État, 9ème et 10ème sous-sections réunies, 16/07/2014, 351005, Inédit au recueil Lebon

3 - La notion d'intérêt public majeur.

La notion de « raisons impératives d’intérêt public majeur » a été précisée, notamment, par un arrêt du Conseil d’Etat qui l’a défini comme « un cas exceptionnel dont la réalisation se révèlerait indispensable ».

La condition est donc interprétée de façon particulièrement restrictive.

SOURCE : Conseil d'État, 6ème sous-section jugeant seule, 09/10/2013, 366803, Inédit au recueil Lebon