OUI : un candidat malheureux au concours interne de recrutement d'ingénieurs des ponts, des eaux et des forêts soutenaient que le jury avait illégalement introduit dans son appréciation un critère lié à l'âge des candidats. Il fondait  son affirmation sur le fait que, selon lui, la probabilité qu'aucun des dix candidats âgés de plus de 35 ans déclarés admissibles ne figure pas sur la liste des admis n'avait, eu égard au nombre des admissibles et des admis, qu'une chance sur mille de se produire. Dans son arrêt en date 16 octobre 2017, le Conseil d’Etat considère que toutefois, ce calcul, qui repose sur plusieurs hypothèses statistiques non établies quant à la valeur des candidats, ne constitue pas en l'espèce, compte tenu, en outre, du petit nombre de candidats sur lequel repose ce calcul de probabilités, une circonstance susceptible de faire présumer une atteinte au principe d'égalité de traitement entre les candidats à ce concours. On peut légitimement penser que des statistiques un peu plus « fiables » auraient pu permettre d’établir la discrimination.

Aux termes de l'article 5 du décret du 10 septembre 2009 portant statut particulier du corps des ingénieurs des ponts, des eaux et des forêts : «  Les ingénieurs des ponts, des eaux et des forêts sont nommés et titularisés par décret du Président de la République et recrutés selon les modalités suivantes : / (...) 3° Parmi les fonctionnaires ayant satisfait aux épreuves d'un concours interne à caractère professionnel (...) »

Par les deux requêtes, M.E..., candidat aux épreuves de ce concours interne organisées en 2014, demande l'annulation pour excès de pouvoir, d'une part, de la délibération du jury de ce concours, en date du 5 juin 2014, fixant la liste des treize candidats admis et du candidat admis sur liste complémentaire et, d'autre part, par voie de conséquence, du décret du Président de la République du 7 septembre 2015 en tant qu'il nomme et titularise les treize candidats admis ; qu'il y a lieu de joindre ces requêtes pour statuer par une seule décision.

M.E... invoquait  à l’appui de sa requête une rupture d'égalité de traitement entre les candidats à un concours et fondait son raisonnement sur des données statistiques personnelles.

Il appartient au juge administratif, dans la conduite de la procédure inquisitoire, de demander aux parties de lui fournir tous les éléments d'appréciation de nature à établir sa conviction.

Cette responsabilité doit, dès lors qu'il est soutenu qu'une mesure a pu être empreinte de discrimination, s'exercer en tenant compte des difficultés propres à l'administration de la preuve en ce domaine et des exigences qui s'attachent aux principes à valeur constitutionnelle des droits de la défense et de l'égalité de traitement des personnes.

S'il appartient au requérant qui s'estime lésé par une telle mesure de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer une atteinte à ce dernier principe, il incombe au défendeur de produire tous ceux permettant d'établir que la décision attaquée repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

La conviction du juge se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

En l’espèce, M. E...soutient, en premier lieu, que certains candidats ont été favorisés par le jury du concours au motif qu'ils étaient issus des « aires urbaines » de Paris ou de Lyon.

Toutefois, ni la circonstance que les membres du jury avaient leur résidence administrative dans l'une ou l'autre de ces deux zones géographiques ni le fait que le taux d'admission sur liste principale et complémentaire des vingt et un candidats admissibles qui résidaient dans l'une ou l'autre de ces deux zones géographiques s'élève à 57,14 % alors que ce taux n'est que de 16,67% pour les douze admissibles qui n'y résidaient pas, ne sont de nature à faire présumer une atteinte au principe d'égalité de traitement.
M. E...soutient, en second lieu, que le jury a illégalement introduit dans son appréciation un critère lié à l'âge des candidats.

Il fonde son affirmation sur le fait que, selon lui, la probabilité qu'aucun des dix candidats âgés de plus de 35 ans déclarés admissibles ne figure pas sur la liste des admis n'avait, eu égard au nombre des admissibles et des admis, qu'une chance sur mille de se produire.

Toutefois, ce calcul, qui repose sur plusieurs hypothèses statistiques non établies quant à la valeur des candidats, ne constitue pas en l'espèce, compte tenu, en outre, du petit nombre de candidats sur lequel repose ce calcul de probabilités, une circonstance susceptible de faire présumer une atteinte au principe d'égalité de traitement entre les candidats à ce concours.

SOURCE : Conseil d'État, 4ème - 5ème chambres réunies, 16/10/2017, 383459

JURISPRUDENCE :

Conseil d'État, Assemblée, 30/10/2009, 298348, Publié au recueil Lebon

Conseil d'État, 4ème et 5ème sous-sections réunies, 07/07/2010, 322636