OUI : dans une ordonnance du 02 octobre 2015, le juge des référés (liberté) du Conseil d’Etat considère que le maintien d'un agent public pendant une période de trois ans dans un emploi sans véritable contenu puis, pendant une année supplémentaire, en dépit de demandes répétées de nouvelle affectation de sa part, dans une situation dans laquelle plus aucune mission effective ne lui est confiée, suivi de propositions de postes ne correspondant ni à ses qualifications, ni à ses compétences, formulées dans le cadre d'un processus de transfert de services vers un EPCI ne concernant pas la direction dans laquelle cet agent est affecté caractérise, de la part de l'autorité municipale, des agissements constitutifs de harcèlement moral et une atteinte grave à la liberté fondamentale que constitue le droit, pour tout agent public, de ne pas y être soumis. Par ailleurs, le juge ajoute que les fonctionnaires titulaires en activité ont droit à recevoir une affectation dans un emploi correspondant à leur grade et que le refus persistant, pendant plusieurs années, de confier à un fonctionnaire en activité, avec traitement mais sans affectation réelle, des missions effectives revêt un caractère d'illégalité manifeste.

Par une décision du 11 avril 2011, le maire de la commune de Mérignac a affecté Mme B...-A..., agent titulaire de catégorie B précédemment en poste à la direction des systèmes d'information en qualité de chef de projet fonctionnel, sur un emploi de chargée de mission pour la mise en œuvre d'un « plan numérique pour tous » placé sous l'autorité directe du directeur général des services.

L'intéressée soutient, sans être utilement contredite par la seule production d'une fiche de poste établie en 2011 au moment de sa prise de fonctions, que cette mission s'est révélée sans réelle portée durant quatre années, à l'exception du premier mois d'activité, consacré à la conception d'un stage à destination des personnels communaux en difficulté avec l'outil informatique.

Le reste de la mission n'a consisté qu'en la planification de quatre stages annuels d'une semaine chacun, pour six agents seulement.

Cette mission ayant été confiée à la direction des ressources humaines au mois de septembre 2014, Mme B...-A... s'est trouvée, de fait, depuis lors, privée de toute fonction ou activité réelles, alors même qu'elle n'a fait l'objet d'aucune procédure disciplinaire.

Interrogé à plusieurs reprises par Mme B...-A... sur son devenir professionnel à partir de l'été 2014, le directeur général des services de la commune s'est borné à lui adresser des réponses d'attente, sans mettre fin à cette situation d'absence de fonctions effectives, qui a eu des répercussions négatives sur l'état de santé de l'intéressée.

Si deux propositions de postes ont finalement été adressées à Mme B...-A... au cours du mois de juin 2015 à effet au 1er janvier 2016, ces propositions ont été formulées dans le cadre d'un processus de mutualisation d'une partie des services de la commune au sein de la métropole de Bordeaux en application des dispositions de l'article L. 5211-4-2 du code général des collectivités territoriales, issues de l'article 67 de la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, qui n'avait pas vocation à la concerner.

En effet, ces dispositions ne prévoient le transfert de plein droit de fonctionnaires communaux vers un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) que lorsque ces agents remplissent en totalité leurs fonctions dans un service ou une partie de service mis en commun.

Tel n'était pas le cas de la direction générale des services de la commune de Mérignac, dont dépendait Mme B...-A... à la date de ces propositions de pré-affectation.

Au surplus, les emplois qui lui ont été ainsi proposés au sein de la direction générale « numérique et systèmes d'information " de la métropole étaient des postes de " technicien équipements mobiles » dont il n'est pas contesté qu'ils se rattachaient au domaine de la téléphonie et étaient sans rapport avec les compétences de Mme B...-A... dans le domaine de l'informatique.

Si, par une décision postérieure à l'ordonnance attaquée, qui n'a été notifiée que le 25 septembre 2015 à Mme B...-A..., le maire de la commune de Mérignac a décidé d'affecter à nouveau l'intéressée à la direction des systèmes d'information de la commune à compter du 1er octobre 2015, cette affectation sur un emploi de «  chargé de mission numérique bureautique » dont le contenu, tel que décrit par la fiche de poste, correspond à une partie réduite des missions qui lui étaient confiées au sein de la même direction antérieurement à 2011 et qui est appelé à disparaître avec la mutualisation de cette direction au sein de la métropole, ne paraît n'avoir eu d'autre objet que de régulariser a posteriori le transfert envisagé de l'intéressée au sein des services de la métropole.

Dans son ordonnance du 02 octobre 2015, le juge des référés du Conseil d’Etat considère que l'ensemble des faits décrits ci-dessus, et notamment le maintien d'un agent public pendant une période de trois ans dans un emploi sans véritable contenu puis, pendant une année supplémentaire, en dépit de demandes répétées de nouvelle affectation de sa part, dans une situation dans laquelle plus aucune mission effective ne lui est confiée, suivi de propositions de postes ne correspondant ni à ses qualifications, ni à ses compétences, formulées dans le cadre d'un processus de transfert de services vers un EPCI ne concernant pas la direction dans laquelle cet agent est affecté caractérise, de la part de l'autorité municipale, des agissements constitutifs de harcèlement moral et une atteinte grave à la liberté fondamentale que constitue le droit, pour tout agent public, de ne pas y être soumis.

Par ailleurs, que les fonctionnaires titulaires en activité ont droit à recevoir une affectation dans un emploi correspondant à leur grade et que le refus persistant, pendant plusieurs années, de confier à un fonctionnaire en activité, avec traitement mais sans affectation réelle, des missions effectives revêt un caractère d'illégalité manifeste.

SOURCE : Conseil d'État, Juge des référés, 02/10/2015, 393766, Inédit au recueil Lebon