OUI : dans un arrêt en date du 3 février 2023, le Conseil d’Etat a qualifié d’acte de droit souple pouvant faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir, conformément à sa jurisprudence de principe CE, Section, 12 juin 2020, Groupe d'Information et de Soutien des Immigré.e.s (GISTI), n° 418142, p. 192, une réponse apportée par l’administration dans le cadre d’une foire aux questions (FAQ).


Eu égard à sa teneur, l’interprétation du droit positif, émise par les services chargés d’instruire les demandes d’aides au titre du fonds de solidarité puis de procéder, le cas échéant, au versement de ces aides, est susceptible de produire des effets notables sur la situation des personnes qui souhaitent bénéficier des mesures de soutien mises en place.

Il suit de là que la réponse litigieuse est susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir.

La circonstance que la « foire aux questions » sur laquelle cette réponse a été publiée ne s’adresserait ni aux services en charge de l’instruction des demandes d’aides ni à ceux chargés du contrôle des aides versées est à cet égard sans incidence.

SOURCE : Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 03/02/2023, 451052

JURISPRUDENCE :

CE, Section, 12 juin 2020, Groupe d'Information et de Soutien des Immigré.e.s (GISTI), n° 418142, p. 192 :

« Les documents de portée générale émanant d'autorités publiques, matérialisés ou non, tels que les circulaires, instructions, recommandations, notes, présentations ou interprétations du droit positif peuvent être déférés au juge de l'excès de pouvoir lorsqu'ils sont susceptibles d'avoir des effets notables sur les droits ou la situation d'autres personnes que les agents chargés, le cas échéant, de les mettre en œuvre. Ont notamment de tels effets ceux de ces documents qui ont un caractère impératif ou présentent le caractère de lignes directrices. Il appartient au juge d'examiner les vices susceptibles d'affecter la légalité du document en tenant compte de la nature et des caractéristiques de celui-ci ainsi que du pouvoir d'appréciation dont dispose l'autorité dont il émane. Le recours formé à son encontre doit être accueilli notamment s'il fixe une règle nouvelle entachée d'incompétence, si l'interprétation du droit positif qu'il comporte en méconnaît le sens et la portée ou s'il est pris en vue de la mise en œuvre d'une règle contraire à une norme juridique supérieure. Note émanant de la division de l'expertise en fraude documentaire et à l'identité (DEFDI) de la direction centrale de la police aux frontières, visant à diffuser une information relative à l'existence d'une fraude documentaire généralisée en Guinée (Conakry) sur les actes d'état civil et les jugements supplétifs et préconisant en conséquence, en particulier aux agents devant se prononcer sur la validité d'actes d'état civil étrangers, de formuler un avis défavorable pour toute analyse d'un acte de naissance guinéen. Eu égard aux effets notables qu'elle est susceptible d'emporter sur la situation des ressortissants guinéens dans leurs relations avec l'administration française, cette note peut faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. »

S’agissant d’une réponse contenue dans une « foire aux questions » disponible en ligne, renvoyant sans s'y substituer à des circulaires ministérielles, CE, 17 mai 2017, M. Lacquemant, n° 404270, p. 408 :

« Un document rédigé sous la forme d'une foire aux questions et dans lequel se trouve la réponse du ministre de l'économie et des finances relative au dispositif de régularisation des avoirs détenus à l'étranger contestée par le requérant ne constitue pas une circulaire administrative s'adressant aux services fiscaux mais se borne à présenter aux contribuables, pour les aider dans leurs démarches, les modalités pratiques du dispositif en répondant à diverses questions juridiques et pratiques qu'ils sont susceptibles de se poser. Un tel document ne contient aucune disposition impérative à caractère général.  D'autre part, au regard de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, ce document, qui se borne à renvoyer sans s'y substituer aux circulaires ministérielles encadrant l'action de l'administration fiscale pour l'application, notamment, de l'article 123 bis du code général des impôts (CGI), ne peut être regardé comme étant au nombre des prises de position de l'administration fiscale pouvant lui être opposées par un contribuable sur le fondement de ces dispositions.  Par suite, le document attaqué ne contient aucune disposition impérative à caractère général et alors même qu'il comporterait des énonciations réitérant une règle qui serait contraire à une norme supérieure, les énonciations contestées de cette foire aux questions ne sont pas susceptibles de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. Irrecevabilité de la requête. »

S’agissant d’une prise de position de la CNIL dans une « foire aux questions » mise en ligne sur son site, CE, 8 avril 2022, Syndicat national du marketing à la performance et Collectif des acteurs du marketing digital, n° 452668, à publier au Recueil. Comp :

« Par la question – réponse n° 12 mise en ligne le 18 mars 2021 sur le site internet de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), cette autorité a fait part aux responsables de traitement et personnes concernées de son interprétation de l’article 82 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, quant à la portée et au champ d’application des exemptions à l’obligation de consentement préalable au dépôt des traceurs de connexion, en ce qui concerne les opérations dites d’affiliation. Eu égard à sa teneur, cette prise de position, émise par l’autorité de régulation sur son site internet, est susceptible de produire des effets notables sur la situation des personnes qui se livrent à des opérations d’affiliation et des utilisateurs et abonnés de services électroniques. ...Il suit de là que cette question-réponse n° 12 et le refus de la CNIL de la retirer sont susceptibles de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir. »