EN BREF : il faut que l’état de santé mentale du fonctionnaire soit de nature à altérer son discernement au moments des faits en cause. Dans un arrêt en date du 17 février 2023, le Conseil d’Etat précise que l’état de santé mentale du fonctionnaire n’était pas de nature à altérer son discernement au moments des faits en cause, l’autorité disciplinaire n’a pas, en l’espèce, pris une sanction disproportionnée en décidant de prononcer la révocation de l’intéressé.


En l’espèce, fonctionnaire territorial ayant adressé à de très nombreuses reprises, tant à l’oral qu’à l’écrit, des propos extrêmement déplacés, agressifs et dégradants, dont plusieurs ayant un caractère sexuel et comportant des menaces physiques, à l’une de ses collègues, à l’une de ses supérieures hiérarchiques et à une élue de la région, lesquelles ont porté plainte pour harcèlement moral. Intéressé ayant adressé à sa collègue, alors même qu’il était dépourvu de tout pouvoir hiérarchique à son égard, un grand nombre de courriers électroniques contenant des ordres comminatoires, par lesquels il a perturbé le bon fonctionnement du service.

Si l’intéressé soutient que son état de santé mentale le rendait irresponsable de ses actes, à l’instar de ce qui avait déjà été constaté à l’occasion d’une précédente procédure de révocation engagée par la collectivité, lors de laquelle un rapport d’expertise psychiatrique avait conclu à son irresponsabilité au moment des faits qui lui étaient alors reprochés, il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment des documents fournis par l’intéressé, que son état de santé mentale, pour la période durant laquelle les faits reprochés ont été commis, faisait obstacle à ce qu’une sanction soit prononcée en raison des manquements en cause.

Dans ces conditions, eu égard à la gravité des faits reprochés, lesquels sont au demeurant survenus alors que la collectivité lui avait donné la possibilité de reprendre une activité professionnelle au sein de la fonction publique territoriale en décidant de ne pas mettre en œuvre une première sanction de révocation, et compte tenu de ce que l’état de santé mentale de l’intéressé n’était pas de nature à altérer son discernement au moments des faits en cause, l’autorité disciplinaire n’a pas, en l’espèce, pris une sanction disproportionnée en décidant de prononcer la révocation de l’intéressé.

SOURCE : Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 17/02/2023, 450852

JURISPRUDENCE :

CE, Section, 15 octobre 1971, Dame Buscail, n° 75258, p. 613 :

« Le fait qu'un fonctionnaire se trouverait, lors de l 'ouverture et au cours de procédures disciplinaires engagées a son encontre, dans un état mental qui avait pu lui ouvrir droit a un congé de maladie, n'impose pas a l'administration l 'obligation de faire procéder a l'examen médical de l 'intéressé dans les conditions prévues a l'article 23 du décret du 14 février 1959 avant d'engager ou de poursuivre ces procédures disciplinaires. Dans les circonstances de l'affaire, l'état mental de l'intéressée n'était pas de nature à faire obstacle à ce qu'elle fut regardée comme responsable de ses actes ni à ce que, par suite, une sanction disciplinaire peut être légalement prise contre elle. »

CE, 11 mai 1979, Doupouy, n° 2499, T. pp. 611-772-781-785. Cf. sol. contr :

« Il résulte de l'article 36 de l'ordonnance du 4 février 1959 relative au statut général des fonctionnaires, que le fonctionnaire en congé de maladie de longue durée demeure dans une position d'activité. Il conserve ses droits à l'avancement et à la retraite et il reste soumis au régime disciplinaire des fonctionnaires en exercice. Par suite la circonstance qu'un fonctionnaire aurait été placé en position de congé de maladie de longue durée au moment où il a commis les faits qui ont entraîné l'engagement d'une action disciplinaire à son encontre, ne le soustrayait pas aux obligations incombant à tout fonctionnaire en activité ni ne faisait obstacle à la poursuite de la procédure dont il a été l'objet. En prononçant, à raison de sa condamnation pour conduite en état d'ivresse et de ses précédentes manifestations d'éthylisme "portant la déconsidération sur le corps auquel il appartenait", la sanction de révocation sans suspension de ses droits à pension à l'encontre d'un officier de police adjoint, le ministre de l'Intérieur s'est livré à une appréciation qui n'est pas entachée d'erreur manifeste. Etat mental d'un fonctionnaire ne faisant pas obstacle à ce qu'il fût regardé au moment des faits qui lui sont reprochés comme responsable de ses actes ni à ce que, par suite, une sanction disciplinaire pût être légalement prise contre lui. »

CE, 2 juillet 1980, Centre hospitalier de Saint-Quentin c/ Pruvot, n° 14018, p. 297 :

« Agent hospitalier ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire de licenciement en raison d'actes dont il ne pouvait être regardé comme responsable, dès lors qu'il était atteint d'une maladie mentale pour laquelle il était en traitement depuis plusieurs années. Si les faits reprochés pouvaient conduire à engager une procédure non disciplinaire appropriée à l'état de santé de cet agent, ils ne permettaient pas de prononcer légalement une sanction contre lui. »

Annulant un décret révoquant un fonctionnaire au motif que la sanction était disproportionnée compte tenu de son état de santé, de nature à altérer son discernement, CE, 15 octobre 2020, M. Brunel, n° 438488, inédit :

« Toutefois, il ressort des pièces du dossier, notamment de la décision d'admission en soins psychiatriques du 8 décembre 2018 et du rapport d'expertise établi le 18 septembre 2019 par un médecin psychiatre à l'attention de la commission de réforme ministérielle saisie afin de déterminer l'imputabilité au service de l'accident survenu le 6 décembre 2018, que l'état de détresse psychologique de M. A... avait justifié, après son passage à l'acte suicidaire, une hospitalisation sous contrainte en hôpital psychiatrique et la prescription continue d'arrêts de travail du 12 décembre 2018 au 3 septembre 2019. Selon le rapport d'expertise, M. A... serait atteint de troubles psychopathologiques sévères et de gravité confirmée, entraînant une altération importante du fonctionnement social et professionnel et ne permettant pas une reprise immédiate des fonctions. Dans ces conditions, compte tenu de l'état de santé de M. A..., de nature à altérer son discernement, l'autorité disciplinaire, qui disposait d'un éventail de sanctions de nature et de portée différentes, a, en faisant le choix de la révocation qui met définitivement fin à la qualité de fonctionnaire, prononcé à l'encontre de M. A... une sanction hors de proportion avec les fautes commises. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, M. A... est fondé à demander l'annulation du décret qu'il attaque. »